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17 mai, 2025 - 16:04:38
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Deal Tshisekedi-Trump : Claudel Lubaya et consorts, l’art de s’indigner à géométrie variable

Alors que la République démocratique du Congo cherche désespérément à sortir de l’étau de l’insécurité à l’Est, un projet d’accord stratégique avec les États-Unis, fondé sur l’échange de ressources minières contre un appui sécuritaire, suscite une polémique nourrie, parfois dénuée de toute rigueur intellectuelle. Au cœur de cette agitation : une tribune signée par quatre proches de Moïse Katumbi, dont l’ancien député Claudel Lubaya, qui dénoncent un supposé bradage des ressources naturelles dans le cadre d’un « Deal Tshisekedi-Trump ». Une accusation grave, mais qui manque singulièrement de cohérence. Car enfin, que reprochent exactement ces signataires ? D’un côté, ils s’insurgent contre un partenariat encore en gestation, présenté comme une manœuvre patrimoniale du président Tshisekedi. De l’autre, ils demeurent curieusement silencieux sur le pillage massif et méthodique des ressources congolaises orchestré depuis des années par le Rwanda, avec la complicité de certains intérêts économiques et militaires, responsables d’un conflit qui a déjà englouti des millions de vies. Nulle indignation non plus au sujet de la guerre d’influence menée dans les coulisses de l’administration Trump par des lobbyistes proches de Katumbi, cherchant à torpiller ce projet dans sa phase embryonnaire. Faut-il leur rappeler l’accord sino-congolais signé sous l’ère Kabila, troc déséquilibré de minerais contre infrastructures, dont les termes iniques ont été renégociés à l’initiative du président Tshisekedi afin de mieux servir les intérêts nationaux ? Pourquoi ce qui était acceptable hier deviendrait-il scandaleux aujourd’hui, alors même que la nature du troc s’oriente désormais vers la sécurité et la souveraineté, conditions premières de tout développement ? Il est temps d’interroger les motivations réelles de ceux qui s’érigent en gardiens autoproclamés du patrimoine économique congolais. Est-ce l’accord qu’ils combattent, ou celui qui le porte ? Est-ce la défense des ressources du pays qui les anime, ou l’espoir de fragiliser une initiative qui pourrait redonner au Congo des leviers stratégiques face à l’agression étrangère ? L’histoire jugera. Mais d’ores et déjà, l’opinion est en droit de s’interroger : s’agit-il d’un oubli stratégique, d’une ignorance des dynamiques géopolitiques, ou pire, d’une complaisance envers ceux qui déstabilisent le pays sous couvert de bonne conscience politique ?

C’est un véritable pavé que le président Félix Tshisekedi a jeté dans la mare, alors que beaucoup pensaient que son régime était en sursis, après la fulgurante prise de la ville de Goma (fin janvier 2025), suivie, deux semaines plus tard, de celle de Bukavu par les RDF et leurs supplétifs de l’AFC-M23. Cap était désormais mis sur Kinshasa. Corneille Nangaa ne s’en était d’ailleurs pas caché, même si le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est empressé de le recadrer. Dans la foulée, l’ancien président Joseph Kabila, soupçonné d’être le mentor du chef de l’AFC, est sorti de l’ombre pour faire entendre sa voix et clamer haut et fort qu’il a encore un rôle à jouer en République démocratique du Congo.

Pour la première fois en trois décennies, en effet, la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité, a adopté la résolution 2773, condamnant explicitement l’agression de la République Démocratique du Congo par le Rwanda et exigeant, dans le même élan, le retrait immédiat de ses troupes du territoire congolais, ainsi que celui de ses supplétifs de l’AFC-M23 de toutes les zones occupées. Rejetant toute issue militaire au conflit qui ravage l’Est du pays, cette résolution trace par ailleurs la voie d’une sortie de crise à travers les processus de Luanda et de Nairobi, tout en intégrant les efforts sous-régionaux menés par la SADC et l’EAC.

Mais, certains observateurs s’interrogeaient encore sur l’élément déclencheur ayant conduit aux sanctions américaines ciblées contre un officier rwandais et un haut responsable du M23 — mesures qui ont déclenché une nouvelle dynamique, marquant la victoire diplomatique du Gouvernement congolais. Une victoire certes collective, mais renforcée par l’engagement et les performances remarquées de la ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner.

Point n’est besoin de rappeler que plusieurs autres sanctions contre le Rwanda et leurs pantins de AFC-M23 ont suivi, voire de la part de l’Union européenne qui traînait jusque-là les pas. Et cerise sur le gâteau, c’est la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la Belgique ; cette dernière étant considérée par Kigali comme étant à la manœuvre pour faire changer le paradigme au sein de l’Union européenne.

En filigrane, l’accord sur les minerais entre la RDC et les USA

L’accord en gestation entre Kinshasa et Washington, fondé sur un échange stratégique entre minéraux et sécurité, s’inscrit en filigrane du bouleversement des alliances géopolitiques actuelles. Il met en lumière un paradoxe saisissant : alors qu’un leader africain longtemps sous-estimé émerge sur la scène internationale, au point de briller sur l’une des plus grandes chaînes d’information américaines, Fox News, un autre, naguère encensé par l’Occident, voit son étoile pâlir jour après jour.

Craignant une remontée en puissance du président Félix Tshisekedi que certains milieux politiques – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays – avaient déjà commencé à conjuguer au passé, Moïse Katumbi, leader du parti Ensemble, allié de l’ancien président Joseph Kabila et favori de la CENCO, s’est activé à désillusionner la nouvelle administration américaine. Il l’a fait par le biais des lobbyistes grassement rémunérés, dans l’ombre des cabinets influents de Washington. Fort de ses données en tant qu’ancien gouverneur du Katanga, Katumbi a même affirmé qu’il ne restait plus de gisements véritablement prometteurs, avant de prévenir que rien ne pouvait être conclu sans l’aval du peuple congolais.

Dans son sillage, quatre de ses proches – Claudel Lubaya, qui a récemment rencontré l’ancien président Joseph Kabila à Addis-Abeba, Seth Kikuni Masudi, Jean-Jacques Lumumba et Bienvenu Matumo – ont signé la tribune, relayée avec empressement par Stanis Bujakera sur son compte X. Dans ce texte, ils appellent le peuple congolais à se dresser contre ce qu’ils qualifient de mise aux enchères de l’avenir national. À les en croire, le président Félix Tshisekedi, dans une tentative désespérée de préserver son pouvoir, serait prêt à tout, y compris à conclure des accords obscurs avec l’administration Trump, en troquant les ressources naturelles de la RDC contre la survie politique de son régime.

C’est dans cet objectif que des officiels congolais, mandatés par lui et avec le concours de lobbyistes payés à coup de millions de dollars, arpentent les allées de l’administration américaine, dans l’espoir d’être reçus par les plus proches collaborateurs de Trump. Et d’ajouter : « Il voudrait ainsi, à l’instar de Mobutu dans les années sombres de la guerre froide, devenir le nouvel agent américain, le nègre de maison, prêt à tout céder à Trump pour qu’il puisse l’aider à s’éterniser au pouvoir, fut-il en violation des lois de la République. Nous nous opposons à une telle démarche qui compromet l’avenir de plusieurs générations. »

Enfin, l’ancien député national Claudel Lubaya, exilé depuis un certain temps en Belgique, et consorts s’interrogent : sur quelle base le président congolais s’arroge-t-il le droit de prendre des décisions susceptibles de compromettre l’avenir du peuple, en contradiction avec l’article 214 de la Constitution ?

Silence persistant sur le pillage minier rwandais et les contrats chinois de l’ère Kabila !

Le droit d’opinion et la liberté de critiquer les actions du Gouvernement sont garantis par la Constitution congolaise. À ce titre, il est tout à fait normal que Claudel Lubaya — dont le passage à la tête de la province du Kasaï Occidental comme gouverneur, puis à l’Assemblée nationale comme député, n’a laissé aucune trace mémorable dans les annales — ainsi que ses amis, s’en prennent au président Félix Tshisekedi et à sa gouvernance. Cela relève du jeu démocratique.

Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, cette campagne d’hostilité ne semble pas être motivée par la préservation des ressources naturelles congolaises tant convoitées, mais plutôt par la volonté de saboter l’action d’un homme d’État afin de le priver des moyens d’appliquer sa politique. Elle traduit une haine profonde à l’égard d’un homme que l’on cherche coûte que coûte à vouer aux gémonies.

Si tel n’était pas le cas, pourquoi ses détracteurs ne dénoncent-ils pas avec la même vigueur le pillage systématique de nos ressources par le Rwanda ? Ce pillage, faut-il le rappeler, est à l’origine de la guerre que mène, sans relâche depuis trois décennies, le président Paul Kagame contre la République démocratique du Congo, guerre ayant provoqué plusieurs millions de morts et de déplacés dans une crise humanitaire indescriptible.

Faudrait-il alors que Kigali continue impunément à tirer profit des minerais qu’il ne possède pas, en se présentant comme producteur auprès des puissances telles que les États-Unis, la Chine, l’Union européenne ou encore la Russie, au lieu d’envisager un accord qui mettrait directement la RDC en relation avec ces consommateurs finaux ? Lorsque l’Union européenne a signé un accord sur les matières premières stratégiques avec le Rwanda, provoquant ainsi un tollé jusque dans ses propres rangs, ni Moïse Katumbi, ni ses proches ne s’en sont émus !

Par calcul politique, Claudel Lubaya et consorts passent également sous silence l’« accord du siècle » conclu sous Joseph Kabila entre la RDC et la Chine. Il s’agissait ni plus ni moins d’un troc déséquilibré : des minéraux contre des infrastructures qui, pour la plupart, ne sont jamais sorties de terre. Ce contrat Léonin, selon le rapport d’audit de l’Inspection Générale des Finances (IGF), avait placé le pays en position de perte totale. Il a fallu l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir pour qu’une renégociation s’opère, redonnant à la RDC une part plus équitable des bénéfices.

Quel accord Moïse Katumbi aurait-il proposé aux Américains, sinon celui portant sur les minerais, que le président Félix Tshisekedi a évoqué lors de son passage sur Fox News ? En quoi l’ancien gouverneur du Katanga peut-il être présenté comme un modèle de gouvernance ? Les infrastructures qui poussent aujourd’hui dans le Haut-Katanga et le Lualaba témoignent plutôt de son inclination à se servir plutôt qu’à servir.

Au cœur de leur rivalité passée, Joseph Kabila l’avait d’ailleurs qualifié de « Judas », insinuant qu’il pouvait désormais profiter de l’argent qu’il avait détourné. De quelle somme s’agissait-il, à l’issue de quelle transaction ? Le secret est resté scellé entre l’ancien gouverneur du Katanga et l’ancien président de la République, tous deux réconciliés par la médiation de l’Église catholique.

Par ailleurs, l’ancien président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, avait lui aussi dépeint Moïse Katumbi comme un prédateur sans égal. Il affirmait qu’il avait exploité en trois ans les réserves minières de la Gécamines prévues pour vingt ans.

Ignorance de la loi et cécité géopolitique

Tout comme Moïse Katumbi, Claudel Lubaya et ses amis ne reconnaissent pas au président Félix Tshisekedi le droit de prendre des décisions susceptibles de compromettre l’avenir du peuple. Ils lui opposent ainsi l’article 214 de la Constitution qui stipule que « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans l’accord du peuple congolais consulté par voie de référendum ». Mais, ils ont perdu de vue l’article 213 qui dispose que « Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux. Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à ratification après délibération en Conseil des ministres. Il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat ». Sur quelle base alors le président Joseph Kabila avait négocié en son temps l’accord avec les Chinois ?

Par ailleurs, les rédacteurs de la tribune font preuve de cécité géopolitique. Ils ne réalisent pas que le temps où Kagame utilisait le génocide de 1994 pour justifier des atrocités en RDC est révolu. Son récit de miracle rwandais et sa rhétorique contre le génocide des Tutsi lui ont valu une indulgence exceptionnelle, mais le temps change. Aujourd’hui, la Maison Blanche voit que l’homme fort de Kigali est devenu un acteur déstabilisateur dans la région.

Pourquoi ce revirement ? D’abord la pression des organisations des droits de l’homme, ensuite la réalité économique. La RDC, avec ses ressources immenses, est très importante pour être ignorée. Enfin, la stratégie globale des USA qui cherche à contrer l’influence chinoise en Afrique. Et les trois faits suivants montrent que Kagame est en difficulté : le récent rapport de l’ONU qui l’accuse de soutenir des rébellions en RDC, l’avalanche des sanctions américaines et européennes, la dégradation de son image dans les médias internationaux, de visionnaire il passe au prédateur.

En parallèle, le président Tshisekedi capitalise cette opportunité pour repositionner la RDC sur l’échiquier mondial. L’accord de Lobito, un jeu gagnant pour le Congo, a été un des moments clés de son interview accordée à Fox News. Ce projet vise à exporter les ressources minières de la RCD, via l’Angola, réduisant ainsi la dépendance envers les infrastructures rwandaises. N’est-ce pas que sur proposition de l’ancien président américain Biden, Kigali avait refusé d’y adhérer ? Et pourquoi ? En tout cas, Paul Kagame, autrefois l’enfant chéri de Washington et de Bruxelles, voit son influence s’effriter.

Quand l’amnésie historique s’invite au débat politique

À observer les prises de position de Claudel Lubaya et de ses compagnons de route, une évidence s’impose : ils semblent n’avoir tiré aucune leçon de l’histoire. Il est préoccupant, en effet, que certains responsables politiques usent d’amalgames pour juger le présent à l’aune de grilles de lecture obsolètes.

Non, feu le président Mobutu n’a pas été cet agent zélé des États-Unis bradant les ressources congolaises (zaïroises à l’époque) au nom d’une quelconque cupidité occidentale. Il fut d’abord un sous-traitant de la stratégie américaine en Afrique centrale et australe, un pion engagé sur l’échiquier de la guerre froide. Sa collaboration avec Washington s’inscrivait dans une logique purement idéologique : enrayer l’expansion du communisme dans la région. C’est dans ce contexte qu’il soutenait Jonas Savimbi, figure de proue de l’UNITA et proxy des Américains, contre le régime marxiste de Luanda, lui-même adossé à l’URSS et soutenu militairement par les troupes cubaines.

Comparer ce moment historique à la conjoncture actuelle relève d’un contresens majeur. Le président Félix Tshisekedi n’est pas engagé dans une guerre d’idéologies. Il ne se trouve pas dans un monde bipolaire où les choix se faisaient entre Washington et Moscou. Il gouverne à l’ère de la mondialisation, où les rapports de force se tissent désormais autour de l’économie, de la compétitivité et de l’accès aux ressources stratégiques.

La naïveté politique consiste à penser que l’on peut encore lire les relations internationales à travers les lunettes d’un monde disparu. Le réalisme impose une autre lecture : dans cette économie mondialisée, la RDC se doit de négocier au mieux ses intérêts, de tirer profit de ses ressources et d’ouvrir un dialogue direct avec les consommateurs finaux. Ce n’est ni un renoncement à la souveraineté, ni un acte de vassalisation. C’est une posture pragmatique, lucide, que les contempteurs d’aujourd’hui, englués dans une rhétorique d’un autre siècle, feignent de ne pas comprendre.

Moïse Musangana et Pitshou Mulumba 

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