Loin des discours convenus sur l’aide ou la dépendance, le président congolais Félix Tshisekedi a présenté, à la tribune du Global Gateway Forum 2025 à Bruxelles la République démocratique du Congo (RDC) comme une puissance pivot du XXIᵉ siècle : énergétique, climatique, logistique et numérique. En prônant un partenariat d’égal à égal entre l’Afrique et l’Europe, le chef de l’État a insisté sur la transformation concrète des promesses en projets structurants. Son allocution a aussi été marquée par un appel audacieux à la paix adressé à Paul Kagame, sur fond de guerre dans l’Est de son pays. Entre diplomatie de souveraineté et main tendue, Tshisekedi a esquissé une vision qui dépasse les frontières congolaises et engage l’avenir d’un continent tout entier.
À Bruxelles, le 10 octobre, devant un parterre de dirigeants européens et africains, Félix Tshisekedi a choisi de parler en stratège. Au Global Gateway Forum 2025, il n’a pas présenté la République démocratique du Congo (RDC) comme une nation en attente d’assistance, mais comme un pays-solution au cœur des équilibres géostratégiques de ce siècle. « Notre avenir ne se négocie pas en position de faiblesse », a-t-il martelé, traçant les contours d’une Afrique partenaire, souveraine et moteur de la transformation mondiale.
Un pays-pivot dans la nouvelle géoéconomie mondiale
La RDC, a rappelé le président, est au croisement des grandes transitions : énergétique, climatique et numérique. Par sa géographie, elle relie l’Atlantique à l’océan Indien ; par ses ressources, elle détient une part décisive de la transition verte mondiale ; par sa jeunesse, elle incarne un réservoir de stabilité et de créativité. Tshisekedi a ainsi présenté le pays comme un « pont stratégique » entre les continents, capable de porter un partenariat Afrique-Europe fondé sur la réciprocité et la responsabilité partagée.
À travers le programme Global Gateway, le chef de l’État a plaidé pour que les engagements se traduisent en infrastructures concrètes : corridors économiques intégrés, réseaux énergétiques continentaux, numérisation inclusive et investissements massifs dans le capital humain. « Nous voulons des projets qui changent la vie des peuples, pas des promesses qui s’évanouissent dans les communiqués », a-t-il insisté.
Une diplomatie de voisinage assumée
Mais son message n’était pas qu’économique. Sur la scène bruxelloise, Tshisekedi a aussi livré un signal diplomatique fort à l’adresse de Paul Kagame et de République du Rwanda. Alors que les tensions restent vives dans l’Est de la RDC, il a rappelé sa politique d’ouverture envers les neuf pays voisins, amorcée dès 2019. Cette stratégie s’était déjà illustrée par le Mémorandum de Luanda entre le Rwanda et République d’Ouganda, signé grâce à sa médiation.
Le président congolais a redit sa conviction que seule la voie politique, soutenue par les processus de Doha et de Washington, peut désamorcer une escalade qui menace la stabilité régionale. « Le Rwanda et la RDC sont les deux seuls à pouvoir mettre fin à cette spirale », a-t-il lancé, en référence à la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Une main tendue sur fond d’agression documentée
Le contraste est saisissant. Depuis la résurgence de la guerre en 2021, les rapports du Groupe d’experts de l’ONU ont établi la présence effective des forces rwandaises aux côtés du mouvement armé M23/AFC, en violation des résolutions internationales. Tshisekedi n’a pas varié de ligne : la RDC n’a mené aucune offensive sur le territoire rwandais ; en revanche, son intégrité territoriale a été violée à de multiples reprises.
Face à cette réalité, il n’a pas fermé la porte au dialogue. Au contraire, il a rappelé les étapes franchies : le processus de l’Accord de Luanda 2019, la rencontre de Doha du 18 mars 2025, la signature de l’Accord de Washington 2025 et la Déclaration de Doha 2025. « Il n’est pas trop tard pour agir », a-t-il lancé à Paul Kagame, l’invitant à ordonner au M23 de cesser les hostilités.
Une mémoire des victimes et un avertissement
Derrière cet appel se trouve une tragédie humaine. La guerre en RDC a déjà coûté la vie à plus de 5,4 millions de personnes selon une étude publiée par International Rescue Committee dans The Lancet en 2007 — un chiffre qui dépasse aujourd’hui les 10 millions de morts. Tshisekedi a martelé que la paix ne se bâtira pas sur le déni des souffrances. « L’histoire nous jugera », a-t-il prévenu, dénonçant toute forme de négationnisme.
Il a aussi exprimé la gratitude de la RDC envers Mission SAMIDRC et les forces de la Communauté de développement de l’Afrique australe, en particulier les soldats sud-africains tombés au champ d’honneur. Un hommage qui a ému une partie de l’assistance à Bruxelles.
Un choix stratégique de paix
En annonçant la suspension de son plaidoyer pour des sanctions internationales contre Kigali, Tshisekedi a surpris sans désarmer. Ce choix, présenté comme une « fenêtre pour la paix », s’inscrit dans une logique stratégique : donner une chance à la diplomatie, tout en restant ferme sur la souveraineté nationale.
Cette posture lui a valu des salves d’applaudissements de plusieurs délégations africaines et européennes. Pour nombre de partenaires, la RDC incarne une ligne claire : ouverture au dialogue, mais refus de toute capitulation devant l’agression.
Un leadership continental affirmé
Ce discours a résonné au-delà des murs du Forum. Pour plusieurs observateurs, Tshisekedi s’est affirmé comme l’un des porte-voix d’une Afrique qui refuse le paternalisme, mais revendique des alliances équilibrées. En tendant la main à Kigali tout en exigeant la vérité et la justice, il a assumé une posture d’homme d’État.
« La RDC n’est pas belligérante », a-t-il conclu, appelant à une « paix des braves » dans la région des Grands Lacs. Une paix fondée non sur les illusions, mais sur la reconnaissance des faits, la justice et la dignité.
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