Pour sa survie, et pour son développement harmonieux, la République Démocratique du Congo a intérêt à maintenir un équilibre salutaire dans ses relations avec les partenaires extérieurs, dans un monde en pleine mutation, où les grands axes géostatiques sont en évolution constante. Si nous pouvons nous réjouir de l’intérêt pour la RDC, que semble manifester, à nouveau, certains pays du monde occidental (Etats-Unis, Belgique, France, etc..), à la faveur de la réélection du Président Tshisekedi à la Magistrature Suprême pour un second mandat, il faut garder à l’esprit que, c’est d’abord, et avant tout, dans le but de répondre à leurs propres objectifs de politique extérieure, dont un des principaux est celui d’accéder aux ressources naturelles, au moindre cout. Pour ce faire, certains milieux capitalistes et groupes multinationaux n’hésitent pas à créer, ou à encourager, des situations d’instabilité, en utilisant des relais locaux, bien souvent sous la forme de groupes armés, qui sèment la terreur et la violence, pour imposer une collaboration au nom de la lutte contre le terrorisme.
Force est de constater que des pays, qui, comme le nôtre, en Afrique avaient vécu pendant des décennies dans une relative stabilité (Mali, République Centrafricaine, Tchad, Niger, Nigeria, etc.), sont aujourd’hui en proie à la violence et à des crises politico-sociales sans fin. Les armées nationales, minées de l’intérieur et sans ressources, ne sont plus capables, à elles seules, de défendre leurs territoires, et de protéger les populations. Les interventions extérieures, comme les missions de paix (ONU, CEDEAO, etc.) ne semblent pas suffire à mettre un terme au chaos ambiant, et ne permettent pas aux Etats de revenir à une situation normale. C’est dans cet environnement complexe, et entretenu par des forces occultes, qui profitent de l’instabilité récurrente pour s’enrichir, que la RDC doit articuler sa politique extérieure, afin qu’elle réponde à la vision du Président de la République, telle qu’exprimée, lors de son investiture et lors de son discours historique, au 1er Sommet Russie-Afrique de Sotchi, les 23-24 octobre 2019, à savoir : « …. Les impératifs de coopération et de développement ont conduit mon pays à adopter le bon voisinage et l’ouverture au monde comme principe directeur de notre politique étrangère, qui met l’intérêt supérieur de l’homme congolais au centre de partenariat porteur de croissance forte et inclusive… »
C’est donc en toute logique que cette « réouverture » envers le monde occidental soit bien accueillie, en espérant que le nouvel environnement apaisé ainsi crée débouche sur la mise en œuvre de projets de développement économique, avec un impact significatif sur l’amélioration des conditions de vie des congolais. Les défis que doit surmonter notre pays sont énormes et multiples, ils touchent à tous les aspects de la vie nationale.
C’est pourquoi, en vue d’assurer une pleine réalisation de sa vision vers l’émergence, la RDC a intérêt de s’ouvrir aux autres régions du globe qui, comme on le voit avec la Russie et la Chine, sont porteuses de forte croissance. En ce qui concerne le cas particulier de la Russie, Il faut se rappeler qu’elle a toujours été aux cotés de la RDC, dans les moments les plus critiques de son histoire, quand tous les autres lui avaient tourné le dos.
Grande puissance mondiale, la Russie est aujourd’hui au cœur de la politique internationale, aux côtés de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, et des autres acteurs de la scène internationale pour peser de tout son poids dans les grandes mutations que connait la sphère géopolitique du globe. Son rôle n’a cessé de croitre depuis plusieurs années, dans la résolution des problèmes internationaux. Le contrepoids qu’elle représente aujourd’hui sur la scène internationale, face aux tentatives hégémoniques de certains Etats, est une opportunité que la RDC a intérêt à saisir, si elle ne veut pas redevenir un pré-carré des appétits des puissances d’argent du monde capitaliste occidental, qui sont, en grande partie, responsable de ses difficultés actuelles.
Le nouvel élan insufflé dans les relations entre la RDC et la Russie, par les deux Chefs d’Etats, Vladimir Poutine et Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, à l’occasion du 1er Sommet Russie-Afrique de Sotchi d’octobre 2019, s’inscrit dans cette logique de maintenir un équilibre salutaire dans nos relations avec les partenaires extérieures de tous les horizons. Le renforcement de la coopération avec la Russie, surtout dans le domaine économique, permettrait à la RDC de profiter de ses capacités technologiques, à l’instar de nombre de ses voisins, qui sont déjà avancés dans des projets concrets dans plusieurs domaines. Ceci, d’autant plus que s’est installée aux Etats-Unis une dynamique autocentrée, avec l’avènement du Président Donald Trump, et que l’Europe peine elle-même à sortir des crises économiques et sociales qui la minent, aggravée par la pandémie du Covid-19, qui continue de faire des ravages à travers le monde.
La Russie est fortement intéressée par l’Afrique. Elle a déjà établi sur le sol africain des représentations commerciales, et des liens de diverses natures, comme en témoignent les tableaux ci-après tirés de l’hebdomadaire « le monde », dans son édition du 22 octobre 2019. Comme l’a souligné Monsieur OLEG OZEROV, Directeur-Adjoint du Département Afrique du Ministère des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie, Plusieurs pays africains sont déjà fortement engagés avec les sociétés russes dans l’exploitation des ressources minières (bauxite, platine, diamant et pétrolières, notamment le Mozambique, le Nigeria, la République Sud-Africaine, la Guinée, le Zimbabwe, le Sierra Léone, etc. Les relations avec l’Afrique ont été renforcée, à travers plus de 16 commissions intergouvernementales dans le but de conclure des accords économiques qui permettent notamment d’éviter la double taxation sur les revenus de l’exploitation minière. La Russie possède des technologies très avancées dans plusieurs domaines, dont celui de l’exploitation des ressources minières. Les pays africains gagneraient donc à trouver auprès des russes les informations en mesure de leur permettre une meilleure exploitation de leur potentiel minier.
Pour sa part Monsieur PAVEL VOLOSOV, Chef du Département Asia, Afrique et Amérique Latine du Ministère de l’Industrie et du Commerce de la Fédération de Russie, a affirmé que la Fédération de Russie était en coopération étroite avec les pays africains, à travers l’octroi des bourses d’études, et des programmes de formations dans des domaines très concrets. Plusieurs initiatives liées à des domaines particuliers sont en cours, notamment dans le secteur agricole et l’étude des sols. Plusieurs missions ont été effectuées en Afrique, avec des programmes très concrets, et qui ont été fortement appréciées de part et d’autre. Les financements existent et des concours sont régulièrement organisés. Ce partenariat s’est structuré davantage à travers la signature de plusieurs Mémorandum d’entente entre les pays africains et les partenaires russes, à l’occasion du 1er sommet Russie -Afrique de Sotchi d’octobre 2019, qui a été un grand succès, au vu du nombre des participants africains.
Renforcer l’axe Kinshasa-Moscou répond donc à une logique cohérente, si la RDC s’inscrit dans l’élan des autres pays africains qui profitent actuellement de leurs partenariats constructifs avec la Russie.
TABLEAU N° 1 : LA COOPERATION MILITAIRE RUSSIE-AFRIQUE
TABLEAU N° 2 : LE RAPPROCHEMENT POLITIQUE RUSSIE-AFRIQUE
Depuis le début des années 2010, la Russie tente d’élargir la géographie de ses intérêts en Afrique, au-delà de son ancienne zone d’influence, comme en attestent le nombre et la diversité des chefs d’Etat africains reçus à Moscou et des visites d’officiels russes sur le continent.
TABLEAU N° 3 : LES INTERETS ECONOMIQUES RUSSIE-AFRIQUE
La présence économique russe est dominée, hormis la sécurité, par les secteurs de l’énergie et des mines.
Au cours d’une conférence de presse qu’il a animé le vendredi 9 février 2018, l’Ambassadeur de Russie en République Démocratique du Congo (RDC), Alexey L. Sentebov, a déclaré : « Des perspectives existent d’établir une coopération mutuellement bénéfique dans l’exploitation minière et dans l’exploitation géologique, ou encore dans le secteur énergétique et agricole ». La formation de cadres nationaux congolais dans les établissements supérieurs russes reste un maillon important du renforcement de ce partenariat. En plus, la Russie et la République démocratique du Congo, à en croire l’ambassadeur, entretiennent un dialogue politique intéressé qui s’appuie sur une perception proche des processus à l’œuvre dans le monde et sur une consonance des approches des problèmes d’actualité, y compris au sujet de la formation d’un modèle multipolaire d’ordre mondial comme étant un système plus juste et plus sûr de relations internationales basé sur la coopération dans le cadre de l’ONU et sur d’autres plateformes multilatérales.
La visite du Président Tshisekedi en Russie a été ressentie très positivement par les milieux russes et très appréciée par le Président Poutine. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un acte de souveraineté de la RDC, qui témoigne de la politique d’ouverture prônée par le Président de la République, et ce malgré les pressions et les intimidations de plusieurs pays partenaires traditionnels, et notamment de certains pays voisins, qui ne souhaitaient pas que la RDC profite, comme ils le font déjà, du partenariat stratégique avec la Russie. Cette visite est aussi une preuve que la RDC n’est pas une chasse gardée de certaines puissances, et exprime la volonté tout azimut du Chef de l’Etat de travailler au rayonnement de notre pays à travers le monde, dans l’esprit de maintenir un équilibre diplomatique dans les relations de la RDC avec les grandes puissances, facteur de paix. La forte délégation de la RDC à Sotchi témoigne de l’intérêt que la RDC accorde à la Russie, mais aussi des attentes fortes vis-à-vis de cette grande puissance et, en retour, cette forte participation renforce la considération que la Russie manifeste envers la RDC, ainsi que de la disponibilité qu’elle montre à appuyer la RDC sur le plan politique, diplomatique, économique et sécuritaire. Ce contact direct entre les deux Présidents ayant débouché sur l’invitation du Président Poutine à visiter la RDC en 2021, permet d’espérer à une possible organisation d’un Sommet Russie-Afrique en RDC, à la faveur de la présidence congolaise de l’Union Africaine. On peut également souligner le soutien mutuel que les deux Chefs d’Etat ont promis de s’accorder dans les instances internationales ou les dossiers de la RDC et de la Russie sont débattus, comme au sein du Système des Nations-Unies, notamment à travers le soutien de la Russie par la RDC dans le dossier syrien, celui de la Crimée et du Caucase.
Le 8 juillet 2020, à l’occasion des consultation politiques entre la Russie et la troïka de l’Union Africaine (Egypte, RSA et RDC), les Ministres des Affaires Etrangères ont convenu : « ….renforcer de la coopération industrielle entre la Russie et l’Afrique aussi bien au niveau bilatéral qu’avec la participation d’organisations sous-régionales du continent africain, ainsi que pour garantir un accès simplifié des marchandises africaines au marché russe ».
Tous les spécialistes s’accordent pour affirmer que l’Afrique noire est la partie la plus prometteuse de ce 21eme siècle, et qui offre donc les meilleures perspectives pour son développement, avec ses immenses ressources naturelles, sa main d’œuvre la moins chère au monde et son faible niveau d’exploitation actuel. Au cœur de cette Afrique noire, il y a, bien entendu, la RDC qui en occupe une des plus grandes surfaces, et qui possède un de ses plus grands potentiels.
Il y a lieu donc, pour des pays comme la RDC, de profiter de cette disponibilité de la Russie, pour faire face aux défis du développement, dans un contexte où les sanctions occidentales minent les efforts qui ont été fournis jusqu’ici dans plusieurs domaines, pour espérer à nous orienter vers l’émergence à brève échéance. Il faut reconnaître que les relations actuelles de la Russie avec l’Afrique, en générale, et la RDC, en particulier, gagneraient à être mieux encadrée et organisée dans un partenariat stratégique, sous la forme d’un programme indicatifs de coopération, avec des objectifs clairs, qui profitent aux deux parties. On peut aussi souhaiter la création d’une agence russe pour le développement de l’Afrique, avec une antenne installée en RDC, qui aurait vocation à l’accompagnement du processus de régionalisation et de d’évolution engagé au sein de nombreux Etats, à un renouvellement significatif des stratégies de développement économique des collectivités, à la sortie progressive des grands chantiers de reconversion, pour faire jouer à l’Afrique, et à la RDC en particulier le rôle qui devrait être le sien, celui d’un vaste espace de liberté et de prospérité.
Fait à Moscou, le 15 Mars 2024
Joseph Kindundu Mukombo
Conseiller Economique et Communication