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Kinshasa
20 mai, 2025 - 20:45:39
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Goma, Bukavu : la RDC documente un carnage organisé par le M23 et les RDF

En rendant public, par la voix de son ministre de la Communication et Médias Patrick Muyaya, un rapport accablant sur les crimes perpétrés par le M23 et les forces rwandaises (RDF) à Goma et Bukavu entre janvier et avril 2025, la République démocratique du Congo rompt avec une longue tradition de silence et d’impuissance. Présenté solennellement au Musée national de Kinshasa, ce document de plus de cent pages détaille les atrocités subies par les civils dans l’Est congolais : viols, exécutions, enrôlements forcés, destructions d’infrastructures. Au-delà de la dénonciation, Patrick Muyaya inscrit cette démarche dans une exigence de justice, nationale et internationale. Désormais, l’État congolais affirme vouloir faire du droit un levier contre l’impunité.

Par la voix de son ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya Katembwe, la République démocratique du Congo a officiellement rendu public un document d’analyse décrivant les crimes graves perpétrés lors de la prise puis l’occupation des villes de Goma et Bukavu par les rebelles du M23, appuyés par les forces rwandaises (RDF), entre janvier et avril 2025. Présentée au Musée national de Kinshasa, en présence de plusieurs membres du gouvernement et du coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba, cette initiative se veut un signal fort : le temps du silence doit céder à celui de la justice.

Une « gouvernance par le crime »

Le ministre Muyaya n’a pas mâché ses mots. Devant un parterre d’officiels, il a évoqué une « gouvernance par le crime » dans les zones occupées, soulignant l’ampleur des atrocités commises contre les civils. « Il ne se passe aucun jour sans qu’on ne recense des viols, des meurtres de femmes, d’enfants, ou de patients dans des hôpitaux », a-t-il affirmé, rappelant que ces actes sont documentés, jour après jour, par les autorités congolaises.

Selon lui, le rapport présenté constitue « un socle de redevabilité », une base pour de futures actions judiciaires tant nationales qu’internationales. « On parle beaucoup de paix, mais on ne parle pas toujours de justice », a martelé le porte-parole du gouvernement, appelant à ne plus sacrifier l’une à l’autre.

Un conflit ancien, des horreurs nouvelles

Le document de plus de cent pages, coordonné par le professeur Ntumba Luaba, passe au crible les violences commises depuis la seconde quinzaine de janvier, à l’heure où les rebelles du M23, soutenus par Kigali, prenaient le contrôle de plusieurs localités stratégiques du Nord et du Sud-Kivu. Campements de déplacés ciblés, écoles transformées en fosses communes, recrutements forcés d’enfants : les exactions sont nombreuses, systématiques, et relèvent, selon Kinshasa, d’une stratégie de terreur planifiée.

Lors d’un précédent briefing en mars, la ministre de l’Éducation nationale avait déjà alerté sur les conséquences humanitaires du conflit : 2 599 écoles touchées, plus d’un million d’enfants déscolarisés, des parents terrorisés à l’idée de voir leurs enfants enlevés. Un cycle d’horreur qui s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui, selon le gouvernement, et qui justifie l’établissement d’une documentation rigoureuse.

Le parc Virunga, théâtre silencieux des violences

Patrick Muyaya a également évoqué le sort du parc national des Virunga, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, et devenu selon lui un « épicentre de la violence ». Détournements de fonds, destruction d’infrastructures, assassinats ciblés : le site emblématique de la biodiversité congolaise a été, lui aussi, victime des pillages organisés. « Si l’on devait réévaluer aujourd’hui ce qui a été détruit, on parlerait en centaines de millions de dollars », a déploré le ministre.

L’exemple du parc illustre, selon lui, l’étendue d’un conflit où intérêts économiques, agenda politique régional et violences armées s’entremêlent, dans un silence international de plus en plus insoutenable.

Une démarche vers la justice internationale

La présentation de ce rapport ne s’inscrit pas seulement dans une logique de dénonciation. Elle vise aussi à soutenir les initiatives juridiques en cours. Une délégation du Conseil des droits de l’homme des Nations unies séjourne actuellement à Kinshasa pour une mission d’établissement des faits, première étape vers une possible commission d’enquête internationale attendue en septembre prochain.

Le gouvernement, qui espère des suites concrètes, mise sur la convergence des efforts : justice militaire nationale, Cour pénale internationale, tribunaux étrangers. Et ce, même si le Rwanda, acteur central du conflit, n’a pas ratifié le Statut de Rome. « Les plus malins s’en sont abstenus, mais leurs supplétifs répondront, tôt ou tard », a promis Patrick Muyaya.

« L’heure de la justice viendra »

Dans sa conclusion, le ministre a tenu à souligner que l’objectif n’est pas uniquement mémoriel, mais résolument politique : établir les faits, désigner les coupables, et éviter la répétition. « Il n’y aura pas de meilleure consolation pour les familles que de voir les bourreaux répondre devant la justice », a-t-il déclaré.

Le message est clair : l’État congolais, souvent critiqué pour son inertie ou sa complaisance, veut désormais reprendre la main sur le récit et sur le droit. Reste à transformer cette volonté affichée en poursuites effectives. Car si les mots ne manquent pas, la justice, elle, se fait encore attendre.

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