Plusieurs candidats ont été écartés des prochaines élections présidentielles au Rwanda, prévues pour le 15 juillet. Ainsi, Paul Kagame, au pouvoir depuis 24 ans, pourrait être reconduit comme chef de l’État – une question catastrophique pour la liberté de la presse, en raison de la censure et du harcèlement des journalistes qui ont caractérisé son mandat.
Trois journalistes ont été tués, deux ont disparu et plus de trente médias ont été suspendus depuis que Paul Kagame est au pouvoir en 2000, selon RSF. La situation est tellement grave que les journalistes restants doivent soit s’exiler, soit s’autocensurer.
Le bilan de la liberté de la presse sous Paul Kagame est catastrophique. Ce cycle de violence et de dépression doit cesser immédiatement. Les autorités doivent manifester un réel désir de changement en permettant une couverture médiatique indépendante et un accès Internet sans interruption avant, pendant et après les élections. RSF exige également des réformes essentielles, quel que soit le résultat des élections, pour que les journalistes puissent travailler sans craindre pour leur sécurité et sans risquer la censure.
En janvier 2023, John Williams Ntwali, rédacteur en chef de The Chronicles, un site d’information réputé pour ses critiques envers le gouvernement, est décédé dans des circonstances suspectes. Les rapports officiels parlent d’un accident de moto, mais Reporters Sans Frontières (RSF) et 85 autres organisations ont exigé une enquête indépendante, qui n’a toujours pas eu lieu.
Le cas de Ntwali n’est pas isolé. En juin 2010, Jean-Léonard Rugambage, rédacteur en chef adjoint du site web satirique indépendant Umuvugizi, a été assassiné devant son domicile à Kigali. Selon le rédacteur en chef d’Umuvugizi, le meurtre de Rugambage pourrait être lié à ses enquêtes sur la tentative d’assassinat du général Kayumba Nyamwasa, exilé en Afrique du Sud. L’enquête officielle a écarté la piste d’un assassinat politique sans publier toutes ses conclusions.
En décembre 2011, Charles Ingabire, rédacteur en chef d’Inyenyeri News, un site d’information critique envers les autorités rwandaises, a été abattu devant un bar à Kampala, en Ouganda, où il vivait en exil depuis 2007. Ingabire avait fui le Le Rwanda a après avoir reçu plusieurs menaces suite à des articles publiés dans le quotidien national Umuco, qui portaient un regard critique sur le gouvernement. Après son meurtre, la police ougandaise a ouvert une enquête et arrêté deux personnes pour interrogatoire. Les résultats de cette enquête n’ont jamais été rendus publics.
Ces incidents illustrent la situation alarmante de la liberté de la presse au Rwanda sous le régime de Paul Kagame. RSF et d’autres organisations continuent de réclamer des enquêtes transparentes et des réformes fondamentales pour garantir la sécurité des journalistes et la liberté d’expression dans le pays.
Dix-sept journalistes emprisonnés depuis 2000
Depuis 2000, dix-sept journalistes ont été emprisonnés pour leur travail au Rwanda, et deux d’entre eux sont encore derrière les barreaux. Dieudonné Niyonsenga, directeur de la chaîne YouTube Ishema TV, connu sous le pseudonyme Cyuma Hassan, a été condamné à sept ans de prison en 2021 pour avoir « humilié » les responsables de l’État. Lors de son nouveau procès en janvier 2024, il a déclaré avoir été torturé et détenu dans des conditions inhumaines.
Théoneste Nsengimana, directeur d’Umubavu, une chaîne de télévision critique envers le gouvernement, a été arrêté en octobre 2021. Selon une source contactée par RSF, Nsengimana organiserait la « Journée Ingabire » en l’honneur des défenseurs de la liberté et des prisonniers politiques, avec une diffusion prévue de l’événement et une discussion avec l’opposante Victoire Ingabire sur sa chaîne YouTube. Il est actuellement détenu dans la même prison que Niyonsenga.
Les autorités rwandaises ont attaqué la liberté de la presse sur plusieurs fronts. En mai 2015, la RURA a suspendu définitivement les émissions de la BBC en kinyarwanda, la langue parlée par presque toute la population, suite à une émission controversée sur le génocide de 1994. À l’approche de l’élection présidentielle de 2010, près de de 30 médias ont été suspendus alors que Paul Kagame se présentait pour un troisième mandat.
Les sites web sont bloqués, la cybersurveillance est omniprésente et les médias sont censurés. Ces mesures répressives illustrent la situation critique de la liberté de la presse au Rwanda, et RSF continue d’exiger des réformes et la libération des journalistes emprisonnés pour leur travail.
En 2021, un consortium de médias internationaux a constaté que le Rwanda était l’un des 20 pays où les journalistes étaient surveillés par les logiciels espions Pegasus.
I27