Derrière le vernis d’un projet « d’alternance armée » piloté depuis Kigali, l’alliance entre Corneille Nangaa et les rebelles du M23 se révèle pour ce qu’elle est : une entreprise illégale de prédation territoriale, gangrenée par le chaos économique, les trafics et l’avidité de ses promoteurs. En tentant d’imprimer clandestinement des billets de Franc congolais pour masquer l’effondrement de sa trésorerie, l’ancien président de la CENI a franchi un seuil : celui d’un État-bidon, financé par la fraude, administré par la peur, et réduit à quémander l’ouverture des banques pour blanchir des fonds extorqués aux civils. De Goma à Bukavu, la population paie le prix d’une occupation cynique, où l’économie mafieuse a remplacé toute forme de projet politique. Le nom de Nangaa, naguère symbole de processus électoral, n’est plus que l’enseigne ruineuse d’une imposture aux relents de trahison nationale.
Depuis Goma et Bukavu, les signes de désillusion se multiplient autour du projet porté par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, et soutenu par le mouvement rebelle M23, lui-même appuyé par le Rwanda. Ce qui se voulait une alternative politico-militaire au pouvoir en place à Kinshasa vire au désastre économique.
Selon plusieurs sources concordantes, l’Alliance Fleuve Congo (AFC) aurait tenté, dans un contexte de crise de liquidité aiguë, d’imprimer clandestinement des billets de Franc congolais à l’aide d’un réseau libanais. L’objectif affiché : injecter des fonds pour simuler le fonctionnement d’un État parallèle dans les zones sous contrôle du M23. Mais l’opération a tourné court. Les billets, de piètre qualité, présentaient des défauts évidents : filigranes visibles à l’œil nu, papier non sécurisé, numérotation incohérente. Résultat : impossibles à écouler sur le marché local.
Une « banque centrale » fantôme
Dans ce dispositif, la caisse générale d’épargne du Congo (CADECO) à Goma était censée servir de relais bancaire. Mais celle-ci demeure largement fictive. Aucun service financier opérationnel n’a été observé sur le terrain. La tentative de donner corps à une économie séparatiste s’est heurtée aux réalités logistiques et à une défiance généralisée de la population.
L’impact est immédiat : au-delà de la fermeture des banques officielles dans les zones occupées – notamment à Goma – l’on observe la paralysie de la circulation monétaire. Les services internationaux de transfert d’argent comme Western Union et MoneyGram ont suspendu leurs activités. Certains habitants n’ont d’autre choix que de franchir la frontière rwandaise pour retirer des fonds. Les cambistes improvisent des taux de change à leur guise, en l’absence de toute régulation.
Une mobilisation populaire instrumentalisée ?
Face à cette impasse, les dirigeants de l’AFC appellent à la mobilisation populaire pour exiger la réouverture des banques et de l’aéroport de Goma. Une initiative relayée de manière étonnante par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), qui a exprimé son inquiétude sur les conséquences humanitaires de ces fermetures.
Mais pour de nombreux observateurs, cette posture masque un enjeu plus opaque : celui de relancer une économie souterraine gravement compromise. « Ce n’est pas la population qui demande l’ouverture des banques, ce sont les rebelles en mal de liquidités », affirme un analyste économique à Kinshasa. L’accusation de tentative de blanchiment d’argent à travers des circuits bancaires « normalisés » revient avec insistance dans les milieux sécuritaires congolais.
Une économie de prédation
Sur le terrain, les témoignages s’accumulent sur la mainmise du M23 sur les ressources locales. Dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi, les habitants doivent s’acquitter de taxes exorbitantes – jusqu’à 600 dollars pour pouvoir cultiver leur propre terre. Des maisons appartenant à des déplacés sont désormais occupées par des familles venues du Rwanda, selon plusieurs sources locales. Une situation qui alimente les tensions communautaires et jette le doute sur la véritable nature de l’occupation en cours.
Parallèlement, l’appareil militaire du M23 montre des signes d’essoufflement. Privés de salaires et de soutien logistique stable, plusieurs combattants sont accusés de rackets nocturnes, de cambriolages, et même d’agressions meurtrières dans les périphéries de Goma et Bukavu. Une économie de guerre devenue économie de survie.
Un exode silencieux des désillusionnés
Nombreux sont ceux, issus de la diaspora congolaise – notamment installés en Turquie ou en Belgique – qui avaient rejoint l’AFC dans l’espoir d’un retour triomphal. Ministères promis, postes de responsabilité évoqués… Autant d’illusions vite dissipées. Tous les leviers de pouvoir économique et politique sont aux mains de cadres rwandais. Plusieurs recrues ont discrètement quitté le pays, incapables de retourner dans leur région d’origine sans être exposées à des poursuites ou au rejet de leur communauté. « Même ceux qui rêvaient de devenir des notables se retrouvent piégés dans une enclave militaire où la loi du plus fort domine », glisse un habitant de Goma. Le projet de Nangaa, dont la façade constitutionnelle peinait déjà à convaincre, apparaît désormais comme une structure en pleine implosion.
Une mascarade en sursis
La tentative de créer un État parallèle en s’appuyant sur une économie imprimée en urgence, sur des taxes arbitraires et une militarisation sans contrôle, semble aujourd’hui atteinte de toutes parts. La population, lourdement éprouvée, ne se mobilise plus que par contrainte. Quant aux soutiens internationaux, ils observent avec distance un projet désormais miné par ses contradictions internes.
Dans l’Est du Congo, les rêves de conquête politique ont laissé place à un climat de suspicion, de peur et de faillite généralisée. Et le nom de Corneille Nangaa, jadis associé aux institutions de la République, résonne aujourd’hui dans une aventure dont l’issue semble de plus en plus incertaine.
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