Dans un plaidoyer adressé au ministre d’État qatari Mohammed Al-Khulaifi, les organisations de la société civile du Sud-Kivu prennent la plume pour mettre en garde contre certaines clauses jugées « léonines » du projet d’accord de paix global en négociation à Doha. Elles dénoncent une remise en cause de la souveraineté congolaise et alertent sur le risque de balkanisation de l’Est du pays. Cette initiative, largement diffusée auprès de chefs d’État africains, européens et américains, ainsi que des instances onusiennes et régionales, témoigne d’une volonté de replacer les populations civiles au cœur du processus. Les signataires appellent à intégrer la société civile aux pourparlers et à privilégier une paix qui ne se fasse ni au détriment de l’unité nationale, ni au prix de concessions jugées contraires au droit international. Un message d’alerte qui vise autant Kinshasa que Kigali et les chancelleries engagées dans la médiation.
La société civile du Sud-Kivu a choisi d’élever la voix. Dans une note de plaidoyer datée du 29 septembre 2025 et adressée au ministre d’État qatari Mohammed Abdulaziz Saleh Al-Khulaifi, médiateur des négociations de Doha entre le gouvernement congolais et la rébellion de l’AFC/M23, elle exprime de vives inquiétudes quant au contenu du projet zéro de l’accord de paix global actuellement en discussion.
Le document, transmis en copie à une large constellation d’acteurs internationaux – des présidents Donald Trump, Félix Tshisekedi et Paul Kagame jusqu’au secrétaire général de l’ONU António Guterres en passant par l’Union européenne, la SADC et la CENCO – vise à rappeler « la permanence géopolitique de l’unité congolaise » et à dénoncer certaines dispositions qui, selon ses auteurs, menaceraient directement la souveraineté nationale.
Parmi les points les plus sensibles figure l’article 8 du projet, qui prévoit la création d’une « force spéciale intérimaire » chargée de sécuriser la région des Kivu pour une durée de cinq ans renouvelables. Pour la société civile, une telle disposition entre en contradiction avec la Déclaration de principe signée le 19 juillet à Doha, qui réaffirmait le rétablissement intégral de l’autorité de l’État congolais comme « pilier fondamental » de la paix. « Confier la protection du territoire à une autre structure que les FARDC reviendrait à consacrer la balkanisation du pays », prévient le plaidoyer.
Autre sujet de discorde : la délivrance de documents d’identité spécifiques aux « communautés vulnérables » de l’Est, perçue comme une mesure discriminatoire et porteuse de tensions. Les auteurs plaident à l’inverse pour un recensement national et l’octroi de cartes d’identité uniformes, afin de garantir l’égalité entre citoyens.
Tout en saluant les efforts diplomatiques du Qatar et la signature d’étapes clés – résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, accord de Washington du 27 juin 2025, déclaration de Doha du 19 juillet –, la société civile insiste : « le Sud-Kivu n’est pas une terra nullius », rappellent les signataires, invoquant la mémoire des massacres documentés par le rapport Mapping de l’ONU et des figures symboliques comme Mgr Christophe Munzihirwa.
Au-delà des critiques, le texte se veut aussi force de proposition. Les acteurs locaux appellent à un dialogue inclusif, sous l’égide des Églises catholique et protestante, à une gouvernance plus transparente et à des mesures de décrispation politique à Kinshasa. Ils insistent sur la nécessité d’impliquer davantage la société civile dans les négociations, afin d’éviter que les décisions se prennent exclusivement entre États et groupes armés.
« Le destin de la République démocratique du Congo est inexorablement de devenir une locomotive du développement et de la prospérité partagée dans la région des Grands Lacs », conclut le document, appelant à s’inspirer des trajectoires de réconciliation européenne et sud-africaine. Un message d’alerte mais aussi d’espérance, au moment où la paix à l’Est du Congo semble plus que jamais suspendue aux équilibres fragiles des tables de négociations.
SOCIETE CIVILE DU SUD KIVU
NOTE DE PLAIDOYER A L’ATTENTION DE : Son Excellence Dr Mohammed Abdulaziz Saleh Al-Khulaifi, Ministre d’Etat auprès des Affaires étrangères de l’Etat du Qatar entre la R D Congo-AFC/M23-Rwanda
Double information à :
S.E.M Massad Fares Boulos, Conseiller spécial pour l’Afrique du Président Trump.
S.E.M Faure Gnassingbé, Président du Togo et Médiateur de l’Union africaine dans le conflit de l’Est de la RD Congo.
Copie pour information à :
Son Altesse Tamin Bin Hamad Al Thani, Emir du Qatar,
S.E Monsieur Donald Trump, Président des Etats-Unis d’Amérique,
S.E Monsieur Joao Lourenco, Président de l’Angola et Président de l’Union africaine,
S.E Monsieur Félix Tshisekedi, Président de la RD Congo,
S.E Monsieur Paul Kagame, Président du Rwanda,
S.E Monsieur Evariste Ndayishimiye, Président du Burundi,
S.E Madame Samia Suluhu, Présidente de la Tanzanie,
S.E Monsieur Yoweri Museveni, Président de l’Uganda,
S.E Monsieur Cyril Ramaphosa, Président de la République d’Afrique du Sud,
S.E Monsieur William Ruto, Président du Kenya.
S.E Madame Catherine Samba Panza, ancienne présidente de la R C A,
S.E Madame Sahle-Work Zewde, ancienne présidente de l’Ethiopie,
S.E Monsieur Uhuru Kenyata, ancien Président du Kenya,
S.E Monsieur Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigéria,
S.E Monsieur Kgalema Motlanthe, ancien président de la République sud-africaine.
S.E Monsieur Marco Rubio, Secrétaire d’Etat des Etats-Unis d’Amérique,
S.E Madame Thérèse Kayikwamba, Ministre des Affaires étrangères de la RD Congo,
S.E Monsieur Olivier Nduhungirehe, Ministre des Affaires étrangères du Rwanda.
S.E Madame Lucy Tamlyn, Ambassadrice des Etats-Unis en RD Congo.
S.E Monsieur António Guterres, Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies,
S.E Madame Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies en RD Congo et Cheffe de la Monusco,
S.E Madame Roberta Metsola, Présidente du Parlement européen,
S.E Monsieur Antonio Costa, Président du Conseil européen,
S.E Madame Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission de l’Union européenne,
S.E Madame Kaja Kallas, Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
S.E Monsieur Johan Borgstam, Représentant spécial de l’Union européenne pour la région des Grands-Lacs africains,
S.E Monsieur Nicolas Berlanga-Martinez, ambassadeur de le Délégation de l’Union européenne en RD Congo.
S.E Monsieur Elias Mpedi Magosi, Secrétaire exécutif de la SADC.
S.E Mgr Fulgence Muteba et S.E Monsieur le Rév André Bokundoa, CENCO-ECC, Pacte
Social pour la Paix et le Bien-vivre ensemble en RD Congo.
Monsieur Corneille Nangaa, Coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo,
Monsieur Bertrand Bisimwa, Président du Mouvement M23 et coordonnateur adjoint de l’Alliance Fleuve Congo.
S.E Monsieur Sumbu Sita Mambu, Haut-Représentant de la RDC, négociateur en chef à Doha
Monsieur Benjamin Bonimpa, Secrétaire exécutif du M23, négociateur en chef à Doha.
S.E Monsieur Jean-Jacques Purusi, Gouverneur du Sud-Kivu (de jure)
Monsieur Patrick Busu Bwa Ngwi Nshombo, Gouverneur du Sud-Kivu (de facto)
Excellence Dr Mohammed Al-Khulaifi,
En vous adressant cette note de plaidoyer, permettez-nous d’abord de compatir avec votre peuple suite aux bombardements qui ont endeuillé votre pays le 09 septembre dernier.
Nous voudrions ensuite vous exprimer notre profonde reconnaissance pour les efforts diplomatiques que vous déployez en vue de résoudre des conflits dans plusieurs pays du monde et particulièrement en République Démocratique du Congo, notre pays.
Nous avions vivement salué la Déclaration de principe pour le retour de la paix à l’Est de la RD Congo signée le 19 juillet 2025 entre les représentants du Gouvernement de la RD Congo et ceux de la rébellion de l’AFC-M23, grâce à votre médiation.
Après la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 21 février 2025 et l’Accord de paix signé entre la RD Congo et le Rwanda le 27 juin dernier à Washington sous l’égide des Etats-Unis d’Amérique, nous espérions que la Déclaration de principe de Doha consoliderait les jalons jetés sur le chemin d’une résolution pacifique et durable de trois décennies de guerres meurtrières à l’Est de la RD Congo.
Cependant, le projet zéro de l’Accord de paix Global daté du 14 août dernier suscite en nous des doutes et soulève des inquiétudes auprès de nombreux compatriotes.
En effet, il contient des clauses léonines qui remettent en question « le respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la RD Congo » principes cardinaux soulignés aussi bien dans le préambule dudit projet zéro que dans la résolution 2773, l’Accord de Washington et la Déclaration de principe de Doha.
Nous en sommes extrêmement préoccupés et craignons qu’une telle démarche inéquitable ait pour conséquence d’hypothéquer durablement la paix dans la région.
En effet :
1. Le point b de l’article 6, relatif à « la délivrance de documents d’identité et de voyage aux résidents de la région touchée, en particulier aux membres des communautés vulnérables » nous parait tendancieux. Il donnerait lieu à une discrimination en faveur d’une région et des « communautés » prétendues plus vulnérables que les autres au sein d’un même pays et d’une même nation. Dans les faits, cette disposition mettrait ces communautés (non identifiées) au-dessus des autres, piétinant ainsi l’égalité de tous les citoyens devant la loi et l’unité nationale.
Nous suggérons plutôt qu’après signature de l’Accord de paix Global, un recensement de la population congolaise soit organisé sur toute l’étendue de la République et qu’à l’issue une carte d’identité soit remise à chaque citoyen par l’Office national d’identification de la population. C’est une urgence.
2. L’article 8 relatif à la création d’une force spéciale intérimaire pour la « région touchée » est également profondément problématique.
En son point a, il stipule : « La force spéciale intérimaire exercera ses fonctions conformément à un mandat temporaire de cinq ans renouvelables si nécessaire ».
D’entrée de jeu, il sied de reconnaitre que cette disposition viole le point 4 de la Déclaration de principe signée à Doha le 19 juillet entre le Gouvernement congolais et l’AFC/M23 qui précise formellement : « Les parties conviennent que le rétablissement intégral de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national est un pilier fondamental de l’accord de paix… ».
Dès lors, il nous parait dangereux pour l’intégrité territoriale de la RD Congo de confier le mandat de protection et de défense du territoire à une autre institution que les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Conformément à la Constitution de notre pays, la défense de l’ensemble du territoire, mission régalienne par excellence, relève de la souveraineté de l’Etat (central).
Logiquement et juridiquement, il ne pourrait donc y avoir une autre force pour exercer ce mandat de l’Etat, même de manière intérimaire. Procéder autrement serait faire de la « région touchée », c’est-à-dire le Nord et le Sud-Kivu, un « condominium », statut contraire au Droit international. Cette démarche consacrerait la « balkanisation » du pays que nous rejetons d’office et de toutes nos forces.
Etant donné qu’au point b, il est envisagé d’intégrer harmonieusement les membres éligibles de l’AFC/M23 dans l’armée congolaise, tous les autres points concernant cette proposition de « force spéciale » sont, en conséquence, sans objet et caducs.
Tirant les leçons d’un passé amer, il nous semble logique et salutaire que toutes les unités issues des groupes rebelles et intégrées au sein de l’armée congolaise soient sur un pied d’égalité. De ce fait, tous les soldats, quels que soient leurs rangs, leurs grades et leurs milices d’origine seraient transférables partout sur l’étendue de la République et de manière incontestable. En effet, il parait contradictoire que d’une part les membres du mouvement AFC/M23 tiennent des discours de « libération nationale » et d’autre part ne veulent ni intégrer l’armée nationale, ni être déployés sur toute l’étendue de la République.
Pour clore avec cet article 8, nonobstant le risque d’emprisonnement ou d’assassinat que nous courons de la part de l’AFC/M23 et du Rwanda dont le lien est consubstantiel, nous référant à notre « Note de plaidoyer » du 21 mai dernier adressée à leurs Excellences Messieurs Massad Boulos, Conseiller spécial du Président Trump et le Président Faure Gnassingbé du Togo, médiateur de l’Union Africaine, nous tenons à rappeler à tous les groupes armées qui sévissent dans cette « région touchée » , persécutant et massacrant les populations civiles, que le Sud-Kivu, notre province de légitimité, n’est pas une « terra nullis », une terre qui n’appartient à personne.
En dépit de son occupation par diverses milices pro ou anti-gouvernementales, cette terre appartient aux peuples du Sud-Kivu. Elle nous a été léguée par nos ancêtres. Elle a été vaillamment défendue par plusieurs générations de nos ascendants contre divers envahisseurs et expansionnistes.
Notre mission est de préserver et de perpétuer cet héritage de résistance et faire de sorte que des décisions qui concernent notre destin ne soient prises sans notre participation, sans notre consentement et sans tenir compte de nos aspirations.
Logiquement, la société civile des « régions touchées » devrait être invitée aux discussions de Doha qui touchent profondément à notre présent et à notre futur. Que la communauté internationale ne répète pas les erreurs du passé. Tirons les leçons des tragédies de l’Ukraine et de la Palestine qui se déroulent sous nos yeux.
Il est déplorable de constater que dans cette région, pour se prévaloir d’une certaine légitimé, même indue, il faut prendre les armes contre la République. La communauté internationale devrait contribuer à la rupture avec ce paradoxe qui fait que lorsqu’une personne commet un meurtre, elle subit des lourdes sanctions pénales. Cependant, lorsqu’un groupe armé ou un Etat commet un massacre de centaines, voire de milliers d’individus, on lui déroule le tapis rouge en l’invitant à la table de négociations. Cette complaisance de la Communauté internationale avec le crime organisé donne malheureusement un blanc-seing aux seigneurs de guerres et perpétue le cycle de violences dans la région des grands-lacs.
Last but not least, l’idée même d’envisager une “ force intérimaire” est contradictoire. Elle sape l’esprit et la lettre de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations unies du 21 février 2025 à laquelle renvoie l’Accord de paix signé entre la RD Congo et le Rwanda le 27 juin dernier à Washington de qui échoit la légitimité des négociations de Doha.
C’est fort de cette cohérence que d’ailleurs, le médiateur qatari avait tenu à associer le ministre de l’intérieur du Rwanda Vincent Biruta et le ministre de l’intérieur de la RDC Jacquemin Shabani aux pourparlers de paix entre le Gouvernement congolais et l’AFC/M23.
Pour rappel, la résolution 2773 adoptée à l’unanimité stipule :
« Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Condamne fermement l’offensive menée par le M23 et les avancées qu’il réalise dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu avec le soutien de la Force de défense rwandaise, ainsi que sa prise de contrôle de la ville de Goma et celle de l’aéroport et des principales entrées de la ville le 28 janvier, et celle de Bukavu le 14 février 2025 ;
2. Décide que le M23 doit immédiatement cesser les hostilités, se retirer de Goma, de Bukavu et de toutes les zones contrôlées, y compris les routes terrestres et lacustres, et démanteler dans leur intégralité les administrations parallèles illégitimes mises en place sur le territoire de la République démocratique du Congo, et que ce retrait ne doit pas être entravé ».
Eu égard à ce qui précède, la seule « force intérimaire » logiquement envisageable serait la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) expressément mandatée pour cette fin par les résolutions 2765 et 2773 de l’ONU ainsi que l’Accord de paix entre la RDC et le Rwanda du 27 juin 2025.
Enfin dans la même veine que les articles susmentionnés, l’article 11 relatif à la Gouvernance intérimaire de la « région touchée » n’est pas non plus acceptable. Il propose que des élections libres, équitables et transparentes soient organisées dans la région touchée en 2027.
Excellence,
Permettez-nous de souligner que le Congo est un et indivisible. C’est désormais une permanence géopolitique que la communauté internationale devrait intégrer dans ses analyses et ses démarches. Par conséquent, il n’y’a aucune pertinence à organiser des élections sur cette seule partie de notre pays.
Cette démarche pourrait être lue comme une nouvelle tentative de fragmentation de notre pays. Tirant les leçons de la posture de notre population à l’égard du continuum géopolitique AFDL-RCD-CNDP-M23-AFC, il est prévisible qu’elle boycottera des telles élections.
Excellence,
Nous avons montré les incohérences et la dangerosité de certains articles du Projet Zéro de l’Accord de paix global. Les cicatrices de massacres de nos frères et sœurs, notamment à Makobola, Katogota, Kasika, Mwenga, Burhinyi, Kaziba, Kaniola, Bukavu, Lemera, Uvira, Fizi, etc, largement documentés dans le Rapport Mapping des Nations Unies publié en 2010, sont encore trop fraîches dans nos mémoires pour accepter ces propositions.
Dans un mois, le 29 octobre prochain, nous commémorerons le 24 ème anniversaire de l’assassinat de Mgr Christophe Munzihirwa par l’armée rwandaise. Cette figure tutélaire de la bonté, de l’humanisme, de la droiture, de la dignité et de la résistance de notre province et de la nation congolaise, incarne la mémoire de millions des nôtres qui ont été sauvagement massacrés ces trente dernières années par le régime rwandais. Nous ne pouvons trahir leurs luttes. Nous ne pouvons trahir les souffrances de notre population. Nous ne pouvons trahir le Congo. Nous ne pouvons capituler face à l’injustice et l’innommable.
Excellence,
Nous espérons que vous prendrez compte de notre point de vue et vous renouvelons notre gratitude pour l’implication de votre pays dans la recherche de solutions aux conflits qui déchirent notre région des grands-lacs africains.
Comme nous l’avions évoqué dans notre « Note de plaidoyer » du 21 mai dernier, nous sommes persuadés que compte tenu de son incommensurable potentiel, le destin de la R D Congo est inexorablement de devenir une locomotive du développement et de la prospérité partagée dans la région des grands-lacs africains et au-delà.
Cette « destinée manifeste » nous commande, nous congolais, avec les peuples frères de la région des grands-lacs africains, à prendre de la hauteur pour trouver des compromis de paix par le haut. Cela, en nous inspirant du génie et de la sagesse des Pères fondateurs de l’Union Européenne et des leaders sud-africains de la génération de Nelson Mandela.
Il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’à l’instar de la Chine humiliée par des « traités inégaux » au 19 et début du 20 ème siècle, la RD Congo, colosse assoupi, s’éveillera et jouera le rôle structurant qui est naturellement le sien en Afrique et dans le concert des nations. Il ne s’agit pas d’une douce utopie. Cela se réalisera de notre vivant.
Dans cette sous-région, notre destin, nous congolais, est intimement lié, pour le meilleur et le pire, à celui des peuples frères du Rwanda, du Burundi, de l’Ouganda et de la Tanzanie, pour ne citer que les pays limitrophes de l’Est. Cela nous invite à envisager les solutions de paix et de coexistence au-delà des ethnies, des seuls groupes armés et des Etats prédateurs. La solution est globale et systémique. Elle gagnera à intégrer la société civile. Il en va de l’intérêt de nos peuples respectifs et des générations à venir.
Pour y arriver chaque acteur est appelé à jouer sa partition. De manière spécifique, le Gouvernement de la RD Congo et Son Excellence Monsieur le Président Felix Tshisekedi en particulier, devrait également prendre la mesure des responsabilités qui sont les siennes en promouvant davantage des mesures de décrispation politique au niveau national et des mesures de confiance convenues dans la Déclaration de Principes du 19 juillet dernier. Nous déplorons qu’à la place, il entretienne des politiques inintelligibles qui exacerbent les tensions, alimentent les conflits et plongent le pays tout entier dans une crise existentielle.
Il est plus qu’urgent que le Président Tshisekedi comprenne que sa légitimité électorale née de l’élection de 2018 et de 2023 est faible. C’est pourquoi, l’organisation d’un dialogue national incluant toutes les parties prenantes, civiles et armées (AFC/M23 compris), est une nécessité absolue. Nous l’exhortons à ne pas répéter les erreurs d’atermoiements et les tergiversations de régimes Mobutu aux Kabila qui ont engendré d’énormes souffrances à nos populations. Un projet de ce dialogue sous les auspices des Eglises catholique et protestante (CENCO/ECC) a déjà été proposé au Président de la République.
Il est plus qu’urgent que notre Gouvernement renonce aux politiques impulsives, cyniques et dangereuses d’attaques perpétrées contre des voix critiques, de poursuites judiciaires insensées contre les opposants, de brutalités commises par des milices instrumentalisées et d’une gouvernance à vue. Ces pratiques détournent de la résolution de vrais problèmes de nos populations, déstabilisent les institutions et hypothèquent l’avenir. L’Histoire de notre pays nous apprend qu’un tel chaos peut malheureusement se retourner contre ceux qui l’organisent.
Enfin, comme observé sous d’autres cieux, la paix est souvent un processus long, semé d’embuches. Il requiert de nous tous citoyens et représentants de la population congolaise un sens élevé de responsabilités, une vision élévatrice, du civisme, du patriotisme et d’humanité. Sans cet engagement, sans cette prise en main de notre destin, les efforts louables de tous ceux qui dans le monde, en Afrique, aux Etats-Unis, en Europe, au Qatar veulent nous aider à surmonter nos épreuves, resteront limités.
Notre mission, nous société civile, est de contribuer, sans esprit partisan, à l’avènement de la paix et de la prospérité pour notre peuple et pour tous les peuples de la région des grands-Lacs africains. C’est notre unique boussole. C’est notre combat d’aujourd’hui. Ce sera notre combat de demain, au prix de nos vies, s’il le faut.
Fait à Bukavu le 29/09/2025