Dans un entretien, le député national Kasanda Katuala Olivier revient sur sa proposition de modification de la Loi n°22-069 du 27 décembre 2022, régissant l’activité et le contrôle des établissements de crédit, communément appelée « Loi bancaire ». À travers cette réforme, il entend répondre aux défis posés par des dispositions comme l’obligation de dilution du capital social et les restrictions de nationalité des dirigeants, qu’il considère contraignantes pour le secteur bancaire congolais. Selon lui, l’objectif est d’adapter le cadre législatif pour offrir aux investisseurs et institutions financières un environnement plus stable et attractif, tout en répondant aux réalités du marché et aux pratiques internationales. Dans cet échange, le député aborde aussi les questions d’insécurité juridique et de gouvernance, et conclut en lançant un appel aux décideurs pour une révision équilibrée et soutenable de la législation bancaire en RDC.
Ci-dessous l’intégralité de l’entretien entre Infos27 et le député national Olivier Kasanda Katuala.
Vous avez récemment proposé une modification de la Loi n°22-069, communément désignée sous le nom de « Loi bancaire ». Quelles sont les principales motivations qui vous ont conduit à initier cette réforme ?
La Loi n°22-069, bien qu’elle vise à renforcer le cadre réglementaire du secteur bancaire en RDC, soulève actuellement des préoccupations importantes. Les exigences de dilution du capital social et de nationalité des dirigeants fragilisent nos institutions financières au lieu de les renforcer. J’estime qu’il est important d’adapter cette législation pour garantir la viabilité et l’attractivité du secteur bancaire congolais.
Vous évoquez l’obligation de dilution du capital social. Pour quelles raisons considérez-vous cela comme un obstacle ?
L’exigence de diluer le capital entre au moins quatre actionnaires, chacun devant détenir au moins 15 % d’après l’instruction numéro 18 de la BCC, peut perturber les modèles économiques des banques. Dans un contexte d’instabilité politique et économique, cette mesure pourrait dissuader les investisseurs et compromettre la confiance des partenaires financiers. De plus, cette obligation, inscrite à l’article 11 de la loi, est particulièrement contre-productive. Imposer une telle répartition à des établissements ayant déjà établi depuis plusieurs années voire des décennies des relations de confiance avec leurs clients et partenaires perturbe l’équilibre fragile de leur modèle économique. Les investisseurs, déjà réticents à s’engager dans un marché perçu comme risqué, voient cette exigence comme un obstacle majeur, ce qui pourrait entraîner une diminution significative des investissements dans le secteur bancaire congolais. Il est donc impératif de revoir cette exigence pour favoriser une structure de capital qui assure à la fois stabilité et attractivité.
Quelle est votre position concernant la nationalité des dirigeants ?
J’appuie l’idée d’une implication majoritaire des Congolais dans la gestion des établissements de crédit, mais je propose d’instaurer une période transitoire significative. Cela permettra une adaptation progressive tout en développant les compétences locales nécessaires, sans nuire à la gouvernance et à la performance des banques.
Vous mentionnez également l’insécurité juridique que ces exigences sont susceptibles de provoquer. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?
Oui, la situation actuelle de non-conformité des banques à ces exigences crée une insécurité juridique. Cela expose les établissements à des sanctions (amendes) exorbitantes (entre 250.000 et 750.000 USD) et pourrait dissuader les investisseurs internationaux, qui hésiteraient à collaborer avec des banques ne respectant pas les normes. Il est impératif de corriger cette situation pour rétablir la confiance. De plus, il est urgent de mettre fin à l’état de hors-la-loi dans lequel se trouvent tous les établissements de crédits congolais non conformes aux dispositions des articles 11 et 15 de cette loi. Cela est essentiel pour leur légitimité vis-à-vis du public, de leurs partenaires locaux et internationaux, ainsi que des consommateurs du secteur financier.
Quels changements envisagez-vous de mettre en place pour renforcer la gouvernance des établissements de crédit ?
Plutôt que d’imposer une dilution du capital, il est plus judicieux de se concentrer sur les règles de gouvernance rigoureuses. Cela inclut la mise en place de conseils d’administration compétents et de comités spécialisés, ainsi que des audits externes réguliers. Ces mesures, si elles sont respectées, garantiront une surveillance efficace des pratiques bancaires, tout en préservant la solidité du capital social.
Pour conclure, quel message souhaiteriez-vous adresser aux décideurs politiques au sujet de cette proposition de loi ?
Je leur dirais qu’il est essentiel d’adapter notre législation pour assurer la pérennité de nos institutions financières. Une réforme équilibrée qui prend en compte les réalités du marché et les meilleures pratiques internationales est nécessaire pour garantir la stabilité et la compétitivité du système bancaire en RDC. Il convient également de noter que de nombreux pays africains, comme les 8 membres de l’UEMOA et de ces 6 États de la CEMAC, n’ont pas instauré de telles contraintes, plaçant la RDC dans une position réglementaire atypique au sein de l’espace OHADA qu’elle partage avec ces 14 pays.
Propos recueillis par Pitshou Mulumba