En annonçant la suspension de ses approvisionnements en minerais en provenance de la RDC et du Rwanda, Apple tente de répondre aux plaintes pour recel de crimes de guerre et blanchiment déposées contre ses filiales. Mais cette décision soulève davantage d’interrogations que de certitudes : quand ces instructions ont-elles été données ? Comment l’entreprise assurait-elle la traçabilité ? Et surtout, que dire des décennies de silence pendant lesquelles la guerre dans l’est de la RDC a alimenté ses chaînes d’approvisionnement ? Tant de flous qui appellent à une transparence urgente et à des réponses concrètes.
La récente déclaration d’Apple sur la suspension de ses approvisionnements en minerais provenant de la RDC et du Rwanda, à la suite de plaintes déposées en France et en Belgique contre ses filiales, semble davantage être une réponse à la pression judiciaire qu’un engagement sincère en faveur d’une chaîne d’approvisionnement éthique. L’absence de précisions quant au moment exact où ces mesures ont été prises laisse planer un doute sérieux sur la transparence de la démarche.
Des décennies de silence et de profits
Apple affirme avoir informé ses fournisseurs de suspendre l’approvisionnement en minerais tels que l’étain, le tantale, le tungstène et l’or issus de la RDC et du Rwanda. Cependant, aucune indication claire n’est donnée sur la date de cette directive. Cette imprécision est troublante, surtout lorsque l’on sait que le conflit dans l’est de la RDC dure depuis plus de trois décennies. Une question légitime se pose alors : qu’a fait Apple pendant toutes ces années pour s’assurer que ses produits n’étaient pas entachés par l’exploitation des « minerais de sang » ?
En effet, si Apple se targue aujourd’hui de « prendre ses responsabilités », ses déclarations tardives suscitent des interrogations profondes sur les pratiques passées de l’entreprise. Pendant des années, la marque a bâti sa réputation et sa rentabilité sur des produits phares tels que l’iPhone et le MacBook, qui dépendent des minerais extraits dans des conditions souvent inhumaines. Qui étaient les fournisseurs d’Apple pendant tout ce temps ? Comment l’entreprise a-t-elle vérifié la traçabilité de ces minerais ? Rien n’est clairement établi.
Le rôle ambigu du Rwanda
Une autre zone d’ombre réside dans le rôle du Rwanda dans cette chaîne d’approvisionnement. Alors que la RDC est mondialement reconnue pour ses vastes ressources minières, le Rwanda apparaît dans plusieurs rapports comme un exportateur de ces mêmes minerais. Ce paradoxe met en lumière la face cachée d’une guerre économique qui ravage l’est de la RDC, alimentée par des multinationales qui continuent d’exploiter les richesses de la région au détriment de ses populations.
Néanmoins, les cabinets représentant l’État congolais, notamment Amsterdam, Bourdon et Marchand, ont accueilli les déclarations d’Apple avec prudence, qualifiant cette annonce de « revirement déclaré ». Ils exigent des preuves concrètes sur le terrain pour s’assurer que ces engagements ne se limitent pas à des déclarations de façade. Ils rappellent également que les crimes présumés commis dans le passé ne disparaîtront pas avec des promesses tardives de réforme.
Un appel à la transparence et à la justice
La guerre dans l’est de la RDC, prolongée par des intérêts économiques, doit cesser d’être occultée. Il est temps que des géants comme Apple et d’autres multinationales répondent de leurs actes, non seulement en réformant leurs pratiques, mais aussi en reconnaissant leur rôle dans l’exploitation de ces minerais de sang. Le monde doit exiger une traçabilité complète, des engagements vérifiables et une réparation pour les populations affectées. Cette affaire ne se résume pas à des choix d’approvisionnement : elle révèle les failles d’un système économique mondial qui valorise le profit au détriment de la vie humaine. Apple, et les autres entreprises impliquées, doivent rendre des comptes, chiffres et preuves à l’appui, pour que justice soit enfin rendue.
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