Il est des distinctions qui, bien plus qu’un hommage, consacrent une trajectoire, incarnent une exigence, rappellent aux institutions leur responsabilité première : celle de servir l’intérêt général dans l’intégrité et la constance. En élevant Dieudonné Kamuleta Badibanga au rang de Docteur Honoris Causa, l’Université Technologique Bel Campus n’a pas seulement honoré un homme, elle a salué un symbole – celui d’une magistrature congolaise qui, dans un pays souvent éprouvé par les incertitudes de l’histoire, s’efforce de demeurer un pilier de stabilité, de rigueur et de droit. Président de la Cour constitutionnelle depuis 2022, magistrat depuis plus de trois décennies, Dieudonné Kamuleta incarne une autorité discrète mais ferme, une conscience républicaine enracinée dans le respect de la Constitution et la défense des libertés fondamentales. À travers lui, c’est tout un idéal d’État de droit que l’université a voulu mettre en lumière : celui d’une justice indépendante, d’une parole juridique mesurée, d’un engagement constant au service de la République. Mais plus encore qu’un récipiendaire honoré, c’est un penseur de la justice qui s’est exprimé. Dans une leçon académique magistrale et rigoureusement construite, le président Kamuleta a livré bien plus qu’un exposé : un plaidoyer. Plaidoyer pour une justice constitutionnelle active, protectrice des libertés, gardienne de la dignité humaine. “Il n’est plus possible de parler de droit constitutionnel sans juge constitutionnel, ni de juge constitutionnel sans la question de la dignité de la personne humaine”, a-t-il rappelé, soulignant que la Cour, loin d’un rôle décoratif, s’est imposée comme “rempart” des droits fondamentaux. En relisant une décennie de jurisprudence, il a tracé les contours d’un pouvoir judiciaire appelé à demeurer vigilant, interprétatif, et profondément humain. Une voix rare, lucide, indispensable. Une leçon de justice dans ce qu’elle a de plus noble : la défense de ce que la République a de plus précieux.
Dans l’auditorium principal de l’Université Technologique Bel Campus, située sur la 8ᵉ rue dans la commune de Limete, au cœur de Kinshasa, régnait une atmosphère à la fois académique et solennelle. Ce lundi 12 mai, Dieudonné Kamuleta Badibanga, président de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, s’est vu décerner la prestigieuse distinction de Docteur Honoris Causa. Un hommage institutionnel rendu à une carrière marquée par la rigueur, l’intégrité et un engagement constant au service de l’État de droit en République démocratique du Congo.
« Un homme de vision et de loyauté envers la Constitution », a résumé le professeur Albert Mulumba, recteur de l’université, dans une adresse d’ouverture qui retraçait l’esprit fondateur de l’institution. Créée en 1997 sous l’impulsion de Léopold Bosekota, Bel Campus, a-t-il rappelé, est « un foyer de rayonnement académique » fréquenté par des étudiants venus de tout le continent africain.
C’est au nom de cette vocation panafricaine et de son exigence d’excellence que l’université a choisi de distinguer celui qui incarne, selon les mots du secrétaire général académique Nicolas Kabasele, « la fierté dans la magistrature congolaise » : « Le sens du leadership, la bravoure, la détermination et l’engagement à servir la cause de la justice font de lui une figure incontournable dans notre paysage judiciaire. »
Une leçon de justice constitutionnelle
Moment central de la cérémonie : la leçon académique du lauréat. Dans un exposé dense, méthodique et salué par une mention spéciale du jury, Dieudonné Kamuleta a dressé un bilan des dix premières années de la Cour constitutionnelle dans la protection des droits fondamentaux.
« Aujourd’hui, il n’est plus possible de parler de droit constitutionnel sans juge constitutionnel, ni de juge constitutionnel sans la question de la dignité de la personne humaine », a-t-il affirmé. Évoquant l’élargissement prétorien des compétences de la Cour, il a souligné que celle-ci s’est imposée comme « un rempart de la protection des droits et libertés fondamentaux », en affirmant des principes comme « le droit à la défense, l’égalité devant la loi et la protection de la vie privée ».
Sa jurisprudence, a-t-il poursuivi, « démontre un engagement affirmé en faveur de l’État de droit, non comme simple principe fondamental, mais comme exigence concrète de justice et de dignité humaine ». Un « dynamisme interprétatif » qu’il appelle à renforcer, tout en avertissant : « Les droits fondamentaux ne sont jamais définitivement acquis. Leur protection exige des juges courageux, des citoyens conscients et des institutions responsables. »
Une carrière au service de la République
La distinction vient couronner une trajectoire de plus de trente-cinq ans dans la magistrature congolaise. Né en 1964 à Mbuji-Mayi, licencié en droit de l’Université de Lubumbashi, Dieudonné Kamuleta a exercé sans interruption dans la magistrature, forgeant une réputation de droiture et d’exigence. Depuis juin 2022, il préside la Cour constitutionnelle, à laquelle il avait été nommé en 2020. À ce titre, il est également à la tête du Conseil supérieur de la magistrature.
Son élection à l’unanimité par ses pairs, témoigne de la « confiance et de l’autorité morale » qu’il incarne. « À travers ses décisions, il œuvre à la consolidation de la démocratie, à la protection des droits fondamentaux et au respect de la Constitution », a résumé le professeur Luzolo Bambi Lessa, doyen du jury.
Prenant la parole, le récipiendaire a exprimé sa gratitude : « Cette distinction est un honneur qui me dépasse personnellement. Elle récompense la justice congolaise dans son ensemble, dans ses efforts de professionnalisation et d’indépendance. »
Il a salué l’université pour sa contribution « à la création et à la diffusion du savoir », ainsi que le président Félix Tshisekedi, pour « sa vision éclairée d’une justice au service de la Nation ».
Promouvoir l’excellence
La remise de la toge et des insignes académiques, ponctuée par les applaudissements nourris de l’assemblée, a clôturé la cérémonie. À travers cette distinction, Bel Campus réaffirme son engagement à valoriser les figures d’excellence, à forger des repères pour la jeunesse, et à soutenir les acteurs d’un avenir fondé sur l’éthique, la connaissance et la responsabilité publique.
L’homme honoré ce jour, résume un observateur du monde judiciaire présent dans la salle, « incarne cette rare alliance entre le droit, l’humilité et la République ». Une incarnation que l’université a choisi d’inscrire dans la mémoire académique de la nation.
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