Il s’observe depuis un certain temps un climat politique délétère favorisé par les déclarations et les interventions médiatiques de différents acteurs, tant religieux que politiques. Ces hommes d’État et religieux s’évertuent à jeter le discrédit sur le processus électoral actuel, en l’accusant, à tort, de complot, qui n’existe que dans leur imagination.
Tout a commencé le 28 août avec la déclaration de Mgr Donatien Nshole lors d’une interview accordée à une radio locale, parmi les plus suivies en République Démocratique du Congo. Au cours de cet entretien, ce prélat avait averti que la méfiance envers la CENI pourrait entraîner une crise. Certains médias, relayant cette déclaration, sont allés jusqu’à dire que celui-ci encouragerait un leader courageux à faire un coup d’État. En effet, ce prélat avait déclaré que « si la CENI ne comprend pas la pertinence de notre insistance pour renforcer la confiance de la population, si la CENI minimise la perception de son travail dans l’opinion, on peut aller aux élections, à moins qu’il y ait des correctifs significatifs au niveau de l’observation. On peut aller aux élections mais je crains qu’en adoptant cette position, la CENI crée un environnement favorable à une révolution qui n’attendra qu’un leader courageux (…). Si les statistiques publiées par Ebuteli se confirment, à savoir que 25% des inscrits iront voter – ce que nous ne souhaitons pas, et nous mènerons une campagne à les inciter à faire – si nous allons aux élections dans ces conditions de méfiance, je ne serai pas surpris qu’après la publication des résultats, nous puissions vivre une crise que tout le pays regrettera ».
Ces propos d’un haut religieux, qui plus est secrétaire général de la conférence épiscopale des évêques du Congo, CENCO, avaient suscité des questionnements chez plus d’un observateur de la scène politique congolaise quant à l’impartialité et la neutralité de cette église prétendument au milieu du village ! Comment un évêque, père de l’église, peut prédire le malheur de son propre pays en oubliant que dans pareil contexte, qu’il a explicitement prononcé, les morts se compteront au milieu du peuple dans lequel figurent ses nombreux fidèles ? Peut-on encore croire à la bonne foi désintéressée de ceux qui propagent de telles idées ou scénarios apocalyptiques, si, malgré les efforts louables de la CENI de répondre aux exigences de transparence, ces derniers versent déjà dans le discours annonçant le chaos ? Comment ne pas croire à une conspiration aux tentacules insoupçonnées, lorsqu’en échos à ces déclarations, des acteurs politiques affirment que seuls les résultats publiés par la CENCO feront foi !
En effet, encouragés par cette posture irresponsable notamment du prélat, des acteurs politiques de l’opposition en mal de positionnement se lancent dans la surenchère politique. Dernièrement, le candidat Fayulu à l’élection présidentielle de décembre 2023, se fondant justement sur le « soi-disant résultats véridiques » de la CENCO de 2018, avait déclaré lors de son interview qu’il ne fera confiance qu’aux résultats publiés par la CENCO. Revenant sur le tollé qu’avait créé sa déclaration lors de son interview, Mgr Nshole a insisté que ses propos n’étaient pas une prédiction d’une crise imminente. Son intention serait de sensibiliser sur l’importance de la confiance dans le processus électoral. Seulement, celui-ci n’a pas précisé que la CENI était le seul organe qui a pour mission d’organiser et de publier les résultats, et que tout autre résultat ne devait pas être considéré par le peuple.
Quelques temps avant, le même prélat était incapable d’expliquer ses propos dans une autre interview sur la prétendue prise en otage du processus électoral par une « seule tribu ». L’actuel président de la CENI, M. Kadima, qui était loué comme l’expert patenté des élections en 2018, passe aujourd’hui aux yeux du même évêque pour un incompétent au nom de sa tribu supposée proche du chef de l’État.
Halte à la manipulation, indiquent des bonnes consciences. La loi est dure … mais c’est la loi, dit-on. Les législateurs congolais avaient déjà anticipé dans leur sagesse les remous et atermoiements actuels en mettant en place un dispositif clair dans la proclamation des résultats. « La constitution dans articles 211 et 58 dispose que la CENI est le seul organe de publication des résultats et la Cour constitutionnelle la seule instance de validation. En dehors de ces organes, « point de salut » comme le dit le vieux dicton ecclésiastique ».
Halte donc aux gesticulations chers acteurs politiques en mal de solution alternative à l’actuelle coalition au pouvoir ; halte à la surenchère politique ; halte au discrédit sur le processus électoral ! Vos stratagèmes sont compris. Ils ne feront pas le lit de la contestation des résultats, mais plutôt le lit de votre mort politique ! Cave canem.
Aba Amenito Ma Tagoto