Les minerais de conflit passent par le Rwanda. En réexportant des minerais provenant de l’Est de la République démocratique du Congo, Kigali alimente la poursuite des conflits armés dans la région des Grands Lacs pour bâtir son économie au prix du sang des Congolais. Face à cette réalité, le chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, a engagé son pays sur tous les fronts possibles comme jamais auparavant : militaire, diplomatique, médiatique, économique et judiciaire. Sur ce dernier front, Kinshasa a recruté des avocats pour clarifier, avec des multinationales, l’origine des ressources utilisées dans la fabrication de leurs produits. Il est évident que cette démarche congolaise vise à couper l’herbe sous le pied du Rwanda. Ainsi, lors de leur passage à Kinshasa, où ils ont été reçus par le chef de l’État, le collectif d’avocats représentant la RDC, dirigé par les cabinets Robert Amsterdam aux États-Unis et Bourdon & Associés en France, a recueilli via les acteurs des médias de la RDC les réactions de la population congolaise concernant les premières actions engagées, notamment contre Apple Inc. Au cours d’un échange avec la presse, jeudi 13 juin à Kinshasa, en compagnie du ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, et du professeur Ivon Mingashang, coordonnateur de la Task-Force Justice Internationale, mise en place pour accompagner le gouvernement congolais sur les actions et initiatives judiciaires à mener sur le plan international, Me William Bourdon et Me Peter Salas ont évoqué la mise en demeure contre Apple simultanément en France et aux États-Unis, et la réponse laconique de cette firme, qui s’apparente à un déni des risques pesant sur elle. Les avocats de la RDC ont promis d’agir avec détermination pour déstabiliser cette chaîne d’exploitation incluant le Rwanda. « Il y aura forcément un travail d’éthique et de responsabilité. Et toutes les pistes sont engagées », a déclaré Me William Bourdon. S’abstenant de détailler leur feuille de route, les avocats de la RDC promettent de nouvelles initiatives. Déjà, les deux cabinets avaient produit un rapport intitulé « Les minerais du sang ». Le retentissement de ce document a créé un électrochoc dans la prise de conscience.
William Bourdon du cabinet Bourdon & Associés et avocat au barreau de Paris, Peter Salas du cabinet Robert Amsterdam basé à Londres et à Washington, tous deux membres du collectif des avocats de la RDC, ainsi que le professeur Ivon Mingashang, coordonnateur de la Task-Force Justice Internationale, mise en place par le chef de l’État pour accompagner le gouvernement sur les actions et initiatives judiciaires à mener sur le plan international, ont tenu une conférence de presse, jeudi 13 juin 2024, à Kinshasa en compagnie du ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya. Ils ont souligné la détermination de la RDC à traduire en actes judiciaires ses efforts pour mettre fin à la contrebande de minerais, notamment vers le Rwanda, qui soutient les terroristes du M23 pour piller systématiquement les ressources naturelles dans l’Est de pays de Lumumba.
Du lithium, des terres rares, du tungstène, de l’or, de l’étain et du tantale : autant de minerais que l’on retrouve dans les batteries des téléphones portables ou des voitures électriques, et qui vont devenir de plus en plus demandés avec le développement des véhicules électriques. Ces minerais sont abondants dans l’Est de la République démocratique du Congo. Cependant, la guerre depuis près de trente ans dans cette région favorise le pillage de ces ressources naturelles, exportées frauduleusement vers les pays voisins, particulièrement le Rwanda, qui les réexporte comme des minerais rwandais.
Plainte devant la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples
L’échange entre les avocats de la RDC a, notamment permis de recueillir les réactions de la population congolaise via les acteurs des médias concernant les premières actions menées. Le professeur Ivon Mingashang, coordonnateur de la Task-Force Justice Internationale, a présenté plusieurs initiatives prises par la RDC, dont des actions judiciaires devant les juridictions internationales. Parmi celles-ci, on note une plainte devant la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples pour condamner le Rwanda pour violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire dans l’Est de la RDC, et une autre devant la Cour de justice des États de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) pour violation du traité instituant cette communauté, notamment par la présence militaire rwandaise sur le territoire congolais. Il a également évoqué plusieurs dossiers soumis à la Cour pénale internationale (CPI), impliquant des individus ou des entités responsables de crimes graves et internationaux commis dans le cadre de la campagne militaire menée par le Rwanda sous couvert du M23 en RDC, avec des noms cités, notamment le président Paul Kagame.
Parallèlement à cela, il est avéré que le pillage des ressources, leur exploitation et le commerce illicite des ressources naturelles de la RDC, en particulier des minerais stratégiques, constituent une des causes fondamentales des cycles de violence dans l’Est de la RDC. C’est ainsi que le chef de l’État congolais a mandaté les cabinets d’avocats Bourdon & Associés et Robert Amsterdam pour explorer la piste économique. Ces deux cabinets ont été chargés de mener des actions contre les firmes internationales qui exploitent illicitement ces minerais. En avril, ils ont publié un rapport intitulé « Les minerais du sang », qui a eu un retentissement international et suscité une prise de conscience. Ce rapport a débouché sur des initiatives concrètes, dont la mise en demeure de la multinationale Apple.
Apple secouée, Rwanda receleur
Au niveau de l’opinion nationale, les médias rapportent de grandes attentes, car le monde entier doit savoir ce qui se passe dans la chaîne d’approvisionnement des téléphones portables. Apple est véritablement secouée par ces actions, tout comme le Rwanda en tant que receleur.
« Bien qu’Apple ait affirmé vérifier l’origine des minéraux qu’elle utilise pour fabriquer ses produits, ces affirmations ne semblent pas être fondées sur des preuves concrètes et vérifiables », a déclaré Amsterdam.
« Les yeux du monde sont grands fermés : la production rwandaise de minéraux clés 3T est proche de zéro, et pourtant les grandes entreprises technologiques affirment que leurs minerais proviennent du Rwanda. »
Les avocats de la RDC s’engagent à maximiser les chances de succès, à la hauteur des attentes. Le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, a souligné que cette action sera probablement longue, car il ne s’agit pas seulement de se concentrer sur Apple. De nombreuses autres entreprises bénéficient des minerais produits illicitement et au prix du sang dans l’Est de la RDC.
Pour rappel, Apple, connue pour contrôler rigoureusement sa chaîne d’approvisionnement tentaculaire, répond depuis des années aux accusations concernant les minerais de conflit.
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