Emmanuel Macron s’est engagé, lors d’une allocution télévisée, jeudi 5 décembre, à nommer « dans les prochains jours » un nouveau premier ministre chargé de former un gouvernement « d’intérêt général », après la censure de celui de Michel Barnier née, selon lui, de « l’irresponsabilité » ainsi que d’un « front anti – républicain » dans lequel « l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unis ». Alors que les appels à sa démission se multiplient, il a exclu cette décision avant la fin de son mandat, en 2027.
Au lendemain de la censure historique du gouvernement de Michel Barnier à l’Assemblée nationale, renversé par une large majorité (331 votes) composé des voix du Nouveau front populaire (NFP) mêlées à celles du Rassemblement national (RN), le président de la République devait rassurer les Français, angoissés par le climat de chaos politique qui règne dans le pays, et « faire tomber les masques » de ses adversaires.
Après avoir été contraint, depuis le début du mois de septembre, à une prise de distance présidentielle, en laissant à son premier ministre le soin de « gouverner », Emmanuel Macron a pris la parole depuis l’Élysée. Pour la première fois, il a esquissé un mea culpa sur sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale.
« À l’issue des résultats des législatives, mon choix s’était porté sur Michel Barnier et je l’ai laissé gouverner (…) Je veux le remercier pour son dévouement et sa pugnacité. Il a été censuré parce que l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unis dans un front anti-républicain(…) pour défaire et non pour faire », a-t-il affirmé, en se montrant très critique envers les socialistes. Et d’ajouter : « Pourquoi ces députés ont-ils fait ça ? Ils ne pensent pas à vous. Ils ont fait ça parce qu’ils ne pensent qu’à l’élection présidentielle. »
IL EXCLUT DE DÉMISSIONNER
Accusé par ses opposants d’être le grand responsable de l’instabilité politique qui tourmente la France depuis sa désastreuse dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, Emmanuel Macron se défend. Oui, concède-t-il, « cette décision n’a pas été comprise ». « Je veux bien le reconnaitre », admet-il, pour une fois. « Beaucoup me l’ont reproché et je sais, beaucoup continuent de me le reprocher. C’est un fait et c’est ma responsabilité », poursuit-il, alors que nombre de ses soutiens l’ont lâché, déroutés par son attitude qui a mis un coup d’arrêt à son second quinquennat.
Emmanuel Macron n’est pas seulement revenu sur cette dissolution, contestée jusque dans son propre camp. Il a aussi répondu à ses détracteurs qui lui demandent de démissionner. Il a réaffirmé une nouvelle fois qu’il accomplirait son mandat jusqu’en 2027. « Le mandat que vous m’avez confié est un mandat de cinq ans et je l’exercerai pleinement jusqu’à son terme », a-t-il déclaré.
Il a mis en garde les oppositions à cet effet. « À partir d’aujourd’hui, c’est une époque nouvelle qui doit commencer, où tous devrons agir pour la France et où il faudra bâtir des compromis nouveaux », a affirmé le président. Et de souligner : « Aucun parti, aucune coalition ne peut prétendre avoir seul la majorité. Et cette situation exige une nouvelle organisation politique. C’est inédit, mais c’est ainsi. Nous ne pouvons nous permettre ni l’immobilisme ni l’inaction. Nous avons 30 mois ».
« GOUVERNEMENT D’INTÉRÊT GÉNÉRAL »
Le délai de plus de deux mois pris par le président pour nommer cet été Michel Barnier semble être révolu. Emmanuel Macron a promis la nomination « dans les prochains jours » d’un nouveau premier ministre. Il a déjà esquissé sa principale mission : former un gouvernement « resserré » et « d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’arc de gouvernement qui puisse y participer ou, à tout le moins, qui s’engage à ne pas le censurer ».
La « priorité » du nouveau premier ministre sera le budget, alors que les discussions au Parlement ont été interrompues par la motion de censure. Une loi spéciale sera déposée « avant la mi-décembre au Parlement », a affirmé le président. « Cette loi temporaire permettra, comme c’est prévu par notre Constitution, la continuité des services publics et de la vie du pays. Elle appliquera pour 2025 les choix de 2024 », a-t-il ajouté.
FRANÇOIS BAYROU À MATIGNON ?
Le moment est peut-être arrivé. Maintes fois candidat malheureux à Matignon, François Bayrou, 73 ans, maire de Pau et président du Mouvement démocrate (MoDem) coche plusieurs cases pour succéder à Michel Barnier. Ses partisans croient en un alignement des planètes. « Si ce n’est pas maintenant, c’est jamais », glissait, dès mardi, à Politico, l’un de ceux qui le connaissent bien. Sur l’antenne de Sud Radio, le patron des députés MoDem, Marc Fesneau, a estimé, mercredi, que « c’était une hypothèse sérieuse ». Pour l’ancien ministre de l’Agriculture, pas de doute : « Dans la situation actuelle, c’est un des profils les plus pertinents, compte tenu de son histoire, de son parcours et de ses relations avec les uns et les autres. »
Autres noms évoqués : Sébastien Lecornu, ministre des Armées désormais démissionnaire, François Baroin, maire de Troyes et ancien président de l’association des maires de France, et Bernard Cazeneuve, ancien premier ministre socialiste.
Après le jour de répit qu’il s’est accordé en célébrant la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, samedi 7 décembre, Emmanuel Macron, sommé de nommer rapidement un nouveau premier ministre, est replongé dans la crise politique française.
Vendredi 6 décembre, il a commencé à consulter officiellement « le socle commun » composé de Les Républicains, MoDem, Horizons et Renaissance. Aujourd’hui, ce sera au tour des Communistes, des Écologistes et du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires).
Robert Kongo, correspondant en France