La victoire historique des Léopards face au Nigéria a déclenché, à travers tout le pays, jusque dans les zones encore sous occupation étrangère, une onde rare : une fierté nationale partagée, spontanée, joyeuse. Dans les rues de Kinshasa comme dans celles de Goma, un même souffle a circulé : le Congo sait vibrer ensemble. Pour quelques heures, les fractures politiques se sont tues, les colères se sont assoupies, et le bruit des klaxons a remplacé celui des armes. Ce moment n’est pas anodin : il révèle ce dont le pays est capable lorsque l’unité n’est plus un slogan, mais un réflexe partagé.
Car ce succès dépasse le football. Il rappelle qu’un peuple, lorsqu’il se reconnaît dans un objectif commun, déplace des montagnes. Les Léopards ont montré la voie avec courage et détermination ; ils ont surtout rappelé à une nation éprouvée que le destin congolais n’est pas condamné à la fragmentation. La RDC, on l’oublie trop souvent, est capable de grandeur lorsqu’elle consent au rassemblement. Or cette unité, évidente dans la célébration sportive, manque cruellement là où elle est la plus vitale : la sécurité à l’Est.
C’est là que réside l’enjeu politique essentiel de cette euphorie collective. Si tout un pays peut se lever d’un même élan pour soutenir onze joueurs, pourquoi ne parvient-il pas à se lever d’un même front pour protéger ses propres citoyens ? Les acteurs politiques, toutes tendances confondues, portent une responsabilité : transformer cette communion populaire en un socle de volonté nationale. Le Président Tshisekedi, en saluant les « vaillants Léopards » et en appelant la foule à l’accueil triomphal à Ndjili, a compris la force symbolique de cette victoire. Mais ce pouvoir de rassemblement ne doit pas rester circonscrit au terrain de football ; il doit inspirer une mobilisation politique inédite, ferme et lucide, pour restaurer la sécurité à l’Est, soutenir les forces engagées, et mettre fin aux calculs partisans qui sapent chaque avancée.
L’unité ne se décrète pas : elle se construit, se nourrit, se maintient. Les Léopards nous offrent aujourd’hui un récit positif, un horizon possible, une démonstration éclatante de ce que la RDC peut accomplir lorsque l’effort collectif l’emporte sur la défiance. Il serait tragique que cette énergie se dissipe dans la célébration et retombe dans l’oubli.
Alors, oui, continuons d’avancer ensemble vers la Coupe du monde. Mais avançons avec la même passion vers un objectif plus urgent encore : une paix réelle, solide, durable. Que la ferveur qui a embrasé la nation serve d’élan pour affronter nos défis les plus cruciaux. Le sport nous unit ; à nous de prouver qu’il peut aussi nous inspirer à reconstruire, protéger et rassembler.
Pitshou Mulumba

