Politologue et coordonnateur de la Dynamique des politologues de la République démocratique du Congo, Christian Moleka met une couche sur le discours d’investiture de Félix-Antoine Tshisekedi prononcé le samedi 20 janvier 2024 au Stade des Martyrs de la Pentecôte, en présence des hôtes de marque dont la vingtaine de ses homologues chefs d’Etat et une bonne représentation de la population congolaise.
Décortiquant ce discours-programme, M. Moleka est d’avis qu’il faut réactiver le côté diplomatique, car beaucoup de dossiers restent sur la table, notamment avec les accords de Luanda et Nairobi en plus du fait qu’il faut initier la réforme de l’appareil sécuritaire pour répondre aux menaces extérieures, notamment la menace des pays voisins et surtout financer nous-mêmes le processus DDR. Sur le plan économique, Christian Moleka encourage la relance des secteurs producteurs des richesses comme l’agriculture (filières riz, café) et la pêche.
Pour ce qui est du choix du porte-parole de l’opposition politique, Christian Moleka n’en voit pas la faisabilité comme en 2011, parce que Martin Fayulu n’a aucun député et Katumbi interdit à ses députés de siéger.
Que devons-nous retenir du discours d’investiture du chef de l’Etat de samedi dernier ?
On peut retenir que le président résumait ce que peuvent être ses lignes directrices autour de quatre axes, à savoir la cohésion nationale, l’économie, la monnaie et la sécurité.
Sur les questions de cohésion nationale, le chef de l’Etat est revenu sur la nécessité de consolider le vivre-ensemble, de lutter contre le tribalisme, donner une place à l’opposition, notamment au sein du Parlement, il a tendu la main à l’opposition. Sur les questions économiques, Félix Tshisekedi est revenu sur le nécessité de diversifier l’économie, de réindustrialiser, de donner une place importante à l’agriculture. S’agissant de la monnaie, il a évoqué les questions du pouvoir d’achat de la population, de la parité du franc congolais et, enfin, il a évoqué la question sécuritaire, notamment la réforme de l’appareil sécuritaire pour répondre aux menaces extérieures, notamment la menace des pays voisins.
Au-delà des questions économiques, le chef de l’Etat a parlé de la diversification de l’économie nationale, même de la stabilisation de la monnaie. Comment cela peut être réalisé si nous savons que nous avons une économie extravertie ?
Lorsque nous avons connu la Covid-19 par exemple, le gouvernement avait parlé de la relance des filières, notamment les filières riz et café. Le Congo importe énormément du riz alors que nous avons la possibilité de monter la filière riz à Bumba. Tout le monde a connu le riz Bumba. Si nous voulons demain diversifier l’économie, nous devons soutenir l’agriculture qui nous permettra de produire localement et de compenser ce que nous importons. Si par exemple, tout le monde connaît le débat sur les bateaux de pêche et les poissons du début de la mandature passée ; si nous relançons l’industrie de la pêche, cela nous permettra de produire localement et quand nous produisons localement, nous n’importons plus et donc, nous ne dépensons plus de devises. Il est donc possible de diversifier l’économie, mais encore faut-il que des réformes profondes soient mises en place pour créer plus de richesses à l’intérieur, augmenter notre capacité à faire rentrer des devises et réduire au strict minimum les sorties des devises qui font que nous sollicitons tout e temps nos réserves de change, parce qu’il faut acheter à l’extérieur. Et donc, permettre que nous ayons un pouvoir d’achat à l’intérieur.
Félix Tshisekedi a aussi abordé la question sécuritaire et a dit vouloir éradiquer tous les groupes armés qui pullulent dans l’Est du pays. Comment va-t-il s’y prendre cette fois-ci pour ramener la paix totale dans cette partie du pays ?
Le Congo doit réactiver le côté diplomatique parce qu’il y a énormément de dossiers qui sont encore sur la table, à savoir l’accord de Luanda, l’accord de Nairobi. Il faut être capable de redimensionner notre armée, de l’équiper suffisamment pour être capable de dissuader à l’intérieur du pays tous les autres mouvements, de restaurer de l’Etat et puis, il faut savoir aller jusqu’au bout du processus DDR. Il y a un PDDRC-S qui bloque, il faut le financer nous-mêmes et que nous arrêtions de dépendre tout le temps du financement de l’extérieur. Finançons nous-mêmes le DDR parce que tous ces groupes armés, il faut les désarmer, les ramener à la vie normale. Il y a des questions de fond qu’il faut régler en même temps parce que quand on dit sécurité, elle est globale. Cela demande également que nous réformions la territoriale, les renseignements, que nous réglions le problème de cohabitation pacifique, de vivre-ensemble, le problème foncier parce que beaucoup de conflits tournent autour du foncier. Et tout dépendra des réformes que le président mettra en place pour répondre à tous ces défis.
Le président veut aussi que, cette fois-ci, l’opposition ait son porte-parole, comment faire ce contexte actuel où Moïse Katumbi n’est élu au Parlement et que Martin Fayulu n’a aucun député. Pensez-vous qu’il est possible d’avoir un porte-parole de l’opposition ?
C’est une question complexe parce que depuis 2011, l’opposition n’arrive pas à se choisir un porte-parole. C’est parce que nous avons toujours eu une opposition à double vitesse : celle à l’intérieur et celle à l’extérieur du Parlement. Rappelez-vous d’Etienne Tshisekedi qui a fait l’opposition extraparlementaire et d’autres dynamiques de l’opposition parlementaire avec Jean-Pierre Bemba et Azarias Ruberwa à l’époque. Aujourd’hui encore comme hier, nous avons un Fayulu qui ne va pas se retrouver dans l’opposition parlementaire par manque de députés ; un Katumbi qui interdit à ses députés de siéger et donc qui n’a pas intérêt de jouer ce rôle au niveau du Parlement, puis une partie de l’opposition minoritaire qui sera au Parlement, notamment la Dypro de Constant Mutamba. Donc, face à une opposition qui se retrouve à l’intérieur, et une autre à l’extérieur, il me semble difficile de trouver un consensus sur un porte-parole de l’opposition.
St Augustin K