À Luanda, Félix Tshisekedi a rappelé une évidence que l’on élude trop souvent : un partenariat Europe-Afrique ne peut s’épanouir sur un sol miné par les conflits. Son intervention, ferme et sans artifice, a replacé la paix au centre d’un dialogue longtemps dispersé entre promesses non tenues et ambitions contrariées. En soulignant que « la paix et la sécurité sont des urgences vitales », le président congolais n’a pas seulement décrit la situation de son pays ; il a posé un diagnostic continental, lucide et nécessaire. Car la RDC, en assumant le choix du droit, du dialogue et d’un multilatéralisme loyal, s’efforce de tenir sa part dans un environnement fracturé. Elle rappelle ainsi que la souveraineté n’est pas un slogan, mais la condition première d’un développement partagé. Face à l’instabilité, Tshisekedi invite les deux continents à rompre avec l’illusion d’un partenariat asymétrique et à construire un modèle fondé sur la transparence, l’équité et la responsabilité. L’Europe et l’Afrique ont un quart de siècle de rendez-vous manqués derrière elles. À Luanda, l’heure n’est plus aux déclarations incantatoires mais à l’action. Si ce sommet assume enfin sa maturité, il pourra transformer une relation souvent hésitante en un engagement commun pour la paix, la dignité humaine et la prospérité durable. L’Afrique, aujourd’hui, n’attend plus ; elle propose. À l’Europe d’y répondre avec courage.
Réunis lundi à Luanda pour le 7ᵉ Sommet Union africaine – Union européenne, dirigeants africains et européens ont voulu donner un nouveau souffle à un partenariat lancé il y a un quart de siècle. Sous le thème « Promouvoir la paix et la prospérité grâce à un multilatéralisme effectif », la rencontre a porté autant sur les ambitions que sur les impasses d’une relation qui cherche aujourd’hui sa cohérence.
Dans ce cadre, l’intervention du Président Félix Tshisekedi a marqué les esprits. D’emblée, le chef de l’État congolais a appelé à un exercice de lucidité : « Ce sommet est un moment de bilan, un moment de vérité, un moment de projection ». Vingt-cinq ans après la Déclaration du Caire, il a exhorté les deux continents à s’interroger sur « ce que notre partenariat a réellement changé dans la vie de nos peuples ».
Un plaidoyer pour la paix, la souveraineté et la cohérence politique
Le Président congolais a ancré son propos dans la réalité des crises qui secouent le continent. « Si nous voulons parler de prospérité, de mobilité, de commerce, nous devons d’abord regarder en face la réalité : la paix et la sécurité sont devenues des urgences vitales », a-t-il affirmé, dénonçant la fragilisation des principes fondateurs de l’ordre continental, « notamment le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ».
Sans nommer ses agresseurs, il a rappelé que la RDC reste « un exemple douloureux » des violations répétées de ces principes, tout en soulignant la ligne choisie par Kinshasa : « Face à l’adversité, nous avons choisi le dialogue, la retenue et le droit ». Il a réaffirmé l’engagement du pays envers l’Accord de Washington, les efforts de médiation régionale et la mise en œuvre de la résolution 2773 du Conseil de sécurité appelant au retrait des forces étrangères.
Derrière ce plaidoyer, une exigence : celle d’un multilatéralisme qui cesse d’être théorique. « Avons-nous réellement pratiqué le multilatéralisme que nous proclamons ? », a interrogé le Président, appelant à un respect égal des règles internationales, à une coopération « fondée sur la transparence » et à une solidarité « qui n’abandonne aucun peuple à son sort ».
Un partenariat économique à réinventer
Félix Tshisekedi a également insisté sur la nécessité de quitter définitivement le paradigme de l’aide pour adopter celui du co-investissement, du leadership partagé et de l’industrialisation africaine. « L’Afrique ne demande pas la charité ; elle demande des partenariats structurants », a-t-il insisté, appelant à aligner les investissements sur l’Agenda 2063, les ODD et la Vision UA-UE 2030.
Sur les migrations, il a prôné une approche de responsabilité partagée, axée sur des voies légales, encadrées et respectueuses de la dignité humaine : « Aucun projet migratoire ne peut être durable s’il ignore les drames humains qui en constituent le terreau ».
Climat, gouvernance mondiale et responsabilité historique
S’exprimant sur le climat, il a rappelé le rôle central du bassin du Congo, « deuxième poumon vert de la planète », et plaidé pour une justice climatique fondée sur la reconnaissance du capital naturel africain. Il a également réitéré l’appel à la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et des institutions financières internationales, jugeant qu’« un multilatéralisme crédible » ne peut faire l’économie d’une représentation juste du continent.
En conclusion, le Président congolais a donné le ton du sommet : « La paix exige du courage. Le multilatéralisme demande de la loyauté. Que ce sommet soit celui du passage à l’action ».
Ainsi à Luanda, Félix Tshisekedi n’a pas seulement parlé au nom de la RDC ; il a incarné les aspirations d’un continent qui veut désormais peser dans les décisions qui façonnent son destin.
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