En République démocratique du Congo, la Société Nationale d’Électricité (SNEL) joue un rôle stratégique en produisant près de 90 % de l’électricité consommée dans le pays. Pourtant, la consommation d’électricité n’atteint que 3 % des besoins énergétiques, laissant une place dominante au bois-énergie, un secteur pesant près de 4 milliards de dollars par an et soulevant d’importants défis environnementaux et de santé publique. Acculée par une dette de 3 milliards de dollars et des infrastructures vétustes, la SNEL amorce une transformation cruciale. Grâce au soutien de l’État et de partenaires internationaux, la compagnie nationale redéfinit ses priorités pour offrir une alternative durable à la dépendance énergétique tout en soutenant l’industrialisation et le développement du pays.
La Société Nationale d’Électricité (SNEL) occupe une place stratégique en République démocratique du Congo, produisant près de 90 % de l’électricité consommée dans le pays. Cependant, malgré cette position dominante, la consommation d’électricité de la RDC ne représente que 3 % des besoins énergétiques annuels, le reste étant principalement comblé par le bois-énergie, un marché augmentant à près de 4 milliards de dollars par an. Cette dépendance au bois, représentant environ 10 millions de dollars par jour, pose des défis environnementaux et de santé publique, tout en reflétant les lacunes du secteur électrique.
Dans ce contexte, la SNEL se voit contrainte de réorienter ses stratégies et de repenser son rôle dans un paysage énergétique dominé par les contraintes économiques, l’endettement, et les attentes des usagers.
Endettement massif : obstacle au redressement financier
Avec une dette atteignant les 3 milliards de dollars, représentant 4,5 % du PIB national en 2023, la situation financière de la SNEL est délicate. Largement constituée de prêts bilatéraux, notamment chinois, et des engagements dépendants envers les clients miniers, la SNEL consacre près de 60 % de ses recettes au service de cette dette. Cela limite ses capacités d’investissement et sa marge d’action pour rénover et étendre ses infrastructures. Cette contrainte financière aggrave un taux de recouvrement des recettes déjà bas, en grande partie dû au modèle de facturation forfaitaire : seul un client sur cinq dispose d’un compteur, ce qui rend difficile une facturation précise et fiable. Par ailleurs, l’État, principal actionnaire et consommateur de la SNEL, ainsi que plusieurs entreprises publiques, accumulent des arriérés, consomment près de 30 % de l’électricité dans les grandes villes sans contrepartie financière.
Des infrastructures vétustes
Le réseau de la SNEL est marqué par une vétusté généralisée et un déficit structurel de capacité atteignant 5 GW. Ces insuffisances engendrent un délestage quotidien qui affecte gravement les ménages et l’économie nationale. Les installations sont fréquemment sujettes aux pannes, aggravées par la surcharge des équipements, les sabotages, le vol de câbles de cuivre et des structures métalliques, et les connexions frauduleuses. Cette situation appelle une modernisation urgente des infrastructures pour assurer une meilleure qualité de service et répondre aux besoins croissants de la population et des industries.
Signes de progrès
Malgré les difficultés, la SNEL a montré des signes de redressement depuis fin 2023. Une gestion plus rigoureuse et la révision des tarifs haute tension ont contribué à améliorer sa trésorerie, permettant de réduire de près de 60 % ses dettes envers les banques commerciales et d’éviter les crédits à court terme. Ces progrès, bien que fragiles, offrent un cadre propice à un désendettement progressif et à une meilleure allocation des dépenses opérationnelles. Cependant, la mise en place récente de nouvelles taxes parafiscales pourrait entraîner ces avancées, nécessitant un dialogue ouvert pour maintenir cet élan positif.
Projets structurants pour un avenir énergétique durable
Depuis deux ans, la SNEL bénéficie de nouveaux programmes de financement soutenus par des institutions internationales telles que la Banque mondiale, la Banque Africaine de Développement, et l’Agence Française de Développement, en partenariat avec l’Union Européenne. Ces financements visent à renforcer les capacités de la SNEL à travers des projets concrets et une modernisation de ses équipements. Le lancement d’un Master Plan en collaboration avec le Groupement des Clients Miniers (GCM) et un partenariat avec John Cockeril pour dynamiser la recherche et le développement illustrent cette volonté de transformation. De plus, des initiatives de digitalisation, comme l’application SNEL&Moi, permettent d’améliorer le service à la clientèle et la communication, marquant un tournant vers une gestion plus moderne et transparente.
Plan opérationnel 2024-2026 et perspectives 2025-2029
Le 20 septembre 2024, la signature d’un contrat de performance entre la SNEL et l’État a posé les bases d’un plan de redressement ambitieux. Ce contrat prévoit des mesures pour renforcer la gestion, régulariser les titres de propriété, restructurer la dette et améliorer les services aux clients. La SNEL cherche également à capter une part du marché de 4 milliards de dollars dominée par le bois-énergie, en promouvant l’électricité comme une alternative durable. Le plan opérationnel actuel pour 2024-2026, soutenu par une politique gouvernementale axée sur 10 axes principaux (investissements, fiscalité, trésorerie, etc.), pose les jalons pour un développement stratégique jusqu’en 2029.
Projets phares
Digitalisation et modernisation : Avec l’application SNEL&Moi et l’installation de compteurs communicants, la SNEL vise une meilleure facturation et une réduction des pertes. L’assainissement des réseaux basse tension dans les villes est également une priorité pour offrir un service plus fiable.
Développement des infrastructures de production : La finalisation du barrage de Katende, en lien avec des réseaux de transport vers des villes comme Kananga et Mbuji-Mayi, contribuera au développement des agro-industries et à la réduction de la dépendance au bois-énergie.
Électrification des zones rurales : La réhabilitation du barrage de Mobayi Mbongo et la construction de lignes de transport dans les provinces du Nord et Sud Ubangi ainsi que de la Mongala permettront d’élargir la couverture électrique, favorisant ainsi le développement économique et éventuellement la pression sur les ressources forestières.
Soutien aux industries minières et agro-industrielles : Des centrales hydroélectriques sur la rivière Luapula et l’interconnexion du réseau Sud fourniront une énergie stable aux industries stratégiques et aux zones de transformation des minéraux dans le Haut-Katanga et le Sud-Kivu.
Centralisation énergétique régionale : La centrale hydroélectrique de Wania Rukula et les réseaux associés desserviront plusieurs provinces, renforçant l’indépendance énergétique dans les régions stratégiques.
Développement des zones économiques spéciales : La construction de nouvelles centrales sur la rivière Inkisi et l’interconnexion avec l’Angola visent à soutenir les zones industrielles de Kinshasa et du Kongo Central, permettant de diversifier l’économie et de réduire la dépendance au bois- énergie.
Pitshou Mulumba