Le discours prononcé par le président français, Emmanuel Macron, sur l’agression rwandaise contre la République Démocratique du Congo (RDC), lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue congolais, Félix Tshisekedi, au Palais de l’Élysée, mardi 30 avril 2024, pour sa première visite officielle en France, a laissé pantois. Car, c’est du déjà entendu, déjà dit ! Le président « jupitérien » n’a pas atteint son objectif, c’est-a-dire démontrer sa bonne foi à œuvrer pour la stabilisation de l’Est de la RDC. L’hypocrisie de cette initiative saute aux yeux ! Les Congolais ne sont pas dupes : la France joue le jeu politique du Rwanda dans la région des Grands Lacs africains. Son invitation au dialogue entre la RDC et le Rwanda n’est pas prête à aboutir. C’est de la poudre de perlimpinpin. De ce fait, il est temps pour les Congolais de changer de stratégie s’ils veulent mettre un terme à ce conflit qui dure depuis trente ans.
« La France ne transigera jamais sur l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République Démocratique du Congo (…) Le Rwanda doit cesser tout son soutien au M23, et retirer ses troupes du sol congolais. Je l’ai dit au président Kagame dans un échange récent. L’urgence est à la désescalade. Il est important de lutter contre le discours de haine », a déclaré Emmanuel Macron. Et il entend réitérer son appel à Paul Kagame, dit-il.
Les propos d’Emmanuel Macron, qualifiés déjà par l’opinion publique congolaise de « flatteurs », sonnent comme un disque rayé. C’est du réchauffé. Chose étonnante, la même France, qui condamne et appelle publiquement Paul Kagame à retirer ses forces du sol congolais et à désarmer le M23, fait partie en même temps des influents au sein de l’Union européenne (UE). Or, plusieurs rapports attestent que cette organisation européenne soutient le Rwanda dans l’exploitation des minerais pillés du sous-sol congolais et dans l’appui à la logistique militaire.
ACCORD UE – RWANDA
Le protocole d’accord signé entre l’Union européenne et le Rwanda, le 19 février 2024, un accord important pour favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques, aussi appelées minerais des conflits, en est un exemple probant. Pour les Congolais, ce pacte signé par la commissaire européenne aux partenariats internationaux, Jutta Urpilainen, et le ministre des affaires étrangères du Rwanda, Vincent Biruta, sonne comme une bombe de trahison, surtout en période de haute tension entre la RDC, pays qui détient les grands et riches gisements de minerais du monde, en quantité et qualité, et le Rwanda voisin qui ne possède pas une seule mine de coltan (principale source du tantale) d’étain et le tungstène est devenu, en quelques années, l’un des pays exportateurs les plus importants au monde de ces minerais de sang. Avec ce compromis, l’exécutif européen atteint non seulement le paroxysme du cynisme en matière de géostratégie, mais s’illustre à nouveau dans une politique de double standard qui mine la crédibilité des institutions internationales.
De la même façon, Paris et Kigali ont convenu, le 6 avril 2024, d’un partenariat de développement de 400 millions € qui s’étendra jusqu’en 2028. L’accord a été signé par le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, et son homologue rwandais, Vincent Biruta. Il vise à soutenir les secteurs rwandais de la santé, de l’environnement, de la formation des jeunes… C’est la lune de miel franco-rwandais, grâce au pillage des ressources naturelles et minières de la RDC par le Rwanda, dont la France en tire profit au même titre que l’UE.
L’attitude de l’UE et de la France devrait inciter les autorités congolaises à prendre avec circonspection le discours d’Emmanuel Macron. On ne peut pas bâtir des relations sincères sur la base de l’hypocrisie.
L’AMI FIDÈLE
Emmanuel Macron est fasciné par Paul Kagame. C’est son ami fidèle. C’est un des rares chefs d’État africain pour lequel le locataire de l’Élysée a une véritable estime, voire de l’admiration. Pour le président français, son homologue rwandais est un interlocuteur rêvé en Afrique. Et pour ce dernier, « Jupiter » est un nouvel allié intéressant dans les enceintes internationales désireux de promouvoir la voix rwandaise, comme au G20. Une entente intéressée, de nature conspirationniste, au détriment de la RDC qui, dans l’Est, abrite de nombreux groupes armés qui sèment l’instabilité et l’insécurité depuis trente ans. L’un des plus actifs est le M23, une milice armée rwandaise à dominante tutsi. Emmanuel Macron, attiré par Paul Kagame, ne semble s’en offusquer et multiplie les arrangements en sa faveur pour les intérêts de la France en Afrique.
L’ancien président français (2007-2012), Nicolas Sarkozy, avait donné la première impulsion, il y’a quelques années. Emmanuel Macron accélère. À cette fin, il s’était rendu au Rwanda, en mai 2021, pour tourner la page du contentieux franco-rwandais. Et il n’est pas de symbole plus édifiant de la volonté affichée par Paris d’ouvrir un nouveau chapitre avec Kigali. Le président français veut être celui qui a reconnu la responsabilité de la France dans le génocide rwandais de 1994. L’anti-Mitterrand. Ce rapprochement mémoriel est le préalable à une coopération plus étroite entre les deux pays. Le fait que le modèle rwandais n’ait rien de démocratique ne le dérange pas.
LA POUDRE DE PERLIMPINPIN
Qui peut inciter les Congolais à croire que la France se dit préoccupée par l’intensification des combats autour de Goma ? Pourquoi Emmanuel Macron ne nomme-t-il jamais le Rwanda dans ses déclarations ? Qui peut croire à la pression que la France entend faire sur le Rwanda pour retirer ses troupes de la RDC et cesser tout soutien au M23 ? Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité que l’on peut conclure, sans une once de doute, que la France joue le jeu politique du Rwanda dans le conflit qui l’oppose à la RDC.
Aujourd’hui, le président congolais, Félix Tshisekedi, réclame des sanctions contre l’État rwandais, mais son homologue français, Emmanuel Macron, appelle, lui, aux négociations. C’est de l’enfumage. D’ailleurs toutes les tentatives dans ce sens se sont soldées par des échecs.
L’on se souviendra qu’à son initiative la rencontre entre le président rwandais, Paul Kagame, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, organisée, en septembre 2022, à New York, en marge de la 77ème Assemblée générale de l’ONU, avait abouti à un accord rwando-congolais qui prévoyait la cessation immédiate des hostilités, le retrait du M23 et le cantonnement de ses combattants hors de la zone de Bunagana, avec l’appui de l’ONU et de leurs partenaires de la Communauté d’Afrique de l’Est ( CAE) et de la conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), selon l’Élysée.
De retour chez lui, à Kigali, le président rwandais s’est assis sur les engagements pris devant Emmanuel Macron à New York : la guerre s’intensifie dans l’Est de la RDC, et le M23 est toujours là. Emmanuel Macron, qui se posait en garant du suivi des engagements pris en sa présence par Paul Kagame et Félix Tshisekedi, a finalement préféré ménager son homologue rwandais que d’assurer son rôle de garant de cet accord. Ce qui ne surprend personne à Paris et ailleurs, étant donné que Paul Kagame bénéficie de son œil favorable.
Pour conclure, il convient d’admettre que la solution diplomatique à l’agression dont est victime la RDC de la part du Rwanda a épuisé toutes les possibilités de compromis. Autrement dit, on ne le dira jamais assez, toutes les tentatives de négociation ont échoué. Le discours d’Emmanuel Macron, C’est de la poudre de perlimpinpin. Par conséquent, il faut changer de paradigme. Paul Kagame n’entend que le langage de la force et ne s’impose que par celle-ci. Passionné en la matière, c’est sa façon de faire de la politique (le dialogue, il s’en moque royalement). Parfois, la paix est le fruit d’une victoire militaire. C’est pourquoi, il est souhaitable et souhaité d’aller dans son sens. Ce qui s’avère impératif et urgent dans le contexte d’aujourd’hui.
Robert Kongo, correspondant en France