Dans un entretien accordé mardi au média Ouragan, le porte-parole du gouvernement congolais a fermement rejeté les accusations de bradage des minerais formulées après la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington. À ceux qui crient à la capitulation, il oppose une lecture rigoureuse du texte et assure que Kinshasa n’a rien lâché, ni sur l’intégrité du territoire, ni sur ses ressources stratégiques. Pour Muyaya, l’accord ouvre la voie à une désescalade durable, en tenant compte des causes profondes du conflit dans l’Est, sans rien sacrifier de la souveraineté congolaise.
Interview
Monsieur Patrick Muyaya, vous êtes le ministre congolais de la Communication et médias. Le 27 juin à Washington, la RDC et le Rwanda ont signé un accord de paix mais cependant de nombreux Congolais crient au bradage de nos minerais par le gouvernement de Kinshasa. Y-a-t-il une clause dans ce texte qui permet au Rwanda de raffiner les matières premières congolaises et de les exporter ?
Dans l’accord qui a été signé que je recommande vivement aux Congolais de lire et relire, il n’y a aucune clause qui mentionne cela. L’esprit qui a guidé ce travail de la première à la dernière phrase, c’est la préservation de nos intérêts. Aucun centimètre cédé, aucune ressource concédée. Ce qui est prévu par contre, c’est la création d’un cadre d’intégration économique régionale dans les trois mois qui suivent la signature de l’accord en plusieurs étapes et qui sera défini dans un accord distinct. Ce cadre va, d’ailleurs, s’appuyer sur les efforts existants, tels que la ZLECAF, la CIRGL ou l’EAC.
Que prévoit l’accord en termes de coopération minière entre la RDC et le Rwanda ?
Je vous rappelle que c’est dans ce cadre précité que sera développé le commerce extérieur et les investissements provenant des chaînes d’approvisionnement de la région en minerais critiques et introduire une plus grande transparence.
Est-ce vrai que la délégation congolaise a abandonné son principal préalable, à savoir le retrait immédiat des troupes rwandaises avant la signature de cet accord ?
Totalement faux ! Et il faut lire l’accord dans son ensemble en commençant par le préambule jusqu’aux annexes. Ainsi, vous vous rendrez compte que l’accord fait notamment référence à la résolution 2773 qui mentionne clairement le retrait des troupes et dans les différents points, il y en a un qui parle de désengagement et qui renvoie au Conops adopté le 31 octobre 2024 à Luanda qui détaille comment ce désengagement doit se faire.
Quelle est l’échéance fixée pour le retrait effectif des troupes rwandaises ?
Je pense qu’il y a une période de 90 jours prévus et bien au-delà. L’accord prévoit la création d’un comité mixte qui aura pour mission de s’assurer de la mise en œuvre et du suivi de ce qui a été prévu dans ce sens.
Comment le gouvernement pouvait-il prendre l’engagement de neutraliser les FDLR alors que cette partie est contrôlée par le M23 ?
Parce qu’il est de notre devoir de taire toute forme de menace contre nos populations et de tenir compte des préoccupations sécuritaires du Rwanda. Il y a un travail au niveau de l’état-major qui se fera bien à propos.
Entre-temps, le M23 se dit déjà non concerné par cet accord ?
L’accord fait mention à d’autres processus notamment celui de Doha dans lequel la question du M23 est traitée. C’est un mouvement qui tire sa substance essentiellement du soutien du Rwanda. Et le Rwanda s’est engagé non seulement à ne plus le soutenir mais aussi à contribuer pour l’aboutissement des discussions en cours. Et donc la question sera réglée !
Après Washington, les négociations de Doha vont-elles reprendre et pour quelle finalité ? Et le sort des autres groupes armés congolais qui avaient adhéré au processus de Nairobi ?
Les négociations vont être conclues conformément aux communiqués du 18 mars entre les présidents Tshisekedi et Kagame avec l’émir du Qatar et du 25 avril entre les experts du gouvernement et le M23. La question des autres groupes armés se traitera dans le cadre du processus PDDRCS.
Les Wazalendo sont-ils considérés comme un groupe négatif à éradiquer comme prétend le Rwanda ?
D’abord, il faut rendre hommage à ces compatriotes qui se sont mobilisés pour la défense de la patrie. Il ne sera jamais question de les éradiquer mais de traiter la question suivant les résultats récoltés dans le cadre du processus de Nairobi, le PDDRCS et la Rad.
Il y a une recommandation de l’Assemblée nationale qui interdit le brassage et le mixage au sein de l’armée congolaise. Que deviendront alors les forces du M23 ? Et puis vous avez parlé du cas par cas, cela ne risque-t-il pas d’attiser les tensions ou être jugé de discriminatoire par les exclus ?
Nous tenons effectivement compte de la recommandation et l’accord parle de l’intégration conditionnelle suivant un critérium précis. Les forces vont rejoindre le processus de PDDRCS et les cas individuels feront l’objet du vetting avant d’intégrer l’armée.
Que dites-vous aux gens qui considèrent que la RDC a tout perdu et que le Rwanda a tout gagné dans cet accord ?
Je leur demanderai juste de lire et relire l’accord. Ici nous voulons mettre fin à plus de 30 ans de conflit. Et nous avons tenu compte dans cet accord des causes profondes de la crise notamment la convoitise et le pillage systématique de nos ressources par le Rwanda en proposant des solutions économiques qui vont d’abord profiter aux Congolais puis à toutes les sous-régions autour.
Le dialogue que souhaitent organiser les évêques catholiques et les pasteurs de l’ECC sera-t-il mis en veilleuse ou c’est une opportunité qui va définitivement sceller la paix entre Congolais ?
Sur cette question, il y a un travail en cours entre les évêques et une équipe du président à la suite de leur réunion. Le premier acteur qui travaille pour le retour de la paix, c’est le président Félix Tshisekedi et c’est dans cet ordre qu’il avait depuis le 22 février 2025 tendu la main à tous les compatriotes désireux comme lui de travailler pour le retour effectif de la paix.
Avec Ouragan