La déclaration de Raymond Tshibanda, au nom du comité de crise du Front Commun pour le Congo (FCC), évoquant la disponibilité de Joseph Kabila à revenir aux affaires, apparaît comme une tentative de repositionnement politique plutôt qu’une réponse réaliste aux attentes du peuple congolais. Si elle se veut un appel à la mémoire des réalisations passées, elle se heurte à un héritage controversé et à une population marquée par 18 années de problématique de gouvernance.
Le poids des échecs sécuritaires
Le message du FCC présente Joseph Kabila comme un « homme de la situation » capable de relever les défis actuels. Pourtant, son passage à la tête de la RDC est indissociable d’un bilan sécuritaire largement visible. L’instabilité chronique dans l’est du pays, exacerbée par des politiques militaires incohérentes, demeure une cicatrice encore vive.
La rébellion du M23, emblématique des échecs sécuritaires de cette époque, illustre l’impact désastreux des politiques de mixage et de brassage des forces armées. Ces initiatives, visant à intégrer d’anciens rebelles dans l’armée nationale, ont affaibli les FARDC et ouvert la voie à des infiltrations massives. Aujourd’hui encore, le retour du M23 en 2022 rappelle les conséquences de ces décisions, creusant le fossé entre les promesses du FCC et la réalité des Congolais.
Le soutien du Rwanda au M23, bien que déclaré sous Kabila, n’a jamais été efficacement contrôlé par des actions stratégiques. Les populations de l’Est, qui ont subi des massacres, des déplacements massifs et une insécurité généralisée, associent cette période à un abandon de l’État. Cet héritage sécuritaire fragilise toute tentative de réhabilitation politique de Kabila et rend son retour peu crédible.
Kasaï, les stigmates d’une marginalisation socio-économique
Les tensions dans le Kasaï, notamment avec l’assassinat du chef Kamuina Nsapu en 2016, ont entraîné une autre facette de la gouvernance défaillante sous Joseph Kabila. La gestion calamiteuse des conflits locaux et l’absence de politique sérieuse de reconstruction ont laissé cette région dans un état de désolation. Cette marginalisation, combinée à une absence critique d’infrastructures et de développement économique, alimente un sentiment de trahison parmi les populations locales. Les souffrances infligées par cette négligence rendent improbable toute acceptation de l’ancien président comme une figure capable de rétablir la confiance.
Un empire familial au détriment du peuple
Les révélations du scandale « Congo Hold-Up » ont dévoilé l’ampleur des détournements orchestrés par la famille Kabila. Pendant que le peuple congolais sombrait dans une pauvreté endémique, le régime accumulait des fortunes colossales, incarnant une injustice flagrante.
Dans une enquête datant de 2016, Bloomberg avait identifié un réseau d’au moins 70 sociétés aux mains des membres de la famille Kabila. De l’extraction minière à l’immobilier, en passant par la banque et l’hôtellerie : les Kabila sont présents dans tous les secteurs de l’économie de la RDC.
L’ONG Congo Research Group avait estimé par exemple que Joseph Kabila possède, directement ou via ses enfants, plus de 71 000 hectares de terres agricoles.
Ce contraste saisissant entre le train de vie des élites et la précarité des citoyens renforce le rejet populaire. La tentative du FCC de réhabiliter l’image de Kabila se heurte à une mémoire collective encore marquée par ces pratiques.
Le message de Raymond Tshibanda révèle une méconnaissance des attentes réelles des Congolais, qui aspirent à une rupture avec les pratiques du passé : corruption, impunité et gestion chaotique. En associant son appel au retour de Kabila à une promesse de continuité, le FCC risque de se heurter à un rejet catégorique.
Les Congolais, en quête de justice, de transparence et de solutions durables, voient dans le discours du FCC une tentative de détournement politique. L’idée de “l’homme providentiel” est dépassée ; le peuple réclame des institutions fortes et non des personnalités aux bilans controversés.
Le message du FCC s’inscrit davantage dans une logique de survie politique que dans une véritable réflexion sur les défis actuels. Face à une population consciente des enjeux de son avenir, le retour de Joseph Kabila semble anachronique et inopportun.
Pour répondre aux attentes du peuple congolais, le FCC devra opérer un virage stratégique et proposer des alternatives crédibles. Les Congolais attendent des solutions innovantes et une gouvernance axée sur la transparence, loin des héritages d’un passé lourd de désillusions.
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