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13 octobre, 2024 - 15:47:11
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Les graves dangers d’un discours stigmatisant, agressif et « polarisé ». Le « Eux » contre « nous »

« Mieux vaut prévenir que guérir », renseigne une grande sagesse ancienne. Depuis un certain temps, tout observateur averti de la scène nationale et internationale peut constater à travers les médias, les réseaux sociaux, les points de presse, les rassemblements et les discours une inclinaison dangereuse qui prend peu à peu corps non seulement dans notre société, mais à travers toute la planète et tend à se renforcer : Celui de la violence dans les discours, celui du « nous » et/contre « eux », « les opposants » et « la majorité au pouvoir », « les chauds » et « ceux qui ne le sont pas », « les fidèles catholiques pour » et « les fidèles catholiques contre », les intégristes « pro-charia », « les révisionnistes » et « les non révisionnistes », « les pros » et « les contres », etc.  La liste des antagonismes est si longue, que cette modeste réflexion/contribution ne suffirait pas à les énumérer.

Cette polarisation de nos sociétés, si elle n’est pas tempérée, freinée et dénoncée conduira, en ce qui concerne particulièrement notre pays la République Démocratique du Congo, à des déchirements et des affrontements qui ne feront qu’aggraver la situation déjà difficile que le pays traverse et dont tout le monde sortira perdant. Nous en sommes arrivés au point où certains acteurs politiques et leaders d’opinions ne se privent plus de demander à leurs partisans de dénoncer ceux qui dans leurs environnements respectifs ne partagent pas leurs points de vue, ou évoluent dans d’autres cercles que les leurs. Tout se passe comme si nous n’avons pas tiré les leçons de l’histoire. Et pourtant, même l’actualité qui nous environne nous donne assez d’exemples de dérives graves de communautés qui, à cause de discours violents et agressifs, se massacrent sans la moindre pitié, alors qu’il y a peu ces personnes vivaient côte-à-côte sans la moindre appréhension ou animosité les uns pour les autres.

Partout dans le monde, le discours de la haine décime des populations entières pour des raisons d’identité, de politique, de religion ou d’idéologie. Il n’y a pas si longtemps, sur le continent africain, en Sierra-Léone, au Liberia, en Côte-d’Ivoire, au Soudan, au Rwanda, au Nigeria, au Burundi, en Lybie, en Egypte, et même ici chez nous, autant d’exemples ou les communautés se sont affrontées et entretuées à cause de cette stigmatisation de « l’autre ». Aujourd’hui encore, à plusieurs endroits, le sang continue de couler à cause de ces déchirures causées par des conflits fratricides. A l’origine de ces blessures et de ces catastrophes humanitaires on retrouve toujours, comme ayant précédé ces événements ce genre de discours « polarisant » et stigmatisant tenus par des « pyromanes » qui ont vite fait de se mettre à l’abri pendant que la « maison commune » était en feu.

Non loin de chez nous, il n’y a pas si longtemps la communauté internationale n’a pas pris toute la mesure de la situation en République centrafricaine, comme celle du Rwanda, alors que les alertes avaient été lancées. C’est le cas notamment de cet avertissement fait par ce responsable de l’ONU qui, de retour d’un voyage de cinq jours dans le pays, avait dit que la crise était prévisible et s’expliquait par de nombreuses années de négligence internationale. « Les éléments et germes d’un génocide sont présents », affirmait John Ging, directeur des opérations pour le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), lors d’une conférence tenue à Genève. « Il y a tous les éléments que nous avons vus ailleurs, dans des endroits comme le Rwanda et la Bosnie ». Aujourd’hui, à notre modeste niveau, nous tirons la sonnette d’alarme pour éveiller les consciences afin que notre pays soit épargné de ces atrocités. Nous n’en n’avons pas besoin.

Les génocides, les massacres des masses ne sont pas des tragédies qui arrivent du jour au lendemain ou qui surviennent sans signes précurseurs. Un génocide ou un massacre de masse suppose de l’organisation et constitue, en fait, une stratégie délibérée, qui a été, le plus souvent, mise en œuvre par des gouvernements hostiles, des partis politiques, des groupes religieux, des groupes armés ou par des groupes contrôlant ou pas l’appareil étatique. Il est important de comprendre comment un génocide ou un massacre des masses surviennent et d’apprendre à reconnaître les signes qui pourraient nous alerter afin de garantir que de telles horreurs ne surviennent pas ou ne se reproduisent plus. L’un des signes les plus évident est le « discours de stigmatisation » que certains leaders manipulent pour opposer les communautés entre-elles. Il y a les « bons » qu’il faut soutenir et protéger, il y a les « mauvais » qu’il faut à tout prix combattre ou faire disparaitre.

Il se trouve, présentement, à travers le monde, et même sur notre territoire national des communautés qui se déchirent sur la base des considérations raciales, tribales ou ethniques. Ce phénomène est exacerbé surtout au moment des élections, où il a été fait état des maisons et des villages qui ont été incendiés à cause des rivalités entre leaders politiques ou chefs coutumiers. Cette même tendance à la division et à la fragmentation de notre population on la perçoit chaque jour dans les propos de certaines personnalités politiques et religieuses, ou dans les prises de paroles de certains leaders d’opinion. Ceux-ci n’hésitent pas à employer un ton agressif et discourtois, délibérément provocateur, avec pour conséquence de susciter des réactions qui sapent la cohésion nationale tant recherchée. On est en droit de s’interroger sur les motivations secrètes qui se cachent derrière de tels propos. Le fragile équilibre qui a rendu possible la relative stabilité qui permet aujourd’hui de penser à l’émergence à moyens de termes de notre pays risque de voler en éclat si rien n’est fait pour mettre un terme à cette dérive verbale irresponsable et suicidaire. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de renforcer la cohésion nationale pour contribuer ensemble au redressement économique de notre pays et au bien-être de notre population. La lutte contre le chômage, la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans la distribution des revenus, la lutte contre l’exclusion sociale et la fracture numérique sont les défis auxquels toute la communauté doit faire face.

Il y a pour nous un grand avantage à prendre le temps de réfléchir sur ce que nous pouvons tirer de bon dans la société qui est la nôtre actuellement. Prenons l’exemple des musiciens. On peut s’interroger sur ce qui suscite autant d’engouement sur la jeunesse congolaise. Il y a, bien entendu, toutes ces mélodies qui rythment notre quotidien. Mais, à y regarder de plus près, il y a surtout ce qu’on pourrait appeler « l’appropriation ». Ces jeunes se reconnaissent dans leurs vedettes ; c’est leur « affaire ». Un des facteurs déterminants de cette appropriation se situe au niveau du langage, dans le discours que ces musiciens ou leurs porte-paroles tiennent envers leurs fanatiques. On entend souvent les mots suivants : « votre travailleur. » ; « votre orchestre… » ; « Celui que vous aimé tant… » ; « l’œuvre que vous attendiez tant… » ; « que demande le peuple… », Etc. C’est pour cette raison que ces jeunes se sentent trahis et réagissent parfois violemment quand ils ont l’impression que leur « vedette » va du « mauvais côté ».

Nos acteurs politiques et leaders d’opinion devraient être attentifs à ces aspects négligés de notre société qui s’étalent pourtant chaque jour sous nos yeux. Il nous faut travailler à renforcer la cohésion et l’unité nationale, à travers la sensibilisation des populations à la paix et à la gestion pacifique des conflits. Il nous faut travailler au rétablissement (ou la création) des échanges et du lien entre les communautés elles-mêmes, et entre les communautés et les instances de gouvernance locale (corps enseignant et médical, élus). C’est sur ces bases que tous les projets de développement en cours vont être consolidés et conduit à leur parachèvement. Une collaboration saine entre les institutions et leurs animateurs ; une écoute attentive aux préoccupations qui émanent de la société civile et des mouvements associatifs ; Une capacité à dépasser nos égoïsmes primaires pour privilégier l’intérêt de la communauté nationale dans laquelle tous les citoyens devraient avoir leur place ; une juste répartition de la richesse nationale et du bénéfice de la croissance dont on nous vente si bien les chiffres.

Nous sommes un seul peuple, une seule nation, un seul Etat, une seule communauté nationale riche et diverse dont le vouloir vivre en commun a été renforcée par les épreuves douloureuses de notre histoire. Tendons la main à l’autre dans un élan de patriotisme responsable. Apportons notre concours au bon fonctionnement des institutions nationales qui œuvrent à créer les conditions de notre progrès. Soyons attentifs aux signaux qui nous viennent de l’extérieur pour apprécier leur contenu et trouver des réponses adéquates qui tiennent compte de nos intérêts. Unissons nos efforts pour bâtir une nation forte, un peuple fier et libre dans un environnement régional apaisé. C’est mon souhait !

Moscou, le 14 août 2024

Joseph Kindundu
Joseph Kindundu Mukombo Expert en Relations Internationales, Analyses Institutionnelles, Développement, relations entre civils et forces de sécurité. Diplomate et Chercheur

 

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