Il faut parfois du courage pour affirmer ce qui devrait relever de l’évidence. En décidant de permettre aux filles enceintes de poursuivre leur scolarité, le gouvernement congolais ne transgresse aucune morale : il rappelle simplement que l’école est un droit, non un privilège. Cette mesure, qui s’appuie sur des principes d’équité et de cohérence juridique, rompt avec une tradition d’exclusion aux relents punitifs. En RDC, une grossesse adolescente a longtemps signé la fin d’un parcours scolaire. Il était temps d’en finir avec cette condamnation silencieuse.
C’est cette ligne de fracture que Patrick Muyaya a exposée avec fermeté, jeudi 17 juillet, au cours d’un Briefing. En réponse à ceux qui accusent l’État de complaisance, le ministre a rétabli la vérité : une adolescente enceinte n’est pas nécessairement coupable ; elle est parfois victime d’abus, de violence, ou d’un système qui la rend vulnérable. Lui refuser l’instruction, c’est ajouter l’exclusion à la souffrance. C’est tourner le dos à l’humanité.
Ceux qui s’érigent contre cette réforme brandissent des arguments moralisateurs qui tiennent davantage de la dissuasion que de la compassion. L’Église catholique, notamment, par la voix de sa coordination scolaire, a fait savoir qu’elle n’appliquerait pas cette directive, au nom d’un cadre éthique interne. On peut comprendre qu’une institution religieuse ait ses exigences ; mais on s’étonne qu’elle place la réputation au-dessus du salut d’une enfant. L’État, lui, n’a pas à juger. Il a à réparer, à protéger, à élever.
Il ne s’agit pas de banaliser les grossesses précoces, mais de garantir que la sanction ne frappe pas plus durement les jeunes filles que leurs agresseurs. Là où certains voient un laisser-faire, le gouvernement revendique une politique cohérente avec ses engagements internationaux sur les droits de l’enfant. Il ne s’agit pas de détourner le regard, mais d’ouvrir les portes d’un avenir encore possible.
Le débat révèle au fond une tension ancienne entre le progrès social et les conservatismes. Une société qui exclut ses filles au nom d’une prétendue morale se prive de la moitié de son avenir. Une République qui les soutient malgré la tempête leur offre une chance de reconstruire, de se relever, d’apprendre. À l’heure où le continent réaffirme l’éducation des filles comme condition du développement, la RDC donne un signal fort. Une société digne ne juge pas la détresse, elle y répond. Et cette fois, l’État a choisi la réponse.
Pitshou Mulumba