84.58 F
Kinshasa
30 novembre, 2025 - 15:20:28
Image default
La uneCultureFlash InfosProvinces

Goma expose sa douleur à Kinshasa : « SÛR-VIVRE », une exposition qui ne laisse personne indemne

Ils ont moins de trente ans, mais portent sur leurs épaules trois décennies de violences, de déplacements forcés et de crises à répétition. À Kinshasa, devant les autorités académiques de l’Académie des Beaux-Arts et sous le parrainage de l’Ambassade de Belgique, sept jeunes photojournalistes de Goma ont inauguré l’exposition « SÛR-VIVRE », un récit visuel puissant sur la survie, la dignité et la quête de sécurité dans l’Est de la RDC. Loin du sensationnalisme, leurs images racontent la vie quotidienne dans des zones broyées par la résurgence du M23-AFC, l’effondrement des protections civiles et la fragilité persistante de l’État. En invitant le public kinoise à se confronter à ces scènes réelles : exils précipités, gestes de solidarité, paysages d’une ville martyrisée, l’exposition devient un espace de mémoire et de conscience collective. Pour cette jeunesse qui refuse la fatalité, photographier revient à « veiller » : dire « je suis là, je vois et je témoigne ».

« Survivre », « sûreté », « sécurité » : à Goma, ces mots ne sont ni des concepts ni des slogans, mais une géographie intime façonnée par trente ans de conflits armés. L’exposition « SÛRVIVRE », présentée à Kinshasa, s’ouvre sur cette tension fondamentale, entre le droit de vivre en paix et la nécessité, quotidienne, de survivre. Les jeunes artistes y plongent sans détour le public : leurs récits visuels captent des instants d’urgence, des scènes de fuite, mais aussi des fragments de beauté, de solidarité, de résistance.

IMG 20251130 WA0010Tous ont moins de trente ans, mais tous ont grandi avec la guerre comme horizon. Leur imaginaire, leur langue visuelle, leurs histoires personnelles sont indissociables de ce contexte. À travers Tumaini, un projet collaboratif initié par Efotho, Cité de l’Image, ils documentent depuis 2021 les conséquences humaines de la résurgence du M23-AFC dans le Nord-Kivu. Leur démarche n’est pas de dénoncer frontalement : elle consiste à témoigner avec justesse, en offrant un regard sensible, parfois poétique, toujours lucide.

Entre images et politique : « une région engloutie par les conflits »

IMG 20251130 WA0012

IMG 20251130 WA0008Une jeunesse qui interroge l’État et ses responsabilités

Si l’exposition ne se présente pas comme un manifeste politique, elle demeure traversée par une question centrale : comment une génération entière peut-elle bâtir son avenir dans une région engloutie par la violence ?

La chute successive de localités, l’avancée des groupes armés, le chaos sociopolitique installé dans le Kivu et l’aggravation de la crise humanitaire composent un décor où tout : sécurité, éducation, mobilité, travail, est constamment remis en question. Plus de deux millions de déplacés ont fui les combats, souvent « sans même avoir le temps de se retrouver », rappellent les artistes.

Les photographes invitent leur public à « marcher » aux côtés de ces populations. Les couleurs vives, les sujets en mouvement, les jeux de lumière naturelle traduisent cette volonté de montrer la vie telle qu’elle persiste : fragile, résiliente, obstinée.

Une esthétique du réel, loin du spectaculaire

IMG 20251130 WA0007On aurait tort de croire que ces jeunes privilégient uniquement l’urgence documentaire. Leur précision technique, la maîtrise de la lumière, le sens de la composition montrent une exigence esthétique affirmée. Leur impartialité dans le traitement de l’image n’exclut ni la sensibilité ni l’engagement.

Devant leurs photographies, se mêlent des scènes d’exode, de marché, d’enfants jouant dans des camps, de volontaires de la Croix-Rouge recueillant les corps, ou encore de familles reconstruisant des abris de fortune. Des fragments de vie qui ne cèdent jamais à la misère ostentatoire, mais expriment la dignité et la résistance d’un peuple.

Goma, ville martyre et trésor convoité

IMG 20251130 WA0014Les artistes rappellent que Goma n’est pas seulement une ville meurtrie : c’est un territoire d’une richesse exceptionnelle, avec une biodiversité unique et des minerais rares : coltan, cassitérite, wolframite, uranium, convoités par des acteurs économiques régionaux et des puissances mondiales.

Cette abondance, qualifiée de « scandale géologique », alimente une économie politique de la prédation où se superposent intérêts militaires, ambitions géostratégiques et crises humaines.

Dans ce contexte, documenter devient un acte de résistance.

IMG 20251130 WA0009

IMG 20251130 WA0011Présenter « SÛR-VIVRE » à Kinshasa, loin du front de l’Est, revient à rapprocher les jeunesses congolaises et à provoquer une rencontre entre deux réalités : celle d’une capitale encore protégée, et celle d’un Kivu blessé. L’exposition devient ainsi un « atelier de mémoire », un lieu où le regard n’est plus passif : il est sollicité, responsabilisé, interpellé. Car, pour les artistes, photographier n’est pas capturer : c’est veiller, témoigner, et prolonger la mémoire des instants arrachés à l’obscurité.

Pitshou Mulumba 

ça peut vous intéresser

Laisser un Commentaire

Infos27.CD utilise des cookies pour améliorer votre expérience utilisateur. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En Savoir Plus