Sans détour ni euphémisme, le gouvernement congolais a choisi de clarifier l’équation sécuritaire régionale. Lors du briefing conjoint à Kinshasa, lundi 17 novembre, consacré aux enjeux du IXᵉ Sommet de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), les ministres Floribert Anzuluni et Patrick Muyaya ont exposé une position politique assumée : la RDC, nouvellement portée à la présidence de l’organisation, entend faire de ce mandat un levier de vérité et de responsabilité collective. Alors que les conflits perdurent dans l’Est, Kinshasa rappelle que le Pacte fondateur n’a pas échoué : il a été bafoué. Et le pays qui viole ses engagements n’est plus désigné à demi-mot : il est désormais cité. À travers l’appui public des autres États membres et l’adoption d’une résolution sans ambiguïté, le sommet de Kinshasa marque une rupture diplomatique rare dans la région : celle d’un consensus multilatéral reconnaissant, pour la première fois, « le pays agresseur » de la RDC. Un tournant que le gouvernement veut inscrire dans une stratégie plus large de paix et d’intégration économique.
La République démocratique du Congo a officiellement accédé à la présidence de la CIRGL lors du IXᵉ Sommet ordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement organisé à Kinshasa. Le ministre de l’Intégration régionale, Floribert Anzuluni Isiloketshi, a rappelé que ce mandat de deux ans confère à la RDC la présidence de toutes les instances intergouvernementales de l’organisation, tandis que le chef de l’État, Félix Tshisekedi, devient président en exercice de l’institution.
Le ministre a admis, d’emblée, la lassitude d’une partie de l’opinion face à la persistance des conflits armés : « Près de dix-neuf ans après la signature du Pacte, la CIRGL vaut-elle toujours son pesant d’or ? Cette question taraude certainement plusieurs esprits. » Mais, selon lui, le problème « ne réside pas en la CIRGL » : il se trouve dans « la violation, par un État en particulier, des engagements souscrits aux termes du Pacte ».
Un rappel frontal destiné à replacer le débat sur la responsabilité plutôt que sur l’efficacité de l’organisation.
Un leadership assumé et un point de bascule diplomatique
Floribert Anzuluni a insisté sur la dimension stratégique de la présidence congolaise : « En accédant à la présidence de la CIRGL, il y a avant tout lieu de souligner la confiance que les autres États membres ont placée en la RDC. »
Il a toutefois tempéré tout excès d’attente : « Prendre les commandes de la CIRGL n’octroie pas à la RDC une clef magique pour mettre immédiatement fin à la crise sécuritaire dans l’Est du pays. » L’objectif, a-t-il dit, n’est pas de transformer l’institution en outil de règlement de comptes : « À la tête de la CIRGL, l’objectif de la RDC n’est pas de régler ses comptes mais de promouvoir un élan s’alignant davantage sur le Pacte qui trace clairement la voie vers une paix durable. »
Mais le tournant est ailleurs. Commentant la Déclaration finale adoptée à Kinshasa, Anzuluni a souligné une avancée politique majeure : « Dans leur Déclaration finale, les Chefs d’État ont appelé à exiger le retrait sans délai du territoire congolais des troupes du pays agresseur de la RDC (…) La Déclaration ne parle pas d’un pays agresseur mais du pays agresseur. »
Et de lever toute ambiguïté : « Ce pays, le Rwanda pour être le plus clair possible, est officiellement et très explicitement reconnu comme agresseur de la RDC. »
Une formulation rare dans la diplomatie régionale, qui s’aligne désormais sur la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle « demande à la Force de défense rwandaise de cesser de soutenir le M23 et de se retirer immédiatement du territoire congolais ».
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