Dans une capitale où les entrepreneurs dénoncent chaque jour le poids étouffant de la paperasserie et des contrôles intempestifs, un député national s’empare du dossier avec méthode et détermination. Olivier Kasanda Katuala, élu de Lukunga à Kinshasa, la capitale, dépose incessamment une proposition de loi inédite visant à réconcilier régulation publique et liberté d’entreprendre. Objectif : mettre fin aux inspections multiples, redondantes ou abusives qui fragilisent le climat des affaires en République Démocratique du Congo. Derrière ce texte, mûri dans un contexte d’urgence économique et de désaffection des investisseurs, se profile une vision : celle d’un État arbitre, garant de la transparence mais libéré de la tentation bureaucratique. En exclusivité pour Infos27, le député réformateur détaille les mécanismes précis qu’il entend introduire — limitation des contrôles, code de conduite pour les agents, protection juridique des entreprises — et défend une ambition claire : replacer la RDC sur la carte africaine des destinations économiques fiables.
Interview
Infos27 (I27) : Honorable Kasanda Katuala, merci de nous accorder cet entretien exclusif. Pouvez-vous présenter l’essence de votre proposition de loi sur la rationalisation des contrôles institutionnels et la sauvegarde du climat des affaires, et nous expliquer en quoi ce texte pourrait transformer en profondeur les pratiques administratives actuelles en RDC ?
Honorable Olivier Kasanda Katuala (OKK) : Je remercie chaleureusement Infos27 pour cette opportunité de m’exprimer sur un sujet essentiel pour l’avenir économique de notre pays. L’objet central de cette proposition de loi est d’établir un équilibre harmonieux entre les nécessités de la régulation étatique (indispensable pour préserver l’ordre public, la sécurité et l’environnement), et la liberté d’entreprendre, qui est le moteur de l’innovation et de la croissance. Pour y parvenir, le texte s’attaque frontalement aux dysfonctionnements persistants tels que les tracasseries administratives récurrentes, les contrôles abusifs menés sans proportionnalité, et les attitudes agressives ou intimidantes des agents publics, qui sont souvent dénoncés dans les rapports internationaux sur la facilité des affaires.
Concrètement, la loi introduit plusieurs mécanismes innovants : elle rend obligatoire l’adoption d’un code de conduite interne par chaque institution publique, avec des obligations claires en matière de courtoisie, de transparence et d’impartialité lors des interactions avec les opérateurs économiques. Par exemple, les agents devront s’identifier clairement, expliquer les motifs de leurs interventions et éviter tout comportement discriminatoire ou menaçant. De plus, elle limite strictement la fréquence des contrôles administratifs à une seule occurrence tous les trois ans par thématique et par entreprise, sauf en cas de risques imminents justifiés ou d’autorisation judiciaire, pour prévenir les redondances et les perturbations inutiles. Les procédures de contrôle seront également encadrées : un préavis d’au moins 72 heures sera requis, sauf urgence documentée, et un rapport motivé devra être fourni dans les 15 jours suivant l’inspection, afin de garantir la traçabilité et la prévisibilité.
Actuellement, ces pratiques abusives génèrent des coûts exorbitants pour les entreprises (en temps, en ressources et en opportunités perdues), des retards systémiques dans les projets d’investissement, et une méfiance généralisée qui repousse les capitaux nationaux comme étrangers. En s’inspirant des réformes réussies en Afrique subsaharienne, comme celle du Sénégal, et en s’alignant sur des standards globaux promus par la Banque Mondiale dans ses rapports Doing Business et B-READY, ainsi que par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), cette loi va métamorphoser les relations public-privé. Au lieu d’un climat conflictuel et imprévisible, nous aurons des interactions coopératives, proportionnées et fondées sur la présomption de bonne foi des opérateurs économiques.
I27 : Concrètement, en quoi cette loi changera-t-elle la vie des opérateurs économiques — qu’ils soient congolais ou étrangers — et comment compte-t-elle contribuer au développement durable et à la compétitivité de l’économie nationale ?
OKK : Cette proposition est conçue avant tout pour placer les opérateurs économiques au cœur de la protection légale, en reconnaissant leur rôle pivotal dans la génération de richesse et d’emplois. Pour les petites et moyennes entreprises (PME) locales, les startups innovantes ou les investisseurs étrangers engagés dans des secteurs variés comme l’agroalimentaire, l’industrie extractive, les établissements de crédit et les Télécoms, etc., la loi offre un arsenal de safeguards contre les abus administratifs. Par exemple, elle instaure un droit de défense renforcé : avant toute sanction, les opérateurs disposeront d’un délai minimal de 15 jours, extensible à 30 jours, pour présenter leurs arguments et preuves, avec une évaluation objective de la faute classée en niveaux (mineure, modérée ou grave) pour assurer la proportionnalité. De plus, des incitatifs substantiels sont prévus pour les entreprises démontrant une conformité exemplaire : des réductions fiscales progressives pouvant atteindre 5% sur les impôts sur les sociétés ou les taxes locales, pour une durée renouvelable de deux ans, ainsi que des priorités dans l’attribution des marchés publics. Cela inclut aussi des simplifications procédurales et un accès privilégié à des formations ou financements publics.
Les opérateurs économiques bénéficieront également de protections contre les représailles, avec des interdictions formelles de mesures de retaliation (vengeance) après une plainte, et des sanctions pénales pour les violations de confidentialité des données sensibles obtenues lors des inspections.
I27 : L’un des volets les plus marquants de votre texte concerne le renforcement de la Cellule Climat des Affaires, placée sous l’autorité directe de la Présidence de la République. Quels changements concrets cette réforme introduit-elle, et comment ces ajustements devraient-ils améliorer les conditions d’exercice des opérateurs économiques tout en stimulant la dynamique nationale de développement ?
OKK : Absolument, le renforcement de la Cellule Climat des Affaires représente un pilier stratégique de cette loi, transformant cet organe en un véritable gardien de l’environnement économique. Cette Cellule y gagne des pouvoirs étendus pour une action proactive et réactive. Parmi les innovations clés : elle pourra mener des audits annuels systématiques sur les institutions publiques, incluant des revues documentaires, des visites inopinées et des entretiens pour évaluer la conformité aux codes de conduite et aux limitations de contrôles. Elle disposera aussi de l’autorité pour initier des enquêtes sur plaintes, ordonner des suspensions provisoires d’inspections abusives en cas d’urgence, et recommander des sanctions disciplinaires contre les agents fautifs (allant de l’avertissement au licenciement), en respectant le statut des fonctionnaires.
De plus, la Cellule certifiera les entreprises compliant, en leur octroyant des labels qui réduisent la fréquence des contrôles, et elle compilera un registre public des entités certifiées pour promouvoir la transparence. Elle produira également des rapports annuels exhaustifs sur l’état du climat des affaires, incluant des indicateurs clés comme la fréquence des contrôles, le nombre de plaintes résolues, et des recommandations pour des réformes futures, soumis au Président et transmis pour information au Gouvernement, au Parlement et au Conseil économique et social de la RDC.
Pour les opérateurs économiques, ces changements signifient des recours rapides et efficaces contre les harcèlements : des plaintes traitées en priorité (15 jours pour les urgentes), avec protections contre les représailles et l’assurance de la confidentialité des informations. Cela libérera les entrepreneurs des craintes d’abus, leur permettant de se concentrer sur la croissance plutôt que sur la défense administrative.
I27 : Cette proposition de loi s’inscrit dans une série d’initiatives législatives que vous portez depuis le début de la législature. Comment s’articule-t-elle avec vos trois autres textes, notamment celui sur la réforme bancaire actuellement en voie d’adoption, et quelle cohérence globale souhaitez-vous donner à cet ensemble ?
OKK : Mes quatre propositions législatives forment un ensemble cohérent pour aborder les défis socio-économiques du pays. La refonte bancaire, validée en première instance à l’Assemblée et analysée en ce moment au Sénat, cherche à supprimer de la législation bancaire les dispositions restrictives et inhabituelles qui dissuadent les investissements dans ce domaine, comme l’obligation d’un actionnariat minimal de quatre associés, chacun détenant au moins 15 % du capital ; une règle unique en Afrique qui rend toutes nos banques non conformes depuis plus de trois ans. Les deux autres, en attente de débat plénier, concernent, d’une part, la proposition de loi portant révision de la loi sur les recettes publiques alloués aux Entités Territoriales Décentralisées (ETD) telles que les Villes et Communes, en leur attribuant divers impôts, droits, taxes et redevances provinciaux, pour les rendre financièrement autonomes et capables de gérer les priorités locales ; et, d’autre part, la proposition de loi fixant les critères minimaux d’accès aux postes de ministres, de dirigeants publics et de diplomates, afin d’équiper le pays de dirigeants dont l’expérience et l’expertise favorisent la relance nationale.
Cette proposition de loi complète l’ensemble en sécurisant les entreprises contre les abus administratifs, pour forger un cadre stable où les réformes bancaires ou décentralisatrices peuvent s’épanouir. C’est une approche globale : sans un environnement d’affaires sain, les autres mesures perdent en impact.
I27 : Pour conclure, Honorable, quel message souhaitez-vous adresser aux opérateurs économiques sur la portée et les effets transformateurs que vous attendez de cette proposition de loi ?
OKK : Aux opérateurs économiques, nationaux et internationaux : cette proposition loi, une fois adoptée par le Parlement et promulguée par le Président de la République, sera votre bouclier contre les entraves bureaucratiques qui ont trop longtemps freiné votre dynamisme. Elle vous offrira non seulement une protection robuste (avec des recours efficaces, des incitatifs fiscaux et une réduction des perturbations), mais aussi la sérénité nécessaire pour innover, investir et croître sans crainte d’abus arbitraires.
Propos recueillis par Pitshou Mulumba

