« Je ne braderai jamais les richesses de la République démocratique du Congo. » C’est par ces mots, martelés avec solennité, que le président Félix Tshisekedi a tenu à lever tout doute sur le projet de partenariat stratégique en cours de discussion avec les États-Unis autour des minerais critiques. Dans un contexte marqué par la suspicion, y compris dans certains segments de la presse congolaise, le chef de l’État a dénoncé des « campagnes orchestrées » visant à affaiblir la souveraineté économique du pays. Cette prise de parole forte s’inscrivait dans le cadre de la célébration à Kinshasa de la 32ᵉ Journée mondiale de la liberté de la presse, placée sous un thème d’une acuité brûlante : « Le journaliste congolais face au défi de l’intelligence artificielle : information et désinformation en ce temps de guerre d’agression rwandaise. » Une double guerre – militaire et médiatique – dans laquelle le président a élevé les journalistes au rang de vigies républicaines.
C’est dans un contexte de tension aiguë, tant sur le terrain militaire qu’au sein de l’espace médiatique, que le chef de l’État congolais s’est adressé le 5 mai aux journalistes. Marquant la célébration nationale de la 32ᵉ Journée mondiale de la liberté de la presse, son discours n’a laissé aucun doute sur la gravité des enjeux actuels : « Alors que notre pays fait face à une agression extérieure brutale qui viole notre souveraineté, il doit simultanément affronter une autre guerre, plus insidieuse : celle de la manipulation, de la propagande et du brouillage de la vérité », a déclaré Félix Tshisekedi devant un parterre de journalistes, de diplomates et de responsables politiques réunis à Kinshasa.
Dans sa vision, les journalistes sont désormais appelés à être les premières lignes d’un front moins visible mais tout aussi décisif : celui de la lutte contre la désinformation, alimentée selon lui par des puissances étrangères hostiles, notamment via l’intelligence artificielle.
« L’IA, un outil ambivalent »
« Jamais la désinformation n’a été aussi pernicieuse. Et jamais la frontière entre vérité et manipulation n’a été aussi fine », a souligné le président, évoquant les deepfakes, les rumeurs amplifiées sur les réseaux sociaux, et les récits falsifiés véhiculés à travers des technologies de plus en plus sophistiquées.
Reconnaissant que l’intelligence artificielle offre également des opportunités inédites pour les médias – rapidité de traitement, capacité d’analyse, diversification des formats –, le président a néanmoins insisté sur « les risques majeurs qu’elle comporte lorsqu’elle est utilisée à des fins malveillantes, pour nourrir le doute et déstabiliser les esprits ».
Cette guerre de l’information n’est pas qu’une menace abstraite. Elle est vécue au quotidien dans les récits contradictoires sur la situation sécuritaire à l’Est, mais aussi sur les grands partenariats économiques que le pays cherche à nouer.
« Je ne braderai jamais les richesses de la République »
Le point d’orgue de son intervention a été la défense sans détour du projet de partenariat stratégique en cours de négociation entre la RDC et les États-Unis, portant sur la valorisation des minerais critiques. Certaines voix – y compris au sein de la presse nationale – ont dénoncé un possible bradage des ressources congolaises.
« Ces allégations sont non seulement infondées, mais relèvent souvent de campagnes orchestrées pour affaiblir notre souveraineté économique », a répliqué Félix Tshisekedi. Avant de marteler : « Jamais je ne braderai les richesses de la République Démocratique du Congo. J’en ai fait le serment devant la Nation, et je m’y tiendrai jusqu’au bout. »
Le président a appelé la presse à la rigueur, à la vérification systématique des sources, et à la vigilance face aux tentatives d’instrumentalisation. « La liberté d’informer est sacrée, mais elle exige, plus que jamais, rigueur, éthique et loyauté envers la vérité et l’intérêt supérieur de notre peuple », a-t-il insisté.
Une presse comme rempart démocratique
Le discours du président a aussi été l’occasion de rendre hommage aux journalistes tombés dans l’exercice de leur métier, qualifiés d’« héros silencieux », et d’appeler leurs confrères à « résister, enquêter, rétablir la vérité », en particulier depuis les zones de conflit.
Cette adresse présidentielle s’inscrit dans une dynamique de réforme législative engagée depuis 2023, avec l’Ordonnance-Loi n°23/009 qui encadre désormais plus strictement l’exercice du journalisme. Félix Tshisekedi s’est félicité de l’adoption de nouveaux textes réglementaires, de la reconnaissance officielle des médias en ligne et communautaires, ainsi que de l’instauration d’un régime de sécurité sociale pour les professionnels des médias.
« Il n’y a pas de paix durable sans liberté de la presse »
Dans un pays où la guerre n’est pas seulement militaire, mais aussi sémantique, le rôle des médias devient central dans la préservation de l’unité nationale. « La liberté de la presse ne peut être dissociée d’un devoir de responsabilité patriotique », a-t-il soutenu.
Félix Tshisekedi a conclu en appelant les journalistes à rester « les gardiens de notre mémoire collective » et à « ouvrir les chemins de la lumière » dans les jours sombres. Une exhortation qui sonne comme un avertissement et une promesse : « Il n’y a pas de démocratie réelle sans pluralité de l’information. Il n’y a pas de République forte sans journalistes debout. »
Infos27
ADRESSE DE SON EXCELLENCE MONSIEUR FELIX-ANTOINE TSHISEKEDI TSHILOMBO, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, A L’OCCASION DE LA CELEBRATION NATIONALE DE LA 32ÈME JOURNEE MONDIALE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE
Kinshasa, le 05 mai 2025
Honorable Président de l’Assemblée Nationale,
Honorable Président du Sénat,
Madame la Première Ministre, Cheffe du Gouvernement,
Honorables Députés Nationaux et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs, les Membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs des Corps constitués,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de mission diplomatique et Représentants des organismes internationaux,
Monsieur le Président de l’Assemblée Provinciale de Kinshasa,
Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa,
Mesdames et Messieurs les journalistes et professionnels des médias,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec une vive émotion et un profond respect pour le rôle que vous jouez dans notre société que je prends la parole, ce jour, en ma qualité de garant du fonctionnement régulier des institutions, à la célébration nationale de la 32ème Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Cet événement, célébré chaque 3 mai, est un moment de réflexion, d’évaluation, d’engagement et de solidarité envers vous, journalistes, qui portez la lourde et noble responsabilité d’informer, d’éclairer et de défendre la vérité, parfois au péril de vos vies.
Avant toute chose, j’adresse un hommage ému à la mémoire de vos collègues disparus, tombés dans l’exercice de leur apostolat. Leur héroïsme silencieux, leur intégrité exemplaire et leur quête inlassable de vérité enrichissent notre conscience collective et renforcent notre devoir commun de défendre la liberté d’expression.
En leur honneur, je vous invite à vous lever pour observer, ensemble, un moment solennel de recueillement.
[Moment de silence]
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs,
Cette journée n’est pas un simple rituel, mais bien plus, c’est un acte d’engagement solennel et un moment de veille collective pour un meilleur horizon. Car célébrer la liberté de la presse, en République Démocratique du Congo, aujourd’hui plus que jamais, c’est affirmer avec force notre attachement indéfectible à la démocratie, au pluralisme médiatique et à l’accès à la vérité, et ce, en dépit des tempêtes qui nous assaillent.
La liberté de la presse est un pilier fondamental de toute démocratie digne de ce nom. En République Démocratique du Congo, nous avons fait de ce principe une priorité, car une presse libre est le miroir de la société, la gardienne de nos valeurs et le porte-voix de notre peuple. Dès mon accession à la Magistrature Suprême, j’ai toujours affirmé mon engagement à protéger cette liberté, à promouvoir le pluralisme médiatique et à garantir un accès équitable à une information fiable et transparente.
Le thème retenu cette année pour ce Forum national sur la liberté de la presse et de l’information est à la fois actuel et redoutablement pertinent : « Le journaliste congolais face au défi de l’intelligence artificielle : information et désinformation en ce temps de guerre d’agression rwandaise ».
Jamais l’information n’a circulé aussi vite. Jamais la désinformation n’a été aussi pernicieuse. Et jamais la frontière entre les deux n’a été aussi fine.
Alors que notre pays fait face à une agression extérieure brutale qui viole notre souveraineté, il doit simultanément faire face à une autre guerre, plus insidieuse : celle de la manipulation, de la propagande, et du brouillage de la vérité. Cette guerre de l’information, où la vérité est systématiquement prise pour cible, est exacerbée par l’irruption de technologies de rupture telles que l’intelligence artificielle, qui bouleversent en profondeur les modes de production et de diffusion de l’information.
Sur les réseaux sociaux, dans les discours politiques ou à travers des images fabriquées de toutes pièces, des outils d’intelligence artificielle sont utilisés avec une sophistication croissante pour semer la confusion, nourrir le doute et déstabiliser les esprits.
Certes, l’intelligence artificielle est une révolution technologique qui transforme notre monde à une vitesse fulgurante, car elle offre des opportunités extraordinaires pour les médias : des outils pour analyser des données complexes, pour produire des contenus plus rapidement, ou encore pour atteindre un public plus large. Mais elle comporte aussi des risques majeurs, notamment celui de la désinformation.
Ces dernières années, notre pays a été la cible des fake news, de deepfakes et des campagnes de désinformation, souvent orchestrées par des acteurs extérieurs, visant à minimiser les crimes commis contre notre peuple et détourner l’attention de la communauté internationale, à alimenter la méfiance envers les institutions de la République, à attiser les divisions au sein de nos communautés locales et affaiblir notre cohésion nationale.
En illustration de mon propos, je ne peux passer sous silence les nombreuses manipulations médiatiques autour du partenariat stratégique en cours de finalisation entre la République Démocratique du Congo et les États-Unis d’Amérique, concernant la valorisation de nos minerais critiques. Certains discours, parfois relayés sans vérification par une partie de la presse, évoquent à tort un prétendu bradage de nos ressources naturelles. Ces allégations sont non seulement infondées, mais relèvent souvent de campagnes orchestrées pour affaiblir notre souveraineté économique et miner les efforts de repositionnement stratégique de notre pays sur la scène mondiale.
Je tiens ici, devant vous, à réaffirmer solennellement ce que j’ai toujours défendu : jamais je ne braderai les richesses de la République Démocratique du Congo. J’en ai fait le serment devant la Nation, et je m’y tiendrai jusqu’au bout. J’en appelle donc à la conscience des journalistes : dans un contexte aussi sensible, votre responsabilité est immense. Veillez à toujours croiser vos sources, à vous rapprocher des canaux officiels d’information, et à ne jamais vous faire, même involontairement, les relais des ennemis de la Patrie. La liberté d’informer est sacrée, mais elle exige, plus que jamais, rigueur, éthique et loyauté envers la vérité et l’intérêt supérieur de notre Peuple.
Mesdames et Messieurs,
Dans un pays en proie à une guerre d’agression, la désinformation devient alors une arme redoutable.
Face à cela, que peut faire le journaliste congolais ? Il peut résister. Il peut enquêter. Il peut rétablir la vérité. Il peut rappeler aux Congolais que la dignité d’un peuple commence par la maîtrise de son histoire, par la souveraineté de sa parole, et par la défense de ses intérêts vitaux.
En ces temps de guerre, la liberté de la presse ne peut être dissociée d’un devoir de responsabilité patriotique. Elle appelle chaque journaliste à faire le choix conscient d’une information qui contribue à la défense de la patrie. Il ne s’agit nullement de travestir la vérité, ni d’imposer une pensée unique, mais d’un engagement lucide et éthique à rapporter les faits, rien que les faits, dans le respect strict de votre code d’éthique et de déontologie professionnelle.
Chers journalistes,
Face au défi auquel notre Nation est confrontée, votre rôle est plus crucial que jamais. Vous êtes les gardiens de la démocratie, les sentinelles de la vérité. Ceux qui, par leur rigueur et leur éthique, peuvent contrer ces vagues de désinformation. Vous êtes surtout les gardiens d’un espoir : celui d’un Congo libre, informé, debout.
À vous, je lance aujourd’hui un appel solennel : soyez les gardiens de notre mémoire collective. Dans les jours sombres, c’est votre plume, votre micro, votre image, qui peuvent ouvrir les chemins de la lumière. Documentez les faits, donnez la parole aux victimes, et refusez de céder à la peur ou à la manipulation. À cet égard, je salue particulièrement les efforts de ceux d’entre vous qui, malgré les risques, continuent de rapporter la vérité depuis le front et les zones sous occupation ennemie.
Votre action est un pilier de la cohésion nationale ; un rempart contre les discours de haine. Elle est une arme pacifique mais puissante contre les ambitions impérialistes de ceux qui veulent faire de notre pays un champ de ruines et de mensonges. La nation se dressera toujours aux côtés de ses journalistes intègres, de ses médias responsables, et de toutes celles et ceux qui refusent que la vérité soit mise à genoux.
Je me réjouis sincèrement de constater que, bien au-delà des défis actuels, vous demeurez pleinement engagés dans l’esprit des réformes du cadre légal et règlementaire pour l’assainissement de notre espace médiatique.
Dans cette dynamique, je salue, d’une part, l’élection d’un nouveau Comité dirigeant à la tête de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC), appelé désormais à jouer un rôle déterminant dans la restauration de l’ordre et de la rigueur professionnelle au sein du secteur des médias.
D’autre part, je salue également l’élaboration des textes réglementaires destinés à assurer la mise en œuvre effective des dispositions contenues dans l’Ordonnance-Loi n°23/009 du 13 mars 2023, fixant les modalités d’exercice de la liberté de presse, de la liberté d’information et de la liberté d’émission par la radio, la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication en République Démocratique du Congo. Parmi les avancées majeures introduites par cette Ordonnance-Loi, je tiens à mettre en exergue :
- La clarification de la définition du journaliste professionnel et de l’entreprise de presse ;
- La reconnaissance officielle des médias en ligne, communautaires et associatifs ;
- Le renforcement des pouvoirs du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication ainsi que la reconnaissance légale de l’Union Nationale de la Presse du Congo ;
- L’instauration d’un régime de sécurité sociale pour les journalistes ; et,
- La mise en place de mesures de soutien à la viabilité économique des médias, condition essentielle pour garantir leur indépendance.
Ces progrès sont le fruit d’un dialogue républicain fécond, d’un engagement collectif, animé par la volonté de faire de la presse congolaise un véritable pilier de la démocratie, de la paix et de la cohésion nationale.
J’en appelle à toutes les parties prenantes : poursuivons sans relâche cet élan de réformes amorcé depuis mon accession à la Magistrature Suprême. Œuvrons ensemble pour qu’il porte davantage de fruits, au service d’une presse réellement libre, indépendante, éthique et professionnelle, respectueuse des règles déontologiques, des bonnes mœurs et des lois de la République.
Il nous revient, dans cet esprit de responsabilité collective, de consolider les acquis, d’approfondir les réformes entreprises et de renforcer notre résilience commune. Car c’est ainsi que nous parviendrons à garantir durablement un environnement médiatique libre, sécurisé et responsable, véritable socle de la vérité, de la justice et de la démocratie en République Démocratique du Congo.
Je conclus mon propos en rappelant cette évidence : il n’y a pas de paix durable sans liberté de la presse. Il n’y a pas de démocratie réelle sans pluralité de l’information. Il n’y a pas de République forte sans journalistes debout.
En cette journée solennelle, je vous appelle à rester vigilants, solidaires, et résolument engagés dans cette bataille essentielle pour la vérité, la justice et la dignité du peuple Congolais.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo, et que vive la liberté de la presse !
Je vous remercie.