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9 novembre, 2025 - 00:11:25
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À Londres, Julien Paluku plaide pour un engagement accru du Royaume-Uni face à l’agression rwandaise en RDC

« Ce n’est pas un conflit tribal. Ce n’est pas une insurrection. C’est une guerre d’agression menée par un État voisin. » Le ton de Julien Paluku, ministre congolais du Commerce extérieur, n’a laissé aucune place à l’ambiguïté devant les parlementaires britanniques, réunis le 9 juin à Westminster. Face à ce qu’il dénonce comme une déstabilisation orchestrée par Kigali, sous couvert du M23 et motivée par la convoitise des richesses de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), Kinshasa réclame désormais des actes. À Londres, Julien Paluku a appelé le Royaume-Uni à cesser de regarder ailleurs et à s’engager pleinement, sur le terrain diplomatique comme économique, pour mettre un terme à une spirale de violences qui menace l’avenir même de la région.

Habitué des joutes diplomatiques et fort d’une expérience acquise au fil de douze années à la tête de la province du Nord-Kivu, le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku, a su trouver ses marques lors d’une table ronde organisée le 9 juin par le Parlement britannique. La rencontre, tenue sous la houlette de Sir Gavin Williamson, président du groupe parlementaire multipartite sur la République démocratique du Congo (RDC), réunissait des membres de la Chambre des lords, des diplomates, ainsi que Tiffany Sadler, envoyée spéciale du Royaume-Uni pour la région des Grands Lacs.

Dans ce cénacle attentif, Julien Paluku a défendu une analyse structurée de la crise qui déchire l’Est de son pays. Le thème général posé par les organisateurs — Conflit, paix et sécurité : le rôle du Royaume-Uni dans la résolution de la crise en RDC et le soutien à son développement économique futur — offrait au ministre congolais une tribune idéale pour un plaidoyer appuyé.

Des racines profondes

Face à ses interlocuteurs britanniques, Julien Paluku a déroulé ce qu’il a qualifié d’approche généalogique du conflit congolais. Selon lui, les violences qui ensanglantent l’Est du pays procèdent d’un enchevêtrement de facteurs historiques, politiques, économiques, sociaux et régionaux. « Il n’existe pas de cause unique, mais une dynamique complexe et ancienne qui alimente ces violences », a-t-il insisté.

Parmi les éléments déclencheurs, il a cité l’héritage du génocide rwandais de 1994 et des guerres régionales des années 1990-2000, la convoitise exercée sur les ressources naturelles du pays, les rivalités ethniques exacerbées, les faiblesses persistantes de l’État congolais, ainsi que les ingérences étrangères motivées par des intérêts géopolitiques.

Kigali pointé du doigt

Sans détour, le ministre a désigné le Rwanda comme l’acteur clé de la déstabilisation actuelle. « La situation sécuritaire dans l’Est de la RDC ne relève ni d’un conflit tribal, ni d’une insurrection interne. Il s’agit d’une guerre d’agression menée par un État voisin : la République du Rwanda », a-t-il déclaré.

Selon lui, le déploiement de l’armée rwandaise — les Forces de défense du Rwanda (RDF) — au soutien du mouvement rebelle M23 constitue une violation flagrante de la souveraineté congolaise. Les RDF fourniraient au M23 un appui matériel, logistique et stratégique. Ce groupe armé contrôle aujourd’hui plusieurs localités clefs du Nord et du Sud-Kivu.

Au cœur de cette confrontation : les vastes ressources naturelles de la région. Coltan, or, diamants, cobalt — autant de minerais que le gouvernement congolais accuse Kigali de convoiter à travers cette guerre indirecte. « Le contrôle des minerais constitue un moteur majeur des conflits prolongés. Le Rwanda sert de plateforme d’exportation illégale pour ces ressources », a déploré Julien Paluku.

Une résolution restée lettre morte

Le ministre a par ailleurs dénoncé le non-respect persistant par le Rwanda de la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies. Adoptée à l’unanimité le 21 février 2025, cette résolution, fondée sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies, impose un cadre juridiquement contraignant visant à enrayer les violences dans l’Est de la RDC.

« Pourtant, malgré cet engagement international, les forces du M23, appuyées par les RDF, continuent de contrôler des villes stratégiques comme Goma, Bukavu, Rutshuru, Kitshanga, Rubaya, et plusieurs axes économiques essentiels », a rappelé le ministre.

Par ailleurs, Julien Paluku a souligné les conclusions accablantes de la mission internationale indépendante, créée par le Conseil des droits de l’homme en février 2025, pour enquêter sur les violations des droits humains dans la région. Il a exhorté le Royaume-Uni à soutenir sans réserve cette mission, tant sur le plan politique que financier et diplomatique.

Une demande d’action claire

Fort de ce constat, le gouvernement congolais attend aujourd’hui un engagement concret de Londres. Depuis son élection récente en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, Kinshasa cherche à renforcer sa coopération bilatérale avec le Royaume-Uni.

« Le Congo-Kinshasa espère des actions claires et courageuses du Royaume-Uni contre l’agression dont nous sommes victimes », a plaidé Julien Paluku. Ces attentes se déclinent en deux volets.

Sur la scène multilatérale, au sein du Conseil de sécurité, Kinshasa souhaite que Londres : acte formellement le non-respect de la résolution 2773 par le Rwanda ; soutienne la création d’un mécanisme de suivi mensuel doté d’un mandat robuste ; impose des sanctions ciblées contre les responsables militaires des RDF, les commanditaires du M23 et les réseaux impliqués dans l’exploitation minière illégale ; suspende la participation du Rwanda aux opérations de maintien de la paix des Nations unies ; décrète un embargo sur les minerais exportés par le Rwanda sans traçabilité certifiée ; impose une obligation de notification pour tout transfert d’armes à destination du Rwanda.

Sur le plan bilatéral, la RDC appelle le Parlement britannique à : lancer une enquête sur les chaînes d’approvisionnement utilisant des minerais issus des zones de conflit ; adopter une législation imposant une diligence renforcée sur les importations de minerais dits « 3TG » (étain, tantale, tungstène, or) ; mobiliser les mécanismes bilatéraux et multilatéraux — notamment dans le cadre du Commonwealth — pour soulever la question du pillage des ressources congolaises ; appuyer les mécanismes de justice transitionnelle, y compris le soutien aux victimes et la documentation des crimes.

« Le Royaume-Uni a les moyens d’agir. Ne pas le faire reviendrait à tolérer l’impunité », a conclu Julien Paluku devant ses interlocuteurs britanniques.

Le message est clair : au-delà du conflit armé, c’est aussi de l’avenir économique de la région qu’il est question. Pour Julien Paluku, la RDC, riche en ressources et en potentiel humain, pourrait devenir un pilier majeur du développement en Afrique centrale. Mais pour cela, il lui faut d’abord obtenir la paix.

PM/Bravo Zulu

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