En 2028, Félix Tshisekedi – sauf changement de Constitution pour un 3ème mandat – devra rejoindre Joseph Kabila dans le statut de sénateur à vie. Il aura, en effet, consommé ses deux mandats fixés à l’article 70 de la Loi fondamentale.
Ainsi, le schéma qui se profile pour 2023-2028 est celui d’un « ticket Président de la République Félix Tshisekedi/Premier ministre Vital Kamerhe ».
Quant au schéma de 2028-2033 et, éventuellement, 2033-2038, il sera d’un « ticket Président de la République Vital Kamerhe/Premier ministre Udps » ; personne de raisonnable ne voyant Félix Tshisekedi devenir Premier ministre à la Poutine avec Medvedev.
On n’y est pas encore. C’est vrai.
Mais, pour 2023-2028, le curseur de la primature quittera sans doute le Katanga pour une autre province, cela après Sylvestre Ilunga Ilunkamba et Jean-Michel Sama Lukonde. Ce curseur, à défaut de se fixer sur l’Ouest, renverra probablement un kivutien du Nord ou du Sud à l’hôtel du Conseil après l’épisode Faustin Birindwa vieux de 1993-1994.
Ici également, on n’y est pas encore.
On est cependant pleinement de retour dans le schéma Cach de Nairobi 2018.
Pour rappel, le deal Cach (Cap pour le Changement) passé entre l’Udps (avec Félix Tshisekedi en qualité de Président de la République) et l’Unc (avec Vital Kamerhe en qualité de Premier ministre) s’était défait au vu des résultats provisoires le 10 janvier 2019.
En effet, si pour Félix Tshisekedi l’accès à la tête de la Présidence de la République n’avait posé aucun problème, il n’en était pas le cas pour Vital Kamerhe à la tête du Gouvernement.
Cach n’avait pas réussi à se constituer une majorité parlementaire qui soit issue des urnes.
C’est ainsi que Félix Tshisekedi avait proposé à Vital Kamerhe le poste de directeur de son cabinet.
Avec les élections de décembre 2023, les chances pour l’Union sacrée de la nation de se constituer une majorité parlementaire confortable étant réunies, Vital Kamerhe – sauf cas de force majeure – pourrait accéder à la primature et jouir en 2028 du soutien à la succession du chef de l’Etat actuel.
A ce stade, il n’y a pas à proprement parler enterrement de l’accord de Nairobi. Au contraire, il y a perspective de reconduction.
Ce qui explique les propos de Vital Kamerhe lors du mini-conclave de son parti le samedi 19 août 2023 à Showbuzz. « La première des unions que les fils et filles de l’UNC ont manifestées est celle qui a réuni deux partis phares à savoir, l’UDPS et l’UNC. Vous vous rappelez tous du CACH, à travers le FATSHIVIT, cette plateforme qui nous a amené à la victoire de l’alternance, le 24 janvier 2019, comme l’a si bien rappelé le Secrétaire Général dans son discours. L’union exige de l’humilité et surtout de la prise en compte des différences, car même si physiquement vous n’êtes pas dans une action, si elle est tributaire d’une union elle se fera de manière satisfaisante », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « L’UNC, notre Parti, ne s’est jamais trompé de combat. Dès le début de notre marche, nous avions placé l’union des congolais comme l’objectif suprême, la capacité de notre nation à fédérer ses forces internes pour constituer un frein à l’expansion de la pauvreté et du désespoir qui est son corollaire ».
Renchérissant sur le fait que l’Unc est restée debout en dépit des « attaques des ennemis devenus virulents à cause du succès de nos politiques publiques », Vital Kamerhe a renouvelé la parole de son parti « d’accompagner le Chef de l’Etat dans son combat pour la refondation de l’Etat congolais ».
Promesse tenue « malgré les vicissitudes inhérentes à la faiblesse humaine et au triomphe des préjugés ».
C’est alors qu’il va annoncer de façon solennelle cet engagement en déclarant : « *Nous demandons à Son Excellence Monsieur Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO d’accepter de porter l’ambition de notre Parti à la présidentielle de décembre 2023, tel que formulé dans la résolution qui vient d’être adopté par le Congrès. Notre choix aujourd’hui est un choix de cœur et de la raison, car notre plus grande capacité de changer les choses est tributaire de notre foi en l’avenir ».
Il est vrai que ces temps derniers, l’Unc a connu une succession de démissions pouvant se justifier par le refus de certains membres de ne pas avoir ni voir un des leurs candidat à la magistrature suprême.
Cependant, il faut être suffisamment calculateur, sinon très calculateur.
Le deal de Nairobi, comme relevé plus haut, n’avait plus de sens dès la publication des résultats provisoires le 10 janvier 2019. Mieux, les « initiés » avaient déjà ces résultats deux ou trois heures après clôture des opérations de vote, cela grâce à la machine à voter (MAV).
Les carottes étaient quasiment cuites pour l’Unc.
Qu’il ait connu par la suite la fortune de devenir directeur de cabinet du Président de la République avant d’être promu ministre d’Etat, et cela après l’infortune de l’emprisonnement, Vital Kamerhe fait preuve de pragmatisme en réalisant le peu de chance qu’il a de se porter candidat à la présidentielle en 2023, c’est-à-dire contre Félix Tshisekedi détenteur, lui, du droit à un second mandat. D’où le choix de se mettre en réserve jusqu’en 2028.
La politique étant dynamique, rien n’assure l’inéluctabilité de ce schéma. Car au sein de l’Usn, les leaders de l’Est, précisément du Kivu frontalier, (Nord et Sud) ont l’ambition de succéder à Sama Lukonde.
En 2028, lorsque Félix Tshisekedi aura consommé son dernier mandat, candidats au poste de Premier ministre sous le quinquennat 2023-2028, Vital Kamerhe et Modeste Bahati du Sud-Kivu auront respectivement 69 et 72 ans ; Antipas Mbusa et Julien Paluku du Nord-Kivu 69 et 60 ans. Bel âge pour viser la présidence de la République.
En attendant, les empoignades risquent d’être si fortes que l’Usn en fera les frais, et avec elle le second mandat Félix Tshisekedi.
Ce n’est pas une mince affaire.
Au contraire, l’enjeu kivutien est décisif pour consolider l’unité nationale présentée à Nairobi, en 2018, comme raison majeure du « boycott » du schéma de Genève avec Lamuka.
Aussi, par rapport à la situation globale à l’Est, particulièrement au Nord et au Sud-Kivu, la gestion des ambitions pour la primature en 2023 et pour la magistrature suprême en 2028 nécessite-t-elle une prise de conscience conséquente de la part du leadership kivutien pro-Usn, à commencer évidemment par Vital Kamerhe, cosignataire de l’acte constitutif de la plateforme Cach, donc co-responsable, en quelque sorte, du premier mandat de Félix Tshisekedi 2018-2023.
Réalité que bon nombre d’acteurs politiques, de part et d’autre, ne prennent pas en compte.
Ils doivent s’y résigner, à défaut de l’admettre.
Omer Nsongo die Lema