Face aux violences tenaces du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, la ministre des affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a lancé depuis Washington, au lendemain de la signature des accords de paix avec le Rwanda et les États-Unis, un avertissement sans détour : Kinshasa sait « qui peut agir » pour infléchir la situation sur le terrain. Un message adressé autant aux parrains du mouvement qu’aux partenaires internationaux, alors que la RDC revendique désormais une architecture de paix juridiquement contraignante, fruit d’une mobilisation inédite orchestrée depuis plusieurs mois. Sans masquer la possibilité de nouvelles violations, elle rappelle que trente années de conflit ne s’effacent pas par une signature. « La paix se construit avec du sérieux, du temps et de la rigueur », martèle-t-elle, insistant sur la nécessité d’une pression continue et d’un alignement diplomatique durable. Dans le même souffle, la cheffe de la diplomatie met en garde contre l’urgence humanitaire qui s’aggrave autour de Goma et réaffirme l’impératif de rouvrir au plus vite l’aéroport stratégique de la ville, essentiel pour acheminer l’aide aux populations piégées par les combats.
Quelques heures après l’entérinement des accords de Washington, la voix de Thérèse Kayikwamba Wagner s’est voulue à la fois ferme et prudente. Jeudi soir, lors d’un briefing spécial tenu dans la capitale américaine, la ministre d’État des affaires étrangères a appelé à « tempérer les attentes » sans compromettre l’élan politique né de la signature du nouveau cadre de paix et de prospérité entre Kinshasa, Kigali et Washington.
« Peut-être qu’il y aura des violations dans l’est du pays, mais cela ne remet pas en cause l’accord signé », a-t-elle affirmé, rappelant que la pacification reste un processus graduel. « Il faut souligner qu’une guerre qui dure depuis trente ans ne peut pas prendre fin par une simple signature. Un tel processus connaîtra à la fois des avancées et, malheureusement, des revers. »
La ministre a replacé le document dans une chronologie diplomatique longue : « Ces accords entérinent trois instruments importants : la déclaration de principe du 25 avril, l’accord de paix du 27 juin entre la RDC et le Rwanda, et le cadre d’intégration économique régionale signé aujourd’hui. Ils reflètent une longue marche qui n’a pas commencé en avril. »
Les bases d’une paix durable dans l’est de la RDC
Au cœur de son intervention, Thérèse Kayikwamba a rappelé la centralité de la résolution 2773 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité, qu’elle qualifie de « base de toutes les perspectives vers une pacification durable ». La mobilisation américaine a également été soulignée : « Il y a eu une forte mobilisation du côté des États-Unis pour que ces efforts diplomatiques soient couronnés par un document contraignant. »
La ministre a insisté sur la valeur structurante de ce nouvel instrument : « Ce document va jeter les bases, nous l’espérons, d’une paix durable dans l’est de la RDC et dans la région des Grands Lacs, mais aussi ouvrir la perspective d’une réconciliation des peuples, d’un rapprochement et d’une plus grande intégration économique. »
Elle s’est voulue claire sur la nécessité d’une approche méthodique : « La paix se construit avec du sérieux, avec du temps, avec de la rigueur. C’est la posture de la RDC depuis l’avènement du Président de la République à la magistrature suprême. »
À propos du rôle de Washington, elle a commenté l’engagement personnel du président Trump dans l’impulsion politique du processus : « Le fait de la signature de cet accord donne un cadre clair des responsabilités et des leviers à activer pour accélérer les choses et rendre son rôle de facilitateur plus percutant. »
L’aéroport de Goma, un test humanitaire et sécuritaire
La ministre a également évoqué la situation dramatique des zones sous pression armée, soulignant que la réouverture de l’aéroport de Goma reste « un dossier prioritaire ».
« Nous n’avons pas du tout abandonné cette question », a-t-elle assuré. Selon elle, l’infrastructure constitue un maillon vital pour acheminer l’aide vers les populations déplacées. « Une large partie de notre population dans les zones occupées a besoin de cette assistance humanitaire. »
Des options sont actuellement étudiées pour permettre une reprise partielle du trafic aérien. Mais Thérèse Kayikwamba prévient : « L’assistance humanitaire ne doit jamais être utilisée à des fins politiques ou faire l’objet d’instrumentalisation. »
Un processus fragile, mais engagé
En filigrane de son discours, la ministre a rappelé que les premières heures suivant la signature sont cruciales pour installer une dynamique positive. « Nous savons qu’il y a beaucoup d’attentes par rapport à ces accords et à leur concrétisation. Nous sommes dans les premières heures après la signature. »
Elle a également lancé un avertissement à peine voilé : « S’il n’y a pas de changement du M23 sur le terrain, nous savons quels acteurs, qui ont de l’influence, auront refusé de jouer de leur influence pour les faire fléchir. »
Thérèse Kayikwamba veut néanmoins croire à un tournant : une architecture cohérente, un engagement international renforcé, et une volonté politique affichée de reconstruire la paix, couche après couche.
Pitshou Mulumba, Envoyé Spécial à Wsahington DC

