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2 décembre, 2025 - 12:22:18
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Grands Lacs : Tshisekedi–Kagame, la rencontre qui peut tout changer… si Kigali joue enfin la carte de la sincérité

Le face-à-face entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, annoncé pour le 4 décembre à Washington, cristallise l’espoir immense d’une région lassée par trois décennies de conflits et de duplicité diplomatique. Pour Kinshasa, cette rencontre constitue un test de sincérité, une épreuve de vérité imposée à un voisin dont les stratégies opaques ont entretenu l’instabilité et alimenté, année après année, le pillage massif des ressources du Kivu. Au moment où les États-Unis tentent de stabiliser un espace vital pour les chaînes d’approvisionnement mondiales, la RDC arrive à Washington avec une exigence claire : la paix réelle, vérifiable, non négociable, et une détermination diplomatique qui tranche avec les dérobades successives du Rwanda. À Washington, l’Afrique des Grands Lacs joue son avenir : celui d’un vivre-ensemble longtemps confisqué, que Kinshasa entend enfin rendre possible.

À quelques heures d’une signature annoncée comme historique entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, le rendez-vous de Washington s’impose déjà comme l’instant de vérité qui pourrait faire basculer l’ensemble de la région des Grands Lacs. Depuis Goma jusqu’à Bukavu, en passant par les zones frontalières du Rwanda et de l’Ouganda, les populations n’aspirent plus qu’à une chose : la fin d’un cycle de violences nourries par des calculs étatiques et des stratégies de prédation qui ont coûté des millions de vies.

Pour Kinshasa, cette rencontre doit marquer un tournant. Pour Kigali, elle ressemble davantage à un test diplomatique sous pression. Pour Washington, elle constitue une opportunité stratégique : stabiliser un espace riche en cobalt, cuivre, lithium ou tantale, crucial pour l’économie mondiale.

Un pari américain, une détermination congolaise

Depuis septembre, la diplomatie américaine orchestre un dispositif inédit combinant le « processus de Washington » et les discussions parallèles menées au Qatar avec le M23. Objectif : aligner les parties, désamorcer les tensions, et ouvrir la voie à une intégration économique régionale promue début novembre.

Mais Kinshasa y pose une condition non négociable : « aucune avancée sans retrait visible des troupes rwandaises », rappelait Patrick Muyaya. Depuis Belgrade, Félix Tshisekedi a enfoncé le clou : « Le respect des accords implique le respect de la souveraineté de notre pays. On ne fait pas de commerce régional sans paix ni confiance rétablie. » Une ligne rouge ferme, qui contraste avec les dénégations de Kigali.

Kigali se défend, Kinshasa s’en méfie

Lors d’une conférence de presse à Kigali, Paul Kagame a assuré que les blocages « ne viennent pas du Rwanda ». Il accuse Kinshasa d’« incohérence ».

Pourtant, les faits sont têtus. Selon un rapport du Groupe d’experts de l’ONU publié en juillet, le Rwanda exerce un « commandement et contrôle » direct sur le M23, qui occupe encore Goma, Bukavu et les principaux axes du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Une réalité militaire incontestable qui nourrit la défiance congolaise.

Rien, sur le terrain, n’indique une volonté rwandaise de désescalade : pas de retrait, pas de neutralisation des FDLR, pas de gestes de confiance. Une immobilité qui contraste avec la pression internationale croissante.

Un horizon économique qui dépend de la paix

Derrière les enjeux militaires, un débat plus large se dessine : celui de l’intégration économique régionale. Tshisekedi en a fait un axe majeur depuis 2019, mais il rappelle que cette ambition a été « poignardée dans le dos en 2022 » lorsque Kigali aurait choisi la voie de l’agression via le M23.

Pour Kinshasa, la paix conditionne tout : pas de commerce sans sécurité, pas d’intégration sans confiance, pas de rapprochement sans retrait rwandais.

La RDC veut la paix, mais la paix exige de la sincérité. Or c’est précisément ce qui manque, selon elle, dans les engagements rwandais.

Une paix possible, mais une équation étroite

À quelques jours du rendez-vous, les positions restent figées : Washington pousse pour une normalisation historique ; Kigali se dit ouvert mais rejette toute responsabilité ; Kinshasa maintient ses préalables sécuritaires avec une fermeté inhabituelle.

La rencontre du 4 décembre pourra soit ouvrir une séquence inédite, soit révéler l’ampleur du fossé qui sépare les deux capitales depuis près de deux ans.

Une chose demeure certaine : la RDC vient à Washington avec une volonté claire de paix, portée par des millions de Congolais épuisés mais résolus. Face à elle, un Rwanda qui devra prouver, cette fois, qu’il ne cherche plus à prolonger l’instabilité pour continuer à prospérer sur les richesses du Kivu.

Dans une région où chaque avancée peut être balayée en un instant, la diplomatie retrouve ici son sens premier : empêcher la guerre, rendre possible l’avenir. Washington pourrait en être le point de départ. Ou l’ultime rappel des contradictions qui empêchent la paix.

Pitshou Mulumba, Envoyé spécial à Washington DC

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