Sans un allègement fiscal et une révision en profondeur des politiques actuelles, la Société Nationale d’Électricité (SNEL SA) ne pourra assumer pleinement son rôle stratégique dans le développement économique de la République démocratique du Congo. La survie et le redressement de cette entreprise dépendent d’une volonté politique forte et d’actions concrètes visant à transformer les défis structurels en opportunités. Lors de la conférence tenue le 18 décembre 2024 au Fleuve Congo Hôtel, dans le cadre du Compact Énergétique de la RDC, le Directeur Général, Fabrice Lusinde, a plaidé avec fermeté pour des réformes urgentes. Il a notamment proposé des mesures clés telles que l’amnistie fiscale, le moratoire sur la parafiscalité et l’harmonisation des politiques fiscales, autant de leviers indispensables pour garantir la viabilité et la compétitivité.
La Société Nationale d’Électricité (SNEL SA) se trouve dans une situation critique, confrontée à une dette astronomique de 3,07 milliards USD, répartie comme suit : 2,31 milliards USD (75,25 %) de dette financière, 340 millions USD (11 %) de dette fiscale, 408 millions USD (13,25 %) de dette commerciale et 13,77 millions USD (0,5 %) de dette sociale. Ces chiffres inquiétants ont été révélés lors de la conférence tenue le 18 décembre 2024 au Fleuve Congo Hôtel, par le Directeur Général, Lusinde Wa Lusangi Kabemba, dans le cadre du Compact Énergétique de la RDC.
Un poids fiscal insurmontable
En 2024, la SNEL a versé 131,57 millions USD (soit plus de 374 milliards CDF) en impôts, taxes et redevances, comprenant des prélèvements tels que la TVA, les taxes environnementales, et les redevances sur la production et la consommation d’électricité. Pourtant, ces efforts fiscaux sont loin de soulager l’entreprise, qui fait face à des litiges incessants, à une application inégale des lois et à des procédures parfois intempestives. Le Décret n°23/116 du 18 novembre 2023, destiné à harmoniser ces pratiques, demeure en suspens, privant la SNEL d’un cadre juridique équitable.
À cette pression fiscale s’ajoutent des factures impayées de l’État et des entités publiques, des créances qui fragilisent davantage les finances déjà précaires de l’entreprise.
Tarifs inadaptés et concurrence déloyale
Le problème des tarifs est un autre obstacle majeur. Les clients résidentiels payaient 0,039 USD/kWh, un tarif dérisoire par rapport à la moyenne régionale. Les nouveaux tarifs, prévus pour atteindre 0,22 USD/kWh en 2022, n’ont pas été appliqués, laissant l’entreprise dans un déséquilibre financier face à ses concurrents, souvent mieux lotis.
Lors de son intervention, le Directeur Général Lusinde Wa Lusangi Kabemba a présenté une série de mesures audacieuses pour alléger le poids fiscal, améliorer la compétitivité et assainir les finances de la SNEL. Parmi ses recommandations figurent : l’amnistie fiscale visant à effacer les arriérés fiscaux auprès des régies financières telles que la DGI, la DGDA et la DGRAD pour permettre à l’entreprise de repartir sur des bases saines ; le moratoire sur la parafiscalité pour suspendre temporairement les impôts indirects afin d’alléger les charges ; l’harmonisation fiscale pour aligner la fiscalité applicable à la SNEL sur le régime compétitif du Code Minier ; la simplification des exonérations pour faciliter les procédures d’exonération pour les équipements nécessaires à la modernisation du réseau énergétique ; les paiements croisés via un mécanisme de compensation des dettes mutuelles entre la SNEL et les régies financières pour réduire le fardeau global ; la gestion des actifs obsolètes qui requiert l’adoption d’ un décret pour traiter les actifs non assurables et non louables et le dialogue fiscal afin de renforcer la sensibilisation auprès des autorités fiscales pour uniformiser les pratiques et éviter les litiges.
Une réforme incontournable pour la survie de la SNEL
Ces propositions visent à offrir à la SNEL l’opportunité de stabiliser ses opérations tout en améliorant sa compétitivité sur un marché énergétique en mutation. Toutefois, la mise en œuvre de ces réformes dépendra de la volonté des autorités publiques à accorder une attention urgente aux défis du secteur énergétique.
Le DG de la SNEL a également souligné la nécessité de mettre en place des mécanismes transparents pour le recouvrement des factures, notamment celles des institutions publiques, qui représentent une part significative des créances non recouvrées.
Les défis rencontrés par la SNEL ne concernent pas uniquement l’entreprise, mais soulèvent une problématique plus large pour l’économie congolaise. Le secteur énergétique est un pilier fondamental du développement, et son instabilité pourrait freiner les ambitions économiques du pays.
En adoptant une approche globale et inclusive, la RDC pourrait transformer cette crise en opportunité pour moderniser son secteur énergétique, garantir un approvisionnement énergétique fiable et soutenir les efforts de diversification économique. Cependant, sans réformes structurelles rapides et efficaces, la SNEL pourrait continuer à s’enliser dans ses difficultés financières, au détriment de la population et des entreprises dépendantes de son service.
Vers un pacte énergétique renouvelé
Le Compact Énergétique de la RDC, dans le cadre duquel le plaidoyer de la SNEL s’inscrit, offre une plateforme pour repenser l’avenir du secteur électrique. Ce programme vise à renforcer la gouvernance, attirer des investissements privés et améliorer l’accès à l’électricité pour les citoyens et les industries. Lusinde Wa Lusangi Kabemba a exhorté le gouvernement à faire de cette initiative une priorité nationale, en alignant les politiques fiscales et tarifaires avec les réalités du terrain.
Les attentes des parties se manifestent
Les recommandations de la DG de la SNEL trouvent écho auprès des experts et des partenaires du secteur, qui appellent également à : Une autonomie financière accumulée pour la SNEL, en limitant les interférences administratives qui freinent son développement ; Des investissements massifs dans les infrastructures pour réduire les pertes techniques et améliorer la qualité du service ; Un cadre législatif stabilisé pour encourager la compétitivité et la transparence dans le marché de l’énergie.
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