Dans un contexte économique marqué par les tensions budgétaires et les pressions sur les finances publiques, la décision du président Félix Tshisekedi de saluer publiquement les performances du ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, sonne comme une inflexion notable dans la culture de la reddition des comptes en République démocratique du Congo. En réduisant de près de 90 % le montant versé aux compagnies pétrolières au titre des pertes et manques à gagner entre 2023 et 2024, ce dernier incarne une volonté de rupture méthodologique avec les pratiques opaques du passé. Cette reconnaissance présidentielle, rare et hautement symbolique, met en lumière un enjeu stratégique : la stabilisation du secteur pétrolier, la maîtrise des subventions publiques, et, en toile de fond, la lutte contre la captation des ressources de l’État par des intérêts privés. Mais au-delà des chiffres, c’est un message politique que le chef de l’État adresse à ses administrés comme à ses partenaires : l’heure est à l’efficacité, à la rigueur, et à la protection du pouvoir d’achat.
C’est une rare marque d’approbation présidentielle dans un secteur souvent en proie aux soupçons d’opacité. Félix Tshisekedi a, selon des sources proches de la Présidence citées le lundi 20 mai, personnellement mandaté son directeur de cabinet, Antony Nkinzo, pour transmettre une lettre de félicitations au vice-Premier ministre en charge de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba. Motif : une baisse spectaculaire — de l’ordre de 89 % — de la facture réglée par l’État au titre des « pertes et manques à gagner » aux compagnies pétrolières opérant en République démocratique du Congo, entre 2023 et 2024.
Dans cette correspondance datée du 14 mai, le chef de l’État salue « la rigueur méthodologique » et « la transparence » qui ont présidé à cette opération de certification, désormais confiée à l’équipe de Mukoko Samba. Les chiffres sont éloquents : 31 millions de dollars ont été déboursés en 2024, contre 281 millions l’année précédente, soit une économie de 250 millions de dollars sur les finances publiques.
Une rupture méthodologique
Cette baisse est le fruit d’un changement de paradigme initié par le ministère de l’Économie, en lien avec les recommandations de la présidence et sous l’œil attentif de la Première ministre Judith Suminwa. Finies les évaluations opaques et les remboursements automatiques réclamés par les distributeurs pétroliers : chaque montant est désormais soumis à une certification stricte.
Le courrier présidentiel évoque également la volonté d’« aller plus loin », notamment en révisant progressivement le taux de charge structuré et en recouvrant les gains réalisés indûment par certaines compagnies. Selon une note interne du ministère de l’Économie, ces gains s’élèveraient à près de 39 millions de dollars, que l’État entend récupérer.
Des effets visibles à la pompe
L’action de Daniel Mukoko Samba ne s’arrête pas à la maîtrise budgétaire. Depuis son entrée au gouvernement, en octobre 2024, cet ancien universitaire, passé par l’équipe de campagne de Tshisekedi, s’est attaqué de front à la question des prix à la pompe. Résultat : une baisse de 13 % des prix du carburant dans la zone Ouest, notamment à Kinshasa, où le litre d’essence est passé de 3 340 à 2 990,49 francs congolais. Le gasoil suit une tendance similaire.
Conséquence directe : une hausse spectaculaire de la consommation. La société de distribution SEP a doublé ses livraisons quotidiennes dans la capitale, atteignant parfois 3 500 m³. « Les prophètes de malheur qui annonçaient le chaos logistique après la baisse des prix se sont trompés », commente un cadre du secteur. Les ruptures de stock redoutées ne se sont pas produites, et la stabilité du marché a été maintenue.
Un message politique fort
À travers cette reconnaissance publique, le président Tshisekedi envoie un signal : la lutte contre les dérives financières dans les secteurs stratégiques est désormais prioritaire. L’enjeu est aussi politique. La maîtrise des prix des produits pétroliers — éléments clés du panier du ménage congolais — est perçue comme un levier de protection du pouvoir d’achat.
En confiant cette mission à Mukoko Samba, le chef de l’État semble avoir trouvé un relais technique efficace pour traduire en actes les promesses de réforme. « Le magicien du secteur est bien en place », s’enthousiasme un observateur du dossier. Reste à voir si cette dynamique pourra s’inscrire dans la durée, dans un secteur historiquement sensible aux pressions des groupes d’intérêt.
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