Il est des moments dans l’histoire d’une nation où le courage politique consiste à rompre avec les routines convenues et à affronter les tempêtes de l’opinion. Le projet d’accord stratégique entre la République démocratique du Congo et les États-Unis, fondé sur l’échange de ressources minières contre un appui sécuritaire, s’inscrit précisément dans cette veine. Pourtant, il fait l’objet d’une polémique aussi véhémente que mal orientée, alimentée par des tribunes manifestement faites non pour éclairer, mais pour égarer.
Au centre de cette agitation : des opposants politiques – brandissent une rhétorique alarmiste et accusent le président Félix Tshisekedi de « vendre le pays » à l’administration Trump. Une sortie tonitruante, mais qui souffre d’un défaut majeur : l’absence de rigueur. Car enfin, que reproche-t-on exactement ? Le projet n’est ni signé ni finalisé. Il est encore à l’état embryonnaire. Pourquoi donc diaboliser un accord qui, pour la première fois, replace la RDC au centre d’une reconfiguration stratégique globale, à l’heure où le Rwanda, pays agresseur, subit enfin la réprobation internationale qu’il mérite ?
Ce silence assourdissant sur le pillage méthodique de nos ressources par Kigali, en complicité avec des intérêts économiques occidentaux, suffit à interroger la sincérité des pourfendeurs du partenariat RDC-USA. Pas un mot, non plus, sur les multiples sanctions infligées au régime de Paul Kagame, ni sur la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU – une première historique qui reconnaît l’agression rwandaise. Et encore moins sur la position audacieuse de la RDC à travers le projet du corridor de Lobito, qui désenclave le pays tout en l’émancipant des griffes logistiques de son voisin belliqueux. Un silence qui n’est pas de l’oubli, mais du calcul.
Il faut dire les choses clairement : cette polémique n’a rien d’innocent. Elle n’est pas motivée par l’amour de la patrie ni la défense du patrimoine minier national. Elle est le fruit d’une stratégie politique concertée, visant à torpiller une initiative diplomatique forte, à portée d’un président qui ne se résigne pas à voir son pays réduit au statut de colonie de transit pour intérêts étrangers. Elle est née d’une peur : celle de voir le chef de l’État regagner l’initiative, là où ses adversaires espéraient sa chute.
Rappelons qu’aucune protestation similaire n’a été enregistrée au moment de l’accord sino-congolais, signé sous Joseph Kabila – un accord aujourd’hui reconnu comme déséquilibré, et que le président Tshisekedi a courageusement renégocié. Rappelons aussi que les signataires de la tribune contre ce deal, citant l’article 214 de la Constitution, oublient commodément l’article 213, qui confère au président de la République le pouvoir de négocier et de ratifier les accords internationaux, selon les modalités définies par la loi. Est-ce l’accord qui les dérange, ou le président qui l’incarne ?
La vérité est que Félix Tshisekedi mène une politique de repositionnement audacieux de la RDC sur l’échiquier mondial. Son apparition remarquée sur Fox News, son rôle clé dans la dénonciation du narratif du régime de Kigali, son appui au couloir de Lobito, et la reconnaissance de ses efforts par la communauté internationale ne sont pas des anecdotes : ce sont les marques d’un leadership assumé. Et cela dérange.
La classe politique congolaise gagnerait à se hisser au niveau des enjeux actuels. Il ne s’agit pas de défendre un homme, mais une vision : celle d’un Congo qui ne demande plus, mais qui négocie ; un Congo qui ne subit plus, mais qui propose ; un Congo qui ne s’éparpille pas dans les invectives, mais qui construit des alliances stratégiques. Le partenariat avec les États-Unis – s’il aboutit – sera l’un des instruments de ce repositionnement. À condition que ceux qui prétendent parler au nom du peuple cessent de le prendre en otage d’ambitions personnelles mal dissimulées.
Car l’heure n’est plus à l’hypocrisie des postures, mais à la clarté des choix. Et l’histoire, comme toujours, retiendra ceux qui, au cœur de la tourmente, feront preuve de lucidité et de courage.
Pitshou Mulumba