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12 novembre, 2025 - 06:05:43
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Paul-Augustin Madimba : « Il est temps que le Congo devienne le maître de son destin »

Longtemps livré à elle-même dans son combat contre l’agression rwandaise dissimulée sous le paravent du M23, la République démocratique du Congo voit enfin la communauté internationale rompre son silence. Le fracas des armes et les souffrances infligées aux populations de l’Est du pays semblent avoir franchi le seuil de l’indifférence. Désormais, la mobilisation s’amplifie : le Conseil des droits de l’homme des Nations unie a acté l’envoi d’une mission de vérification et d’une commission d’enquête sur les violations des droits humains. Le Conseil de sécurité de l’ONU, dans une résolution ferme, exige le retrait du Rwanda. Bruxelles, par la voix de l’Union européenne, plaide pour des sanctions plus sévères contre Kigali. Outre-Atlantique, Washington et Londres augmentent le ton et prennent des mesures économiques et diplomatiques à la rencontre du régime de Paul Kagame. Dans le même élan, la Cour pénale internationale, par la voix de son Procureur, annonce vouloir accélérer ses poursuites pour crimes de guerre. Un front diplomatique se dessine avec une vigueur inédite. Mais ce réveil international suffira-t-il à inverser la tendance sur le terrain ? Peut-on espérer que la justice et la vérité finissent par triompher des intérêts géopolitiques ? L’abbé Paul-Augustin Madimba, prêtre de Kinshasa, nous livre son analyse.

Selon lui, depuis plus de deux décennies, le Congo traverse une zone de turbulences où l’histoire semble se répéter, se superposant sur les blessures non guéries du passé. « Le père de la nation, Mobutu, n’a arrêté de crier à l’agression après le déclenchement de la guerre de l’AFDL en 1996. Il avait alors déclaré la complicité internationale, mais ses cris sont restés sans écho, pris dans le silence glacial de la communauté internationale. L’ouverture des couloirs pour les réfugiés rwandais, accompagnés de leur passage armé sans même un contrôle, a été un premier signal d’alarme ignoré. Les autorités congolaises ont été laissées à leur sort, dans une solitude cruelle ». Aujourd’hui, soutient M. l’abbé, un tournant semble se dessiner dans les discours internationaux. « Le Président Félix Tshisekedi, fort de son engagement sans ambages, a osé affirmer ce que d’autres avaient murmuré : le Congo est victime d’une agression. Et voilà que la parole du Président se fait entendre, porteur d’un espoir inédit. Mais que reste-t-il de cet espoir ? Les déclarations verbales suffiront-elles à inverser un destin enchevêtré dans les dilemmes géopolitiques ? » Paul-Agustin Madimba est d’avis que l’histoire récente nous montre que les promesses ne se traduisent pas toujours en actions.

« Nous avons été témoins de cette amnésie collective qui a longtemps laissé l’impérialisme international orchestrer une vision du Congo en tant que simple terrain d’exploitation. Le départ de Mobutu, lui aussi un homme jadis adulé par l’Occident, a révélé la fragilité de cette loyauté. L’homme qui servit de pion à de puissantes nations s’est retrouvé abandonné, poignardé dans le dos après des années de service. L’histoire est-elle en train de se répéter ? Aujourd’hui, la question demeure : les puissances occidentales iront-elles jusqu’au bout, ou préfèrent-elles jouer leur jeu à double face, cherchant à affaiblir un Congo trop riche pour être laissé en paix ? », a-t-il interrogé avant de faire un constat brutal : l’histoire des affrontements à l’Est et des souffrances infligées aux Congolais ne peut être réduite à des déclarations superficielles. « Oui, nous sommes un patrimoine mondial, mais jusqu’à quand ce patrimoine sera-t-il exploité sans bénéfice pour son peuple ? Les stratégies minières qui convoitent de nombreux pays, la richesse de la terre congolaise, ne peuvent plus être un prétexte pour laisser le peuple congolais dans la misère. Il est temps que le Congo devienne le maître de son destin et que l’ensemble de la communauté internationale reconnaisse ses droits légitimes à la paix, à la prospérité et à la dignité », a-t-il soutenu.

Le front diplomatique consolidé : un catalyseur de changement pour la paix
Dans son analyse, l’abbé Paul-Augustin Madimba estime que le front diplomatique consolidé pourra effectivement changer la donne, mais encore faut-il qu’il soit soutenu par une véritable volonté de justice, d’équité et de solidarité. « Le congolais attend, à juste titre, une paix durable et un avenir où il pourra jouir pleinement des trésors de sa terre, au lieu de servir de terrain de jeu à des intérêts extérieurs des peuples. Seul un engagement sincère, de part et d’autre, pourra permettre de restaurer un semblant d’équilibre et de justice pour ce pays au cœur du monde », a-t-il indiqué.

Indiquant que l’histoire des rébellions successives, de l’AFDL au RCD, loin d’être uniquement des jeux politiques passagers, illustre une instabilité systémique, où les puissances extérieures semblent tirer les ficelles, et où les aspirations profondes du peuple congolais se trouvent souvent étouffées dans ce tourbillon de conflits, Paul-Augustin Madimba estime que le retour en force du M23, né d’une rébellion, n’est que la dernière manifestation de cette dynamique. « Son interruption puis son retour brutal évoque une réalité plus complexe qu’une simple guerre de territoire ; des forces invisibles manœuvrent en coulisses, et la vérité derrière ces conflits reste soigneusement dissimulée », a-t-il expliqué.

Le Congo, pays aux ressources inestimables, semble être la victime silencieuse d’une guerre géopolitique où ses richesses sont convoitées par ceux qui en ont besoin pour alimenter leurs industries, protéger leurs énergies et préserver leurs intérêts stratégiques. L’abbé Madimba fait un constat amer, mais d’une vérité évidente : la communauté internationale doit se mobiliser de manière plus déterminée, comme elle l’a fait en 1985 lors de la conférence de Berlin, pour discuter du sort du Congo. Le Congo, avec ses forêts, ses minéraux, son potentiel énergétique, ne peut pas être réduit à un simple terrain de jeu pour les puissances mondiales. Il doit être au centre des préoccupations mondiales, car ce qui arrive au Congo touche inéluctablement l’humanité toute entière.
L’inévitabilité de la diplomatie dans la résolution des conflits
Le parallèle que l’abbé Madimba trace avec les grandes guerres du passé, notamment la Seconde Guerre mondiale, est crucial.

Aucune guerre n’a été véritablement gagnée par l’option militaire seule. Dans l’histoire du monde, il y a toujours eu un retour diplomatique, une intervention politique, qui a permis de poser les bases d’une paix durable. L’exemple de l’Europe après 1945, qui a su faire une lecture de son histoire et décider « plus jamais ça chez nous », est un modèle à méditer. « Pourquoi, dès lors, l’Afrique, et plus particulièrement le Congo, ne pourrait-elle pas aspirer à cette même stabilité ? Pourquoi l’Afrique, avec ses peuples, ses cultures, ses ressources, ne pourrait-elle pas, à l’instar de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, aspirer à une coexistence pacifique, débarrassée des rivalités internes ? »

Pour ce prêtre de Kinshasa, les sanctions récemment prises contre James Kabarebe, un acteur clé du pouvoir rwandais et ancien chef d’État-major, sont des mesures qui semblent s’inscrire dans un cadre plus large de pression internationale. Cependant, la question se pose : « ces sanctions suffiront-elles à freiner la machine de guerre de Kigali ? » La réponse de Paul Augustin Madimba semble être nuancée : « James Kabarebe, dans son parcours, a acquis une influence qui, jusqu’ici, n’a été ni remise en cause ni sanctionnée de manière significative. Son rôle dans les affaires de la RDC, notamment à Goma, reste une page d’histoire largement ignorée des autorités internationales. Jamais arrêté, jamais véritablement inquiété, Kabarebe a mené ses activités en toute impunité. Les sanctions actuelles contre Kabarebe, bien qu’elles soient un signal fort, ne répondent pas directement à la racine du problème : la complicité mondiale. Loin de freiner les ambitions rwandaises, ces mesures semblent jouer davantage un rôle symbolique. En effet, James Kabarebe, fort de ses ressources, peut facilement contourner ces sanctions en transférant son argent dans des paradis fiscaux ou en utilisant des mécanismes financiers établis. L’exemple de Robert Mugabe, interdit d’accès en Europe, est éloquent : l’homme n’avait pas disparu de la scène politique pour autant. L’interdiction de voyage n’avait pas altéré son pouvoir, bien au contraire. Ce n’est pas une restriction de mouvement qui arrêtera un homme de pouvoir, mais un changement réel des dynamiques économiques et politiques mondiales ».

Selon lui, le problème majeur réside dans la complicité tacite des acteurs internationaux. « Ceux qui, en Europe ou ailleurs, ouvrent des comptes pour ces personnages politiques, savent pertinemment d’où proviennent les fonds. L’argent du commerce illicite est accepté et blanchi sans la moindre considération morale. Ce n’est pas une question de personnes, mais d’intérêts. La question qui se pose ici est celle de la volonté des puissances occidentales de véritablement arrêter ce système. Tant qu’elles continuent à recevoir l’argent des régimes autoritaires tout en fermant les yeux sur les origines de ces fonds, elles participent activement à l’entretien du statu quo ».

PM/Christian Kamba

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