Le processus de renégociation du contrat Sicomines pourrait générer 7 milliards de dollars. L’annonce surprise a été faite par le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi dans son discours de prestation de serment, le samedi 20 janvier 2024 au Stade des Martyrs de la Pentecôte de Kinshasa. Ces fonds seraient affectés, selon toute vraisemblance, aux infrastructures en vue de la connectivité du pays. La Société civile accueille cette annonce présidentielle avec satisfaction, mais estime que le processus devait être mené en toute transparente, ouvert aux acteurs de la Société civile. A en croire Emmanuel Umpala Nkumba, directeur et fondateur de Afriwatch, structure spécialisée dans la gouvernance minière, la Société civile exige qu’il ait transparence autour de cette renégociation, que les informations soient partagées pour que la Société civile, que les citoyens, dans leur ensemble, soient au courant des termes de renégociation et mais aussi et surtout comment cela va être mis en application.
Ci-dessous l’intégralité de l’entretien que cet acteur de la Société civile du secteur de mines a eu avec Radio Okapi dans le cadre de l’émission « Echos de l’économie ».
Renégociation du contrat minier, la RDC a pu obtenir une somme de 7 milliards USD pour le désenclavement du territoire national. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?
Je dois dire qu’au niveau de Afriwatch, ça été une surprise parce que nous savions qu’il avait des négociations secrètes qui étaient en cours. Mais vous allez vous rappeler que depuis que les négociations avaient commencé, notre organisation exigeait la transparence autour de la renégociation de cette convention. Malheureusement, cela n’a pas été entendu. Les discours ont continué entre les deux parties. Comme tout le monde, nous avons tous été surpris.
Mais c’est quand même une surprise agréable, n’est-ce pas ?
En tant qu’organisation de la Société civile, il y a encore des questions à se poser autour de comment les parties sont arrivées à ce montant, mais aussi comment la partie chinoise va libérer ou verser cet argent-là. Si on rentre dans la convention initiale de 2008, il était prévu que les Chinois allaient effectivement 3 milliards dans les infrastructures. 15 ans après, il n’y a rien, nous n’avons rien vu venir. Et lorsqu’on regarde le rapport de l’ITIE, après 15 ans, les Chinois n’ont construit des infrastructures qui ont représenté autour de 800 et quelques millions de dollars. Et là-dedans, on parle même de la surfacturation. Donc, oui, cela peut être une bonne nouvelle, mais quelle condition et comment les choses vont se passer. Donc, nous exigeons plus de transparence de cette renégociation.
Ce processus de renégociation, à quel niveau se trouve-t-il ?
Malheureusement, il n’y a pas assez d’informations, en dehors du fait que le président l’a annoncé le 20 janvier lors de la cérémonie de prestation de serment. Dans son 1er discours, il l’a annoncé. Et comme je le dis, ça été une surprise. Je crois que pour tout celui qui suit le dossier, nous savions quelques mois avant les élections que le président avait effectué le voyage en Chine et nous savions que, pendant ce temps, le dossier allait être évoqué, malheureusement cela n’avait pas été le cas. Après là, il n’avait plus rien qui avait filtré jusqu’à ce que le président puisse l’annoncer publiquement lors de sa prestation de serment.
A votre niveau, quelles sont vos attentes par rapport à ce processus ?
Depuis le début, nous demandons à ce qu’il ait la transparence, à ce que les informations soient partagées pour que la Société civile, les citoyens dans leur ensemble soient au courant des termes de cette renégociation et mais aussi et surtout comment cela va être mis en application. Est-ce que cela ne va engendrer des intérêts du côté chinois ? Je me rappelle que nous avions fait une bonne analyse, qui avait constaté que la partie chinoise, de 2008 à 2021, n’avait pas respecté ses engagements et qu’il fallait tout simplement annuler les termes du contrat et ramener cette convention chinoise dans le droit commun. Ce qui n’a pas été fait et que le gouvernement avait estimé qu’il fallait renégocier avec ses partenaires. Maintenant, à quelle condition, qu’est-ce que la RDC va gagner ? C’est bien beau de dire qu’on a 7 milliards, mais on doit savoir dans le détail, qu’est-ce qu’il y a derrière.
Ramener cet accord dans le droit commun, cela veut dire quoi exactement ?
Cela signifie que dans cette convention, une partie qui devait être remboursée avec des intérêts et donc, pour nous, la RDC ne devait plus verser ces intérêts-là et que la Sicomines devait payer des taxes et droits comme tous les autres entreprises parce que nous avions calculé, au cours de la même période, les entreprises de la presque même taille que la Sicomines avaient payé à l’Etat congolais, en termes de taxes et impôts, ce que le Sicomines devait avoir remboursé en termes de dettes, mais aussi payé à l’Etat était presque insignifiant alors que ce sont des projets de presque même taille. Alors du fait que du côté de la Chine, on n’avait pas respecté cela, pour éviter l’endettement de la RDC autour de ce projet, nous étions en train de demander à ce qu’on rentre dans le droit commun, à ce que la Sicomines paie les impôts comme toutes les autres entreprises et que de l’autre côté, cela éviterait à la RDC d’être endettée par rapport à ce projet.
N’est-ce pas une manière pour vous de demander au gouvernement d’élargir les membres autour de la table pour cette renégociation ?
Pas du tout, il appartient au gouvernement de renégocier, mais nous voulons avoir plus de transparence autour de cette renégociation. Cela signifie qu’on devait savoir quels sont les membres du côté congolais qui sont dans la commission, de manière transparente, on devait avoir les termes de référence du travail de la renégociation, quels sont les points qui devaient être abordés et pourquoi savoir quelles les positions su côté RDC. Ce sont toutes ces informations qui devaient être accessibles à tout le monde, mais pourquoi pas demander des contributions à la Société civile qui suit ce processus, car nous avons besoin que cela se passe de manière transparente.
Propos recueillis par St Augustin K.