L’accès et la maitrise de l’information (la vraie), sa diffusion en direction des instances de prise de décisions (l’information objective), en direction de la population ou du monde extérieur (l’information contrôlée et orientée) sont des facteurs indispensables pour la réussite de toute politique (interne comme externe). Il en va de la politique comme du domaine économique (commerciale et industrielle), où la concurrence oblige à se tenir au courant de ce que font les autres pour s’améliorer, conquérir de nouveau espace (marché, zone d’influence) renforcer sa stratégie, retenir l’attention ou garder une bonne position sur la scène internationale.
A l’heure où sont portés à la connaissance du grand public, via les nouvelles technologies de l’information de la communication (réseaux sociaux et autres supports), des documents et des informations qui auraient dû rester confidentiels, il faut se garder de considérer qu’il s’agit de phénomènes fortuits. Ces « fuites » sont bien souvent calculées et parfois l’œuvre de structures formelles ou informelles qui cherchent à influencer l’opinion dans le sens de leurs intérêts (visibles ou occultes).
C’est l’occasion de souligner le rôle des services de renseignements dans le décodage de ses actes, pour en connaitre les sources et les objectifs. Mais aussi la réponse adéquate à y apporter en vue de permettre à l’autorité de disposer des informations fiables qui puissent lui permettre de prendre les bonnes décisions, de bien orienter ses recommandations, de garantir la paix et les intérêts supérieurs de la nation. C’est ainsi qu’au nombre des taches qui sont dévolues à nos représentations diplomatiques, celle du renseignement constitue, à n’en point douter, une des plus importantes. En effet, savoir ce qui se passe chez les autres pour mieux faire chez soi est une des constantes de la vie internationale.
Un profilage adéquat de la ressource humaine
C’est pourquoi il est essentiel de veiller à un profilage adéquat de la ressource humaine dans ce domaine. La collecte, le décodage, le décryptage des informations, leur analyse et leur transmission objective auprès des autorités compétentes ne sont pas des activités qui peuvent être réalisées par le premier venu. Le fonctionnaire qui est désigné à cet effet doit être en capacité de développer un réseau relationnel pour obtenir les renseignements désirés. Il doit comprendre la langue du pays d’accueil et être polyglotte. Il doit en outre posséder un sens aigu de la psychologie humaine et une capacité d’adaptation à toute épreuve pour mener à bien sa mission. Il doit disposer d’aptitudes physiques et mentales particulières lui permettant d’assurer sa protection et de résister à la pression. A l’ère du numérique et des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il faut également prendre en compte, en plus des techniques d’espionnage et de collecte des informations, des capacités de traducteur, d’utilisation des outils informatiques, de cryptographie ou d’ingénierie. Dans tous les cas, l’agent chargé du renseignement doit être doté d’une intelligence exceptionnelle et disposer de connaissance approfondie dans son domaine d’intervention. Il doit surtout subir une « procédure d’habilitation », c’est-à-dire une enquête approfondie sur sa vie privée et professionnelle, ses amis et son entourage familial. Cette procédure vise à déterminer si le candidat a des vulnérabilités qui pourraient être utilisées contre lui ou par d’autres services de renseignement.
Qu’est-ce qu’un renseignement ?
Un renseignement est une information estimée pour sa valeur et sa pertinence. Le renseignement se définit ainsi par opposition à la donnée (qui se réfère à la précision de l’information) et au fait (constatation objective). Le renseignement se définit aussi par son usage : c’est une information délivrée (à un gouvernement ou une institution) pour guider des prises de décisions et des actions. Par extension, le renseignement est l’ensemble des activités consacrées au traitement des renseignements (orientation, recherche, analyse, diffusion). Pour les non-spécialistes et la littérature de fiction, ces activités sont souvent désignées sous le terme usuel d’espionnage, en les définissant de manière dépréciative, imaginaire ou réductrice sous le seul angle de la collecte clandestine d’informations secrètes ou privées. Le renseignement vise à recueillir, exploiter et diffuser des informations afin d’éclairer les choix stratégiques d’un pays et de ses dirigeants mais aussi de préserver ses capacités militaires et civiles et de prévenir les menaces. Il fait aujourd’hui l’objet de mises en cause de plus en plus fréquentes, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Les spécialistes du renseignement effectuent principalement leur travail dans un environnement de bureau dans les bases et escadres partout dans le pays, mais ils peuvent aussi travailler à bord de navires en mer ou dans le cadre d’opérations nationales et internationales se déroulant dans divers climats et conditions. À mesure qu’ils progressent dans leur carrière, les spécialistes du renseignement peuvent se voir offrir des affectations à l’étranger.
Le rôle des ambassades
Une ambassade est appelée à se renseigner suffisamment pour trouver des informations fiables dans tous les domaines nécessaires et stratégiques et de tenir bien informé son gouvernement, dans la mesure où celui-ci est appelé à posséder une large connaissance du pays avec lequel il a établi des relations diplomatiques. Les raisons qui justifient cette recherche d’information sont nombreuses et variées. Elles peuvent être liées à des questions politiques et sécuritaires, commerciales ou industrielles. Dans cette perspective, l’Etat d’envoi accrédite des agents spécialisés et aguerris dont la mission sera centrée sur la recherche de l’information, avec la particularité que cette activité doit être réalisée dans la plus grande discrétion. En effet, l’une des causes fondamentales des incidents dans les relations diplomatiques bilatérales classiques et qui parfois conduisent à des fortes tensions et même à la rupture, découle de la problématique du renseignement, tel que les états en présence la conçoivent l’un à l’égard l’autre. Dans la plupart des cas, pour l’Etat d’accueil, le renseignement peut être considéré comme synonyme d’espionnage que l’Etat d’envoi vient stratégiquement exercer sur son territoire à travers ces agents accrédités sous une fausse couverture, alors que ce sont des espions, donc nuisibles à ses intérêts nationaux et surtout à sa sécurité. Cette controverse plonge souvent les Etats en présence dans des tensions qui peuvent déboucher sur des conflits sérieux, entraînants l’expulsion des agents déclarés indésirables sur le territoire du pays d’accueil. Parfois le conflit peut affecter les deux gouvernements jusqu’ à la rupture des relations diplomatiques.
C’est l’occasion de rappeler, ici, la base des relations diplomatiques qui se fondent sur l’honnêteté des agents diplomatiques, sur la confiance mutuelle installée par les Etats en relation et le respect des valeurs de la souveraineté de chaque Etat, surtout en ce qui concerne les matières les plus sensibles. Quel que soit le besoin de renseignement exprimé par l’Etat d’envoi (par le biais de sa mission accréditée) sur les matières politiques, économiques, militaires, stratégiques et autres, les diplomates accrédités sont strictement conviés à ne pas se déroger (ouvertement) aux normes et principes à observer pour conserver un climat pacifique dans les relations diplomatiques entre les deux Etats.
La mission diplomatique doit maintenir un bon niveau de confiance dans sa quête d’information, opérer par des moyens et procédés licites successibles de n’offenser, en aucun cas, la confiance qui lui a été témoignée par l’Etat qui l’a accueilli. C’est ainsi que sera préservé et entretenu un climat stable de coopération avec le pays hôte. En effet, à l’heure actuelle de la mondialisation ou les exigences de l’interdépendance vont de plus en plus croissant, il y a une grande importance pour un Etat à préserver de bonnes relations diplomatiques avec ses partenaires. Étant donné que, de plus en plus, la diplomatie qu’entretiennent directement deux Etats offre parfois de meilleures garanties de coopération que celle entretenue en bloc dans les Organisations Internationales ou dans d’autres types de partenariat.
Comment rechercher les informations au sein d’une mission diplomatique ? Quelles attitudes adopter par les agents diplomatiques accrédités, afin d’éviter tout incident lié au problème du renseignement ? Autant de défis à relever et qui nécessitent, en plus de l’efficacité, la plus grande discrétion et une grande sagesse. Pour y faire face, sont attendues de réponses claires, indicatrices et précises qui permettent de les vérifier. Mais cela, bien évidemment, c’est le rôle des services de renseignements.
Fait à Moscou, le 30/09/2024
Joseph Kindundu Mukombo
Diplomate et chercheur