Ils ont fui la guerre, les massacres et l’instabilité. Aujourd’hui, c’est l’exil lui-même qui vacille. À Champaign, dans l’Illinois, aux Etats-Unis d’Amérique, la communauté rd-congolaise retient son souffle après la nouvelle interdiction de voyager décrétée par Donald Trump. Officiellement, la République démocratique du Congo n’est pas visée. Mais pour John Matanda, à la tête de l’organisation communautaire congolaise du comté de Champaign, le doute n’est plus permis : « Je n’ai pas peur pour moi, dit-il, mais j’ai les larmes aux yeux rien qu’à penser que demain, le pays que j’ai quitté pour survivre pourrait être rayé de la carte des bienvenus. » Soupçons, repli, peur de sortir ou de travailler : les fantômes de l’arbitraire migratoire planent sur des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants venus chercher refuge et dignité.
La nouvelle restriction migratoire annoncée par l’administration Trump a ravivé l’angoisse au sein des communautés africaines du Midwest, notamment chez les ressortissants congolais installés dans le centre-est de l’Illinois. Bien que la République démocratique du Congo (RDC) ne figure pas sur la liste des 12 pays désormais frappés par cette interdiction d’entrée sur le sol américain, la crainte d’un élargissement de la mesure gagne du terrain.
Dans la région de Champaign-Urbana, où résident plus de 6 000 Congolais – pour la plupart originaires de la RDC –, la nouvelle directive de sécurité nationale a été reçue comme un signal préoccupant. À la tête de l’organisation communautaire congolaise du comté de Champaign, John Matanda fait part de l’inquiétude croissante de ses compatriotes. « Je n’ai pas peur pour moi », confie-t-il. « Mais j’ai les larmes aux yeux rien qu’à imaginer que demain, le pays d’où je viens puisse lui aussi être interdit. »
Méfiance et repli
Officiellement, la mesure vise à empêcher l’entrée de ressortissants étrangers perçus comme présentant une menace pour la sécurité nationale. Officieusement, elle alimente un climat de suspicion, en particulier parmi les communautés venues de régions instables. Nombre de Congolais de l’Illinois ont fui les conflits armés qui secouent l’Afrique centrale depuis plus de deux décennies. Beaucoup sont aujourd’hui installés légalement sur le sol américain, mais redoutent d’être à nouveau pris pour cible.
« J’ai vu des gens renoncer à se rendre à un événement de la municipalité de Cunningham pour immatriculer leur véhicule ou obtenir une carte d’identité », déplore John Matanda. « Ils avaient peur que ce soit un piège, une opération pour les arrêter. »
Des craintes similaires ont été rapportées autour des lieux de travail. « Certaines personnes ne voulaient même plus aller travailler, simplement par peur d’être contrôlées », ajoute-t-il.
Une communauté en quête de sécurité
En toile de fond, c’est le sentiment d’être stigmatisé qui s’installe. « Les mauvaises personnes peuvent venir de partout », souligne Matanda. « Mais la communauté congolaise est composée de gens pacifiques, qui cherchent simplement un endroit sûr où vivre. »
Le président américain, lui, défend la mesure comme une décision de bon sens. Dans un communiqué, l’administration indique que la nouvelle interdiction vise à empêcher l’entrée de ressortissants étrangers « nourrissant des sentiments hostiles » à l’égard des États-Unis.
Mais pour les Congolais du comté de Champaign, les effets de cette politique se font déjà sentir, au-delà du champ juridique. Ils touchent aux représentations, à la confiance, à la possibilité de s’insérer sereinement dans la société d’accueil. « Les gens veulent se sentir en sécurité. Jusqu’ici, les États-Unis étaient cet endroit pour nous », insiste Matanda.
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