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Kinshasa
24 septembre, 2025 - 22:37:50
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Olivier Kasanda Katuala : « La jeunesse ne mérite pas des ministres cosmétiques, mais des stratèges capables d’agir »

Interview exclusive – Olivier Kasanda Katuala, député national de Lukunga (Kinshasa), membre de la majorité et du Réseau des Jeunes Parlementaires, porte la voix d’une génération qui représente près de 70 % de la population active en RDC. Figure montante de l’Assemblée nationale, il revient pour nous sur les défis majeurs qui pèsent sur le ministère de la Jeunesse et les perspectives d’un avenir meilleur pour les jeunes Congolais.

Infos27 (I27) : Honorable Olivier Kasanda, en tant qu’élu de Lukunga, membre de la majorité et du Réseau des Jeunes Parlementaires, vous incarnez une voix attendue sur les enjeux de la jeunesse qui constitue près de 70 % de la population active en RDC. Or, les nominations au ministère de la Jeunesse suscitent régulièrement des critiques : on reproche au pouvoir de placer des jeunes pour occuper la vitrine, sans toujours tenir compte de leur compétence, de leur expertise ou de leur expérience. Partagez-vous ce constat ? Pensez-vous que ces nominations, souvent perçues comme politiques plus que méritocratiques, fragilisent l’efficacité de ce ministère censé porter l’avenir de toute une génération ?

Honorable Olivier Kasanda Katuala (OKK) : Merci pour cette opportunité de m’exprimer. Effectivement, en RDC, la jeunesse est le pilier de notre nation, avec ses aspirations à l’emploi, à l’éducation de qualité et à une insertion professionnelle durable. Pourtant, le Ministère de la Jeunesse, qui devrait être un bastion d’innovation et de stratégie pour ces 70% de la population, souffre souvent d’une approche qui privilégie l’âge au détriment de la compétence. Ces nominations, bien que motivées par un désir louable de rajeunissement, finissent par être cosmétiques, laissant des ministres inexpérimentés face à des défis colossaux. Imaginez : un secteur confronté au chômage massif des jeunes (plus de 60% selon les rapports de la Banque Mondiale), à l’instabilité dans l’Est du pays qui pousse des milliers de jeunes dans les groupes armés ou à l’exode rural, ou encore aux objectifs mondiaux comme les ODD des Nations Unies pour l’autonomisation des jeunes. Sans un background solide en politique publique, en gestion de projets ou en plaidoyer international, ces ministres peinent à transformer ces enjeux en actions concrètes. C’est une perte pour la nation, car au lieu de programmes robustes comme des fonds d’entrepreneuriat adaptés aux réalités locales ou des partenariats avec l’Union Africaine pour l’emploi des jeunes, on se retrouve avec des initiatives superficielles, telles que les fameuses « consultations nationales de la jeunesse », qui gaspillent des ressources publiques.

I27 : Vous évoquez les nominations récentes. Concrètement, pouvez-vous citer des cas précis qui traduisent ces dysfonctionnements ? Quels sont, selon vous, les principaux griefs adressés à ces jeunes ministres ?

OKK : Absolument, et je le dis avec fermeté mais sans animosité personnelle. Prenons le cas de la nomination de Mme Grâce Emie Kutino en août 2025 au gouvernement Suminwa II, comme Ministre de la Jeunesse et de l’Éveil Patriotique. À seulement 25 ans, pasteure et leader spirituel, sa nomination a suscité un mélange d’espoir et de controverses immédiates. Par exemple, des questions ont surgi sur son parcours académique et son ancrage national, avec des critiques pointant un manque d’expérience en gestion publique ou en politiques sur la Jeunesse. Rapidement, des polémiques ont émergé : l’invitation de choristes pour des chants jugés inappropriés lors d’événements officiels, ou encore des allégations de nominations familiales à des postes clés, ce qui soulève des doutes sur la neutralité et l’efficacité. Plus récemment, lors du lancement des Consultations Nationales de la Jeunesse en septembre 2025, soutenues par l’UNICEF et l’UNFPA, on a vu une initiative louable pour écouter les jeunes, y compris la diaspora, via des formulaires en ligne et des tournées. Mais des voix critiques, comme celles d’étudiants, de journalistes et d’activistes, se demandent pourquoi réitérer des consultations alors que les problèmes (ex. chômage endémique, éducation défaillante, précarité rurale) sont déjà bien connus. Cela donne l’impression d’une action « symbolique » plutôt que d’un plan stratégique aligné sur les besoins réels, comme l’intégration des jeunes dans l’agriculture durable ou la lutte contre le changement climatique affectant les communautés jeunes dans le Bassin du Congo.

Sa prédécesseure, Noëlla Ayeganagato, a elle aussi fait face à des bilans mitigés. Nommée jeune, elle a laissé un héritage critiqué pour son manque d’impact tangible, avec une remise et reprise à huis clos qui n’a pas apaisé les doutes sur les avancées réelles. Par exemple, sous son mandat, des programmes d’éveil patriotique ont été lancés, mais sans suivi mesurable sur l’insertion professionnelle des jeunes, laissant des millions dans la frustration. Ces cas illustrent comment des ministres, malgré leur dynamisme, paraissent dépassés par la tâche : interventions publiques parfois hésitantes, manque de maîtrise des dossiers internationaux comme les agendas de l’Union Africaine pour la jeunesse, ou encore une difficulté à mobiliser des budgets pour des initiatives concrètes contre l’exode des jeunes vers Kinshasa ou le Haut-Katanga, où le chômage urbain et l’insécurité explosent. C’est cinglant, car cela renforce le sentiment chez les jeunes d’être sacrifiés à des nominations opportunistes, plutôt que représentés par des experts capables de négocier avec des partenaires comme le PNUD ou la Banque Africaine de Développement pour des fonds ciblés.

I27 : Vous parlez d’un profond sentiment d’abandon ressenti par la jeunesse congolaise. Comment ce malaise se traduit-il concrètement dans l’opinion publique ? Quelles en sont, selon vous, les conséquences les plus préoccupantes, aussi bien pour la stabilité sociale que pour l’avenir du pays ?

OKK : L’opinion publique jeune bouillonne de frustration, et je le vois quotidiennement en tant qu’élu de Lukunga/Kinshasa, où des milliers de jeunes luttent pour survivre. Sur les réseaux sociaux et dans les débats, on entend des cris comme : « Pourquoi des ministres sans expertise alors que nous avons des défis globaux comme l’ODD 8 pour l’emploi décent ? » Ou encore, des critiques sur le gaspillage : des budgets alloués à la jeunesse s’évaporent en événements symboliques, comme ces « consultations »redondantes, au lieu de formations massives en entrepreneuriat ou de partenariats pour l’emploi vert dans les provinces minières. Les jeunes se sentent comme des otages de ces choix « symboliques », où l’âge sert de façade pour masquer un manque de vision. Les conséquences ? Une désaffection croissante envers les institutions, avec un risque de radicalisation ou d’abstention électorale. Par exemple, dans l’Est, où les jeunes sont exposés à l’insécurité, l’absence de politiques adaptées pousse certains vers des groupes armés, et cela aggrave le cycle de violence. À Kinshasa et dans le Haut-Katanga, l’exode rural crée des bidonvilles surpeuplés, où le manque d’opportunités alimente la délinquance juvénile. Cela se ressent comme une trahison subtile, car au lieu d’autonomiser cette génération, on la confine à des rôles symboliques, ignorant les objectifs locaux comme la Politique Nationale de la Jeunesse qui appelle à une expertise pour son implémentation.

I27 : Face à ces défis, vous avez initié une proposition de loi. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste ce texte, quelles réformes concrètes il propose, et surtout comment il pourrait transformer la gouvernance en RDC ? En quoi cette initiative législative peut-elle marquer une rupture avec les approches traditionnelles souvent critiquées comme inefficaces ou purement symboliques ?

OKK : Oui, et je suis fier de cette proposition de loi, qui vise à fixer des critères minima pour l’accès aux postes publics, en particulier au gouvernement. Inspirée par ces dysfonctionnements, elle imposerait des exigences claires : un minimum d’années d’expérience en secteur pertinent, une formation académique vérifiée, et des compétences démontrées en gestion publique ou en plaidoyer. Par exemple, pour le Ministère de la Jeunesse, cela pourrait inclure une expertise en développement durable ou en inclusion sociale, afin d’éviter l’impréparation qui mène au gaspillage : pensez aux millions dépensés en initiatives sans impact mesurable. En adoptant cela, nous optimiserions les ressources, par l’alignement des nominations sur les besoins réels de la jeunesse, comme des programmes d’insertion professionnelle inspirés des succès régionaux en Afrique de l’Ouest. Au sein de la majorité, nous pouvons transformer ces critiques en réformes, pour une gouvernance où la compétence prime, et où la jeunesse devient véritablement le moteur du développement de la RDC.

I27 : Merci, Honorable, pour cet échange enrichissant et votre disponibilité. Vos éclairages apportent une contribution précieuse au débat public sur l’avenir de la jeunesse congolaise.

OKK : Merci à vous. Il est temps d’agir pour que notre jeunesse ne soit plus un slogan, mais une force vive.

Propos recueillis par Pitshou Mulumba

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