Kinshasa ne s’étendra plus par défaut, mais par choix. En lançant, lundi 22 décembre 2025, le projet d’extension de la capitale à partir de Menkao, dans la commune urbano-rurale de Maluku, Félix Tshisekedi a posé un jalon politique autant qu’urbain. Celui d’un État qui assume enfin la planification face à l’urgence démographique. À l’heure où la mégapole congolaise, forte de près de 16 millions d’habitants, suffoque sous la pression foncière, les embouteillages et le désordre spatial, le pouvoir exécutif affiche une rupture : bâtir une nouvelle centralité, industrielle et résidentielle, pensée dès l’origine pour l’emploi, les services publics et la mobilité. Plus qu’un chantier, Maluku-Kiamona se veut un test de crédibilité pour la gouvernance urbaine congolaise. Réussir cette extension, c’est démontrer que la croissance n’est plus condamnée à l’improvisation. Échouer, c’est prolonger le cycle de la saturation. Entre ambition chiffrée, discours de méthode et attente sociale immense, Kinshasa joue ici une partie décisive de son avenir.
La cérémonie s’est tenue à Menkao, dans l’Est de Kinshasa, au cœur de la commune de Maluku. Devant les autorités nationales et provinciales, le chef de l’État a procédé à la pose de la première pierre d’un projet présenté comme structurant : l’extension planifiée de la capitale sur un vaste espace encore faiblement urbanisé.
Prenant la parole avant le geste inaugural, le ministre de l’Urbanisme et Habitat, Alexis Gisaro, a donné le ton : « La pierre que vous posez aujourd’hui est le socle d’une nouvelle ville de Kinshasa mieux organisée, mieux connectée, plus productive et résolument tournée vers l’avenir. » Et d’insister sur la portée politique de l’initiative : « Le temps de l’improvisation urbaine est révolu, le temps du désordre humain urbain est terminé. »
Un pôle industriel multisectoriel au cœur du projet
Au centre de cette extension, une cité industrielle appelée à devenir un moteur économique national. Le projet prévoit l’implantation de huit parcs industriels spécialisés, allant de la haute technologie avec la production de smartphones et de robots industriels à l’économie circulaire, axée sur le recyclage des déchets, en passant par les industries de transformation (bois, textile, matériaux de construction) et des secteurs stratégiques comme l’assemblage industriel et les produits pharmaceutiques.
Objectif affiché : réduire durablement la dépendance de la RDC aux importations et amorcer une mutation structurelle de son économie, encore largement tournée vers l’exportation de matières premières.
Des ambitions chiffrées, un calendrier assumé
À l’horizon 2025-2030, les chiffres avancés traduisent l’ampleur de l’ambition : 1 200 unités industrielles attendues, 225 000 emplois créés sur cinq à dix ans dont 30 000 dès la première année et l’exploitation de 75 000 hectares, incluant 2 000 hectares dédiés aux services publics (administrations, écoles, hôpitaux, logements et infrastructures hôtelières).
Pour Thierry Katembwe, coordonnateur principal du Comité stratégique de supervision du projet, il s’agit d’« un nouveau départ ». « Nous ne posons pas simplement une pierre. Nous lançons effectivement les travaux sur une cité industrielle appelée à drainer, à terme, plus de 225 000 emplois. Les jeunes et les nouveaux talents congolais sont attendus ici », a-t-il déclaré.
Planifier pour gouverner la croissance
Avec un taux de croissance démographique estimé à 5,1 %, Kinshasa est en passe de devenir la plus grande ville d’Afrique. Pour le président Tshisekedi, l’enjeu n’est plus de colmater, mais d’anticiper. L’extension de Maluku-Kiamona se veut ainsi une réponse structurelle à la saturation du centre-ville, aux embouteillages chroniques et à l’étalement anarchique.
Le gouverneur de la ville, Daniel Bumba, a résumé l’esprit du projet : « L’extension de Kinshasa n’est pas un simple projet d’infrastructure. Elle répond aux défis des embouteillages, du désordre spatial et de l’emploi des jeunes. Elle incarne notre volonté de bâtir une capitale attractive, équilibrée et tournée vers l’avenir. »
Il a également salué la collaboration des populations locales et des autorités coutumières de Maluku, tout en appelant les entreprises exécutantes au respect strict des délais et des normes : « La réussite de ce projet est une exigence collective et un devoir envers les générations futures. »
En clôturant l’année par ce lancement, le chef de l’État envoie un signal clair : la question urbaine devient un axe central de l’action publique. À Maluku, Kinshasa ne gagne pas seulement des kilomètres carrés ; elle expérimente une méthode. Celle d’une ville pensée avant d’être subie.
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