Candidat aux élections présidentielles de 2018 et de 2023, le Professeur Noël K. Tshiani Muadiamvita aborde la question de la séparation entre l’Église et l’État, illustrée par des incidents récents impliquant des leaders religieux et politiques en République Démocratique du Congo. Il souligne clairement l’importance de cette séparation pour le bon fonctionnement de la société et propose le dialogue comme solution. Dans sa tribune, le Professeur Noël K. Tshiani met en avant l’exemple des Kimbanguistes, qui respectent cette séparation, et suggère qu’ils pourraient servir de modèle.
Tribune
Séparation de l’État laïc et de l’Église
Lors du jubilé épiscopal de l’évêque de Mbuji-Mayi en juin 2023, le Chef de l’État avait mis en garde certains prêtres de l’Église catholique qui utilisent les tribunes religieuses pour critiquer et s’attaquer aux autorités de l’État. Cependant, lors de la célébration de la fête de Pâque 2024, le Cardinal Fridolin Ambongo a vivement critiqué les autorités de l’État pendant la messe, au point de justifier les rebellions meurtrières, ce qui a perturbé les fidèles présents. Le Cardinal affirme parler au nom des pauvres. Lors de son passage à l’aéroport international de Ndjili pour voyager à Rome pendant le week-end dernier, le Cardinal s’est plaint de n’avoir pas été autorisé à entrer dans le salon VIP et d’avoir été envoyé chez les pauvres qu’il est censé représenter. Ceci a suscité une série de déclarations de désapprobation de la part de l’Église catholique et des leaders politiques de l’opposition.
Le vrai malaise
Devant ces incidents, personne ne se pose la question de savoir comment on est arrivé là et quel est le véritable problème qu’il faut régler pour que le pays fonctionne normalement et pour éviter que l’État n’offusque l’église et que l’église n’outrepasse pas sa mission et ses responsabilités. À mon avis, c’est la fameuse question de la séparation entre l’État laïc et l’église. À bien analyser la situation, tout le monde a raison et personne n’a tort. Mais si rien n’est fait, il faut s’attendre à ce que la relation entre l’État et l’Église catholique s’empire.
Défendre les pauvres : Un Défi sans Condescendance
Il existe plusieurs Églises en République Démocratique du Congo, un pays où le principe de la laïcité de l’État est établi, et où la séparation entre l’Église et l’État doit être respectée. Je suis catholique, mais j’observe attentivement le comportement de toutes les Églises du pays ainsi que leurs relations avec les autorités. Ayant vécu dans plusieurs pays, j’ai une idée claire des relations entre les autorités politiques et religieuses. Normalement, les autorités de l’État se concentrent sur les affaires gouvernementales, tandis que les autorités religieuses s’occupent des questions spirituelles. Il est rare de voir les autorités politiques s’immiscer dans les affaires de l’Église, tout comme il est inhabituel que les leaders religieux critiquent ouvertement les leaders politiques. Toutefois, il est essentiel que l’Église défende les opprimés, tout en préservant la dignité des pauvres et des sans voix, évitant ainsi toute condescendance.
Hommage à l’Église Kimbanguiste
Je ne suis pas Kimbanguiste, mais je fréquente les leaders de cette Église, y compris le Chef Spirituel et Représentant légal. À l’occasion de la fête du 6 Avril 2024 en mémoire du Prophète Simon Kimbangu, j’ai séjourné à Nkamba Nouvelle Jérusalem pendant deux jours, sur invitation personnelle de Papa Simon Kimbangu Kiangani. Je constate que le Chef Spirituel de l’Église Kimbanguiste et ses fidèles respectent scrupuleusement le principe de la séparation entre l’Église et l’État. Les Kimbanguistes prêchent la parole de Dieu et laissent l’État faire son travail. Ils évitent de s’attaquer aux autorités politiques inutilement et, en cas de préoccupations, ils trouvent un moyen de les exprimer aux autorités politiques avec politesse, sans se livrer à des spectacles médiatiques.
Je trouve que cette approche est plus efficace, car les Kimbanguistes obtiennent beaucoup pour leurs communautés et le pays en étant plus diplomates, plus polis et moins belliqueux. Il n’y a pas de honte à apprendre des autres. Lorsqu’il s’agit de la séparation entre l’État et l’Église, il me semble que les Kimbanguistes constituent un modèle qui mérite d’être émulé en République Démocratique du Congo.
Où allons-nous ?
Je reconnais que la laïcité est le principe de séparation de l’Église et de l’État et garantit la liberté de conscience. En tant que catholique, j’apprécie ma religion et respecte les leaders de mon Église. En tant que nationaliste et patriote, j’admire et respecte les autorités de mon pays pour leurs efforts incessants visant à relever les défis auxquels notre population est confrontée. Ces défis ont émergé depuis l’indépendance du pays en 1960 et ne peuvent être attribués uniquement aux autorités actuelles. En tant que personne appartenant aux deux camps, je souhaite contribuer à trouver des solutions permettant au pays de retrouver une vie normale. Sans cela, nous risquons de nous retrouver dans une situation imprévisible pour chacun des camps. C’est pourquoi je propose un dialogue franc et sincère entre l’État et l’Église, afin de réaffirmer le principe constitutionnel de la laïcité de l’État et de définir les règles et limites des prédications religieuses dans le strict respect des lois du pays.
Le 21 mars 2024, j’avais publié un tweet intitulé « séparation de l’État Laïc et de l’Église » pour prévenir d’éventuels débordements à venir. Les récents incidents ne sont que le début de ces débordements. Nous devons nous attendre à des situations plus graves si aucune action n’est entreprise pour anticiper et prévenir de tels événements.
La patrie ou la mort !
Professeur Noël K. Tshiani Muadiamvita