En autorisant les membres du gouvernement dont les mandats venaient d’être validés en tant que députés nationaux à expédier les affaires courantes, le président de la République, Félix Tshisekedi, a-t-il enfreint la Constitution ?
Tribune.
Sans qu’il ne le dise, j’ai pensé que ma réflexion pouvait y répondre. La Raison d’État est le seul guide d’un homme d’État soucieux de bien remplir sa mission. Elle donne lieu à la compréhension du recul des normes sociales et du droit face à l’intérêt supérieur de la nation. En l’espèce, le président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui n’a nullement manifesté publiquement une quelconque intention de violer la Constitution de son pays, aurait dû user de ses prérogatives telles que reprises à l’article 69 de la Constitution, dont le paragraphe 3 lui confère le droit d’assurer, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, ainsi que la continuité de l’État. Il aurait pu y parvenir sans être accusé de violer intentionnellement la Constitution par la saisine de la Cour constitutionnelle, laquelle dispose du pouvoir de régulation du cadre institutionnel (article 161 de la Constitution).
L’application combinée de ces deux dispositions donnerait à la haute Cour le droit de recourir à ses pouvoirs de régulateur pour ainsi permettre aux membres du gouvernement frappés d’incompatibilité avec l’exercice du mandat parlementaire de se retrouver dans la position soutenue par le président de la République.
En effet, en qualité de régulateur, le juge constitutionnel est habilité à se prononcer, entre autres, quant au fonctionnement des institutions sur des questions non clairement résolues par les textes des lois et même par la Constitution. Il lui est reconnu le droit de rentrer dans l’esprit de la Constitution, notamment en élaborant des grands principes qui s’y accommodent. Il s’agit donc des espèces non écrites. C’est dans cet ordre d’idées que la Cour constitutionnelle s’était prononcée sur la prolongation de deux années que s’était offerte la gouvernance du régime ayant précédé l’exercice du premier mandat de l’actuel président. Les anglo-saxons ont compris que tout ne pouvait pas être écrit ni prévu, ainsi privilégient-ils la gestion situationnelle, pourvu qu’elle ne heurte la conscience collective. Le besoin politique ou social peut mettre légitimement le droit en attente et même en créer, pourvu qu’il vise la protection des intérêts de la population. C’est ça la Raison d’État.
Serge Ceyland Mayamba Massaka
Avocat