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21 novembre, 2024 - 10:49:47
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Réagissant aux propos d’Emmanuel Macron et de Félix Tshisekedi concernant la stabilité régionale et la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC : Gaspard-Hubert Lonsi Koko : « La diplomatie reste la voie espérée pour la stabilisation de la région des Grands Lacs africains, mais cela ne doit pas exclure l’option militaire en cas d’échec » 

Le président français, Emmanuel Macron, a accueilli son homologue congolais, Félix Tshisekedi, au Palais de l’Élysée, mardi 30 avril 2024, pour sa première visite officielle en France. À l’occasion d’un déjeuner de travail, ils ont échangé sur les différents dossiers de la coopération bilatérale. Et à l’issue de ce repas, les deux chefs d’État ont donné une conférence de presse commune au cours de laquelle a été abordée la question de la stabilité régionale et de la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC. Pour réagir à cette actualité brûlante pour le Congo, l’écrivain et analyste politique, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, a accepté de répondre aux questions d’Infos 27.   

Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue congolais, Félix Tshisekedi, pour sa première visite officielle en France, le président français, Emmanuel Macron, a déclaré que « la France ne transigera jamais sur l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République Démocratique du Congo. » Selon vous, est-il sincère ?

Il n’y a aucune raison de douter de la déclaration d’un président dont le pays est un partenaire de longue date. Certes, les États n’ont que des intérêts, mais la RDC est très attractive sur le plan économique pour que le discours du président Emmanuel Macron puisse relever de l’esbroufe. On sait que la dissuasion militaire est impérative pour l’intangibilité de nos frontières. Cela nécessitera de la performance dans le domaine des renseignements intérieurs et extérieurs. À cet effet, le savoir-faire français pourra apporter un plus. La sécurisation de l’Est du pays s’obtiendra aussi par le changement d’alliances, d’autant plus que le président Félix Tshisekedi veut retrouver le Congo de jadis.

La même France, qui condamne et appelle publiquement Paul Kagame à retirer ses forces du sol congolais et à désarmer le M23, fait partie en même temps des influents au sein de l’UE. Or, plusieurs rapports attestent que cette organisation européenne soutient le Rwanda dans l’exploitation des minerais pillés du sous-sol congolais et dans l’appui à la logistique militaire. N’est-ce pas hypocrite de la part de la France ?

Un partenariat de l’UE avec un pays tiers ne devra pas empêcher la RDC d’assumer sa souveraineté. Pour ce qui concerne l’exploitation des matières premières, il revient aux autorités congolaises d’adopter des mesures efficaces en matière d’importation et d’exportation de nos minerais et lutter contre la corruption et la prévarication qui représentent des obstacles majeurs au développement économique. Dans le cadre de la sécurisation de notre pays, et pour abonder dans le sens du président Emmanuel Macron qui entend aider la RDC en la matière et, surtout, pour prouver sa bonne foi, il va falloir renforcer le partenariat avec la France, notamment dans le domaine de renseignement et de justice. À cette fin, il importe donc de former la police nationale congolaise aux normes internationales et développer des stratégies militaires appropriées.

Le président Félix Tshisekedi réclame des sanctions contre l’État rwandais, mais le président français, Emmanuel Macron, appelle, lui, au dialogue. D’après vous, la solution diplomatique est-elle efficace à ce jour ?

La diplomatie reste la voie espérée pour la stabilisation de la région des Grands Lacs africains, mais cela ne doit pas exclure l’option militaire en cas d’échec. Parfois la paix est le fruit d’une victoire militaire. Et on ne gagne pas la guerre sans des alliés sûrs. Rappelons que, malgré les pressions, la France est le seul pays à avoir introduit des résolutions en faveur de notre pays au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Pour le président Félix Tshisekedi, « il faut que l’armée rwandaise ait quitté le sol congolais pour que ce soit possible de discuter avec Kigali ». Approuvez-vous cette décision ?

Il me semble que le président Félix Tshisekedi ne pourra obtenir gain de cause et toute crédibilité qu’en agissant en pacificateur. La paix, comme objectif essentiel et majeur, nécessite l’équilibre des forces régionales. D’où l’intérêt pour la RDC d’avoir un partenaire francophone capable de contrer les puissances hostiles à notre développement. De plus, du point de vue géostratégique, la paix ne sera jamais donnée à la RDC. Il faudra donc l’appréhender comme une conquête permanente. Et, une fois l’antre national pacifié, il faudra penser au devenir des membres de groupes armés et à la reconstruction des régions dévastées.

Pensez-vous qu’Emmanuel Macron, ami fidèle de Paul Kagame, tiendra-t-il ses engagements, notamment la stabilisation de l’Est de la RDC ?

Il est hors de question qu’un nouveau partenariat entre la France et la RDC soit ipso facto le remake du cheval de Troie ou du néocolonialisme, voire de la Françafrique. La France n’a aucun intérêt à reproduire le contreproductif schéma qui a occasionné la fermeture de ses bases militaires des pays du Sahel. Notre pays doit cesser d’être une sorte de champ d’expérimentation grandeur nature pour des forces onusiennes et régionales. Il faudrait plutôt de l’innovation dans le sens du partenariat stratégique en matière de défense. Par conséquent, en tant que pays francophones et comparativement à l’OTAN, la RDC et la France devront mettre dans un premier temps sur pied une Alliance militaire francophone (AMIF). Celle-ci sera peu à peu élargie à d’autres pays ayant en partage la langue française. Ensuite, il serait indispensable de consolider des relations économiques sur la base de la politique du gagnant-gagnant.

Concrètement, que doit faire Emmanuel Macron s’il veut convaincre les Congolais de sa bonne foi dans la résolution du conflit dans l’Est ?

Il n’est pas du devoir du président Emmanuel Macron de convaincre les Congolais. Il nous revient plutôt d’éviter des surprises désagréables pouvant émailler un partenariat avec un pays tiers. S’impose donc l’innovation par la création d’un ministère du Partenariat et de la Francophonie, l’objectif étant de transformer le ministère des Affaires étrangères en une institution chargée de la diplomatie au sens initial et des aspects consulaires dans des pays étrangers. Quant au ministère du Partenariat et de la Francophonie, il aura vocation à œuvrer en vue des investissements en RDC des entreprises étrangères et celles des Congolais de la diaspora et de la stratégie purement francophone. Il est question de la place de la RDC à l’échelle régionale, continentale et internationale. Ainsi pourra-t-on retrouver le Congo tant rêvé.

Le président Félix Tshisekedi ne devrait-il pas prendre avec circonspection les propos du président français, Emmanuel Macron, qualifiées déjà par l’opinion publique congolaise de « flatteurs » ?

On ne peut pas bâtir des relations sincères sur la base du soupçon. Un partenariat se construit à deux. Pourquoi le président Emmanuel Macron ne devrait-il pas se méfier, à son tour, du président Félix Tshisekedi ? À ce jeu, personne ne gagnera. Un partenariat peut être rompu à tout moment, si l’une des parties ne respecte pas les clauses du contrat. J’en veux pour preuve le non-renouvellement du mandat des troupes de la Communauté d’Afrique de l’Est et la demande du départ de la MONUSCO.

Renforcement de divers investissements en RDC. Croyez-vous à la réalisation de cette promesse faite par Emmanuel Macron ?

Je ne pense pas que la France acceptera de renforcer ses investissements en RDC si elle n’y trouve aucun intérêt. Il revient à la RDC de procéder à une contre-expertise pour se préserver de toute surprise désagréable. Cela évitera des erreurs commises dans le passé, notamment dans les contrats avec la Chine.

La France va cartographier les ressources minières du Congo et mettre un mécanisme de traçabilité de tous ses minerais. Qu’en pensez-vous ?

Les minerais dont regorge notre sous-sol relèvent de la compétence nationale. La France se contentera de former des Congolais aux techniques idoines en vue de leur traçabilité. Un discours contraire relèverait du lapsus linguae.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France

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