Kinshasa, capitale d’une nation en pleine émergence, se débat quotidiennement dans un tourbillon ininterrompu d’embouteillages qui asphyxient la ville et la figent dans une immobilité chronique. En dépit des multiples initiatives des autorités, telles que l’instauration de mesures de circulation alternée, la situation semble se dégrader inexorablement. Ces réponses ponctuelles, jugées comme de vaines panacées par un grand nombre d’observateurs avertis, révèlent un manque de vision stratégique et une gestion défaillante des infrastructures urbaines. Pour soulager cette crise urbaine, il apparaît impérieux, selon les spécialistes, de réinventer en profondeur l’urbanisme de la capitale, de réhabiliter les voies secondaires délaissées et de mettre en œuvre une politique de transport public ambitieuse et efficiente, tout en insufflant à la population une prise de conscience collective quant à l’importance de la discipline citoyenne.
Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, est confrontée à un phénomène qui semble insurmontable : les embouteillages. Ce problème, récurrent et aggravé chaque jour, devient un véritable fardeau pour les habitants de la ville, qui peinent à se déplacer d’un point à l’autre dans des conditions de plus en plus chaotiques. Si les autorités, tant provinciales que centrales, multiplient les initiatives pour résoudre ce fléau, force est de constater que ces solutions restent inefficaces. L’une des dernières propositions en date, dévoilée lors du Conseil des ministres du 29 novembre 2024, consistant à renforcer le contrôle technique des véhicules et l’assurance des conducteurs, semble davantage relever d’une mesure cosmétique que d’une véritable réponse au problème.
L’ironie réside dans le fait que cette mesure, qui vise à réduire le nombre de véhicules en circulation, risque d’être anecdotique. En effet, si une majorité de conducteurs respectait ces nouvelles obligations, cela ne suffirait pas à régler le problème sous-jacent : un manque flagrant d’infrastructures adaptées et un système de transport en commun qui ne répond plus aux besoins croissants d’une population urbaine de plus en plus nombreuse. Le véritable mal qui gangrène Kinshasa réside dans l’absence de vision claire et cohérente pour une gestion urbaine durable et fonctionnelle.
Le diagnostic du problème n’est pas posé. Certes, le contrôle des véhicules peut générer des recettes fiscales et donner l’illusion d’une action, mais il ne s’attaque pas à la racine du mal. L’urbanisme et la planification des transports à Kinshasa sont profondément défaillants. Les infrastructures routières sont insuffisantes, et la politique de réhabilitation ou de construction des voies secondaires reste une promesse sans réel impact. Le fait que la circulation soit fluide lors de passages officiels, comme celui des visiteurs de marque attendus par le chef de l’État, démontre qu’il est possible de fluidifier le trafic lorsque l’on s’en donne véritablement les moyens.
Cette situation est également symptomatique de l’attitude des Kinois face à la circulation. Comme le souligne l’éditorialiste Willy Kalengayi, il existe une « culture du privilège » qui imprègne l’ensemble de la société. Chaque Kinois, quel que soit son statut social, croit que les embouteillages existent pour tous, sauf pour lui. (Éditorial : « Et si les embouteillages étaient un karma collectif ? » https://www.facebook.com/share/p/1CnZqKGTnC/)
Certains usent de leurs privilèges – comme des escortes ou des gyrophares – pour s’imposer sur les routes. D’autres, dans un élan d’individualisme, ne respectent ni les règles de la circulation, ni la courtoisie élémentaire entre conducteurs. Quant aux conducteurs de taxis-motos, leur conduite reckless, sans respecter aucune norme, est devenue une norme.
Ce comportement irréfléchi est le produit d’un mal plus profond : l’inconscience collective. Pour Willy Kalengayi, la solution à ce problème ne peut être que collective. Il ne suffit pas de chercher des solutions individuelles ou temporaires. Il est impératif que chaque Kinois, qu’il soit autorité ou simple citoyen, prenne conscience de son rôle dans le système de transport urbain. L’objectif ne doit pas être la défense de son propre privilège ou la recherche de sa propre commodité, mais plutôt l’amélioration du système pour tous. Une transformation profonde de l’attitude des Kinois est nécessaire, passant du régime du privilège à celui du service. Il faut apprendre à se mettre au service des autres, à comprendre que la fluidité de la circulation dépend du respect mutuel et de la coopération de tous.
Ainsi, la vraie réponse aux embouteillages à Kinshasa réside aussi dans un changement de mentalité. Une prise de conscience collective qui, à long terme, pourrait permettre à la capitale de respirer à nouveau, non pas grâce à des solutions cosmétiques ou à des mesures ponctuelles, mais grâce à une véritable transformation de ses infrastructures et à une nouvelle culture de la circulation. La solution n’est pas dans l’illusion d’un contrôle technique des véhicules, mais dans un effort partagé de responsabilité et de solidarité qui permettra de rendre la ville plus fluide et plus vivable pour tous.
Repenser le système de régulation routière, sanctionner pour responsabiliser
Dans cette perspective, empreinte d’une volonté de transformation culturelle, l’enjeu réside dans la mise en avant de l’efficacité des sanctions infligées aux contrevenants routiers. Ces sanctions, qu’elles soient financières ou pénales, ne doivent pas être perçues comme de simples mesures punitives, mais comme des leviers d’un redressement civique global visant à instaurer une culture de responsabilité sur les routes.
Pour y parvenir, il est crucial de repenser l’ensemble du système de régulation routière. Cela commence par une gestion rigoureuse des préventions, impliquant des campagnes de sensibilisation régulières et ciblées pour informer les usagers des conséquences de leurs comportements dangereux. Ces initiatives doivent s’accompagner d’une application stricte et cohérente des sanctions, soutenue par un système de perception des amendes transparent et efficient.
Par ailleurs, la qualité et le statut des unités spéciales en charge de la régulation de la circulation doivent être profondément revisités. Il s’agit de doter ces unités des moyens techniques et humains nécessaires, tout en renforçant leur formation professionnelle. Le statut des agents de la circulation devrait également être valorisé pour les encourager à remplir leur mission avec intégrité et efficacité. Cela suppose également une politique de tolérance zéro envers toute forme de corruption ou de laxisme au sein des forces de régulation.
Ce redressement global nécessite une approche intégrée impliquant non seulement les autorités publiques, mais également les citoyens et les organisations de la société civile, dans une dynamique de co-responsabilité. En favorisant l’efficience des sanctions et en réarticulant les mécanismes de régulation routière, il devient possible d’instaurer une culture de respect mutuel et de sécurité sur les routes, à la hauteur des aspirations d’une société moderne et responsable.
Pitshou Mulumba