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Kinshasa
26 janvier, 2025 - 10:59:17
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Jean-Aimé Mbiya : « Une Constitution ajustée aux réalités du XXIe siècle, renforcera la cohésion nationale » (Interview)

Jean-Aimé Mbiya Bondo Shabanza, Vice-Président fédéral et Représentant Adjoint en charge de la Politique et de la Diplomatie au sein de l’UDPS/Tshisekedi, livre dans cette entrevue une analyse sans concession de la situation socio-économique de la République Démocratique du Congo. Malgré des chiffres de croissance flatteurs, il dénonce un modèle économique obsolète, un pays pris au piège d’une crise structurelle qui engendre la pauvreté. Il prône une rupture radicale avec ce système, en appelant à un développement endogène basé sur la diversification économique et la valorisation des ressources naturelles, tout en insistant sur la nécessité d’une gouvernance plus juste et transparente. Concernant les embouteillages à Kinshasa, Mbiya propose des solutions concrètes et radicales pour améliorer la mobilité urbaine. Il évoque également les opérations « Ndobo » et « Zéro Kuluna », tout en soulignant leur insuffisance face à l’ampleur du banditisme urbain. Sur la question de l’agression rwandaise et de la réforme constitutionnelle, il adopte une position ferme et appelle à une révision de la Constitution pour permettre une gouvernance plus inclusive et moderne, conforme aux aspirations profondes du peuple congolais.

Interview exclusive

Quelles ont été les motivations profondes qui vous ont conduit à embrasser la politique ?

Mon engagement en politique trouve ses racines dans un profond désir de transformation pour la République Démocratique du Congo. Depuis ma jeunesse, j’ai été témoin des difficultés auxquelles nos populations sont confrontées : la pauvreté, la mauvaise gouvernance, et les conflits interminables. Ces réalités m’ont conduit à comprendre que la politique n’est pas simplement un domaine de gestion des affaires publiques, mais un véritable levier de changement. C’est un outil puissant pour instaurer la justice sociale, garantir l’accès équitable aux ressources et construire une société prospère et harmonieuse.
La politique, pour moi, est un espace d’action où l’on peut non seulement influencer les décisions, mais surtout y apporter des solutions concrètes et durables. L’histoire de notre pays, marquée par des crises répétées, m’a convaincu qu’il faut bien plus qu’une simple participation ; il faut un engagement véritable, ancré dans des valeurs de justice, de dignité et de solidarité.

Quelle est votre analyse de l’évolution socio-économique de la RDC ces dernières années ? Quelles sont les priorités urgentes pour le gouvernement ?

La RDC a atteint un tournant historique. La période récente, marquée par une croissance modeste, n’est qu’une illusion si l’on examine de près la réalité du terrain : une grande majorité des Congolais continue de vivre dans la pauvreté extrême, sans accès à des services de base décents, et l’instabilité régionale freine notre véritable potentiel. La RDC a été prise au piège d’une économie dépendante des ressources naturelles, avec des investissements étrangers qui, au lieu de bénéficier à notre peuple, profitent principalement à des intérêts étrangers et à une petite élite locale. Il est évident que la politique actuelle, malgré certains efforts louables, reste prisonnière d’un système obsolète et inefficace.

Le véritable défi majeur auquel nous faisons face aujourd’hui est la diversification de l’économie. Il est intolérable que la RDC, un pays avec des ressources humaines, naturelles et stratégiques exceptionnelles, soit toujours à la merci de l’exportation de matières premières sans valeur ajoutée. Cette dépendance est l’une des raisons pour lesquelles l’économie reste vulnérable, incapable de générer des emplois durables ou de financer des politiques publiques efficaces. Si nous ne rompons pas avec ce modèle archaïque, notre pays restera éternellement dans les griffes d’une économie de rente. L’agriculture durable, la transformation locale des ressources et le développement de l’entrepreneuriat doivent devenir les piliers de notre croissance. Mais cela nécessite une vision audacieuse et un leadership clair.

En ce qui concerne les infrastructures, il est inacceptable que la RDC, avec ses immenses ressources naturelles et humaines, continue de souffrir de la dégradation des infrastructures de base. Les secteurs de la santé, de l’éducation et des transports doivent être des priorités absolues. Nous avons une obligation morale de reconstruire ces secteurs essentiels, non seulement dans les grandes villes, mais aussi et surtout dans les zones rurales, où l’inégalité est la plus criante. La création d’une classe moyenne dynamique doit être au cœur de notre stratégie de développement. Une classe moyenne forte et éduquée est le moteur d’une économie prospère et stable.

Cependant, l’élément central qui doit permettre ce changement radical est de remettre en cause le système de gouvernance actuel, qui est rongé par la corruption et l’inefficacité administrative. Nous assistons à un véritable paradoxe : tandis que le pays regorge de richesses naturelles et humaines, la majorité des Congolais vit dans des conditions de pauvreté extrême. Cela est dû à l’inefficacité de l’administration publique, à la mauvaise gestion des ressources et à un manque flagrant de transparence.
Le combat contre la corruption ne doit pas être un slogan, mais un engagement concret et sans compromis. Les responsables publics, notamment dans les ministères clés comme le ministère des Finances, de l’Économie et de l’Énergie, doivent être tenus pour responsables de la gestion des fonds publics et des ressources naturelles. Ceux qui sont impliqués dans des pratiques de détournement doivent être traduits en justice sans aucune forme de clémence.

Il est plus que jamais nécessaire de réinventer l’État pour qu’il soit à l’écoute du peuple et qu’il réponde aux besoins urgents des Congolais. Cela nécessite non seulement une refonte de l’administration publique, mais également des réformes profondes dans la manière dont les ressources sont allouées et utilisées.
Des solutions radicales et innovantes pour un changement immédiat : Une révolution agricole ; La valorisation des ressources naturelles ; La décentralisation effective ; Le renforcement des infrastructures critiques ; L’éducation et la formation technique, La justice économique.
En bref, Si la RDC veut réellement sortir de son marasme actuel, il est impératif de prendre des mesures radicales et pragmatiques pour réinventer son modèle de développement. Le temps des demi-mesures est révolu. Il faut une vision audacieuse pour briser le cycle de la pauvreté, de l’injustice et de l’instabilité.

Les embouteillages à Kinshasa affectent la mobilité. Quelles solutions concrètes préconisez-vous ?

Les embouteillages à Kinshasa sont un problème grave et systémique qui touche non seulement la mobilité des citoyens, mais aussi l’économie, l’environnement, et la qualité de vie des Congolais. La situation est d’autant plus urgente que Kinshasa, avec plus de 15 millions d’habitants, est une mégalopole dont les infrastructures sont inadéquates face à une croissance démographique exponentielle. La gestion du trafic urbain à Kinshasa n’est pas simplement un défi technique, mais un impératif politique et social pour garantir un développement durable de la capitale.

Kinshasa a besoin d’un plan de transport urbain intégré et moderne qui englobe la construction d’infrastructures routières adaptées à l’ampleur de la ville. L’élargissement des routes existantes est nécessaire, mais cela doit être accompagné d’une planification rigoureuse qui inclut la création de nouvelles voies de circulation dédiées aux véhicules publics et privés. Le problème actuel des embouteillages n’est pas uniquement lié à l’insuffisance des routes, mais également à un manque de gestion intelligente du trafic. Le système de régulation du trafic doit être modernisé, avec l’introduction de feux de signalisation intelligents, de capteurs de circulation et de systèmes de gestion du trafic en temps réel qui permettent de fluidifier la circulation.

Des pays comme le Kenya, notamment dans la ville de Nairobi, ont réussi à introduire des solutions de gestion du trafic modernes, y compris la régulation électronique du trafic à l’aide de caméras et de capteurs, qui permettent de fluidifier la circulation en temps réel (UN-Habitat, 2018). Ce modèle pourrait être adopté à Kinshasa pour gérer efficacement les bouchons.

Les embouteillages sont exacerbés par l’absence d’un système de transports en commun fiable, rapide et abordable. La construction de lignes de métro, de bus à haut niveau de service (BHNS), et de trams constitue une solution indispensable pour désengorger les routes et offrir des alternatives de transport massives et efficaces. À Lagos (Nigeria), un système de bus rapide (BRT) a montré son efficacité en réduisant les embouteillages dans une ville densément peuplée. Ce système de transport public moderne, organisé et accessible a réduit de manière significative la congestion (Akinmolayan, 2020). La RDC devrait envisager des projets similaires, en commençant par la création de corridors de bus express reliant les quartiers populaires aux zones commerciales et industrielles.

En complément, la promotion du covoiturage et de plates-formes de transport moderne comme Uber ou Bolt, adaptées aux spécificités de Kinshasa, peut également réduire la dépendance à la voiture individuelle et désengorger les routes. Ces solutions contribuent également à la réduction des émissions de CO2 et à la préservation de l’environnement.

Une réorganisation totale du réseau routier est essentielle pour la décongestion de Kinshasa. La création de boulevards périphériques, de routes à grande circulation qui évitent le centre-ville, pourrait permettre de désengorger les axes principaux. L’exemple de Cotonou (Bénin), où des projets de routes périphériques ont permis de contourner les zones urbaines saturées, pourrait inspirer Kinshasa dans la planification de ses futures infrastructures (World Bank, 2019). Ces routes relais devraient être pensées dans une logique multimodale, offrant non seulement un passage pour les véhicules, mais aussi des espaces pour les transports publics et les piétons.

Un problème de fond qui contribue aux embouteillages à Kinshasa est le manque de discipline des conducteurs. La sensibilisation des citoyens au respect des règles de circulation est cruciale. Des campagnes d’information doivent être menées à grande échelle pour inciter les Kinois à adopter des comportements respectueux des autres usagers de la route. Des formations à la conduite responsable dans les écoles et la mise en place de contrôles réguliers de la vitesse et du respect des feux de signalisation sont des mesures à adopter immédiatement.

En parallèle, une réforme dans le système des amendes et l’amélioration de la sécurité routière sont essentielles pour garantir que les règles de circulation soient respectées. Les forces de l’ordre doivent être renforcées dans leurs capacités à appliquer la loi sans excès de zèle, mais avec efficacité.
La gestion des embouteillages à Kinshasa ne peut plus être un simple vœu pieux. Il est temps d’adopter une approche radicale, en combinant des solutions pratiques et efficaces inspirées des meilleurs exemples africains. Kinshasa doit se doter d’un plan de transport urbain audacieux, qui comprend des infrastructures modernes, une forte promotion des transports publics, des alternatives écologiques, et une gestion intelligente du trafic. La situation des embouteillages à Kinshasa n’est pas une fatalité, mais un problème qui peut être résolu si des mesures concrètes sont prises, sans compromis.

Les opérations « Ndobo » et « Zéro Kuluna » sont-elles suffisantes ? Quels moyens supplémentaires devraient être mis en œuvre ?

Les opérations « Ndobo » et « Zéro Kuluna » : Des initiatives louables, mais insuffisantes face à la complexité du phénomène.
Les opérations « Ndobo » et « Zéro Kuluna » ont sans aucun doute marqué un tournant dans la lutte contre la criminalité à Kinshasa, en particulier contre les bandes de jeunes armés qui sèment la terreur dans certains quartiers de la capitale. Ces initiatives, qui visent principalement à réprimer et à désarmer les Kuluna, sont nécessaires dans la mesure où elles permettent de restaurer temporairement l’ordre public. Cependant, elles ne constituent qu’une réponse partielle à un problème bien plus complexe. La sécurité à Kinshasa ne se résume pas à la répression de la criminalité, mais doit inclure une approche holistique qui aborde les racines socio-économiques de la violence (Harcourt, 2020).

Les opérations « Ndobo » et « Zéro Kuluna » se concentrent essentiellement sur la répression des symptômes de la criminalité sans s’attaquer aux causes profondes qui en sont à l’origine. Ces opérations de maintien de l’ordre ont un effet dissuasif immédiat, mais elles ne suffisent pas à long terme à éradiquer le phénomène des gangs à Kinshasa. La violence urbaine est un problème complexe, dont les racines plongent dans des facteurs socio-économiques tels que le chômage des jeunes, la pauvreté, et le manque d’accès à l’éducation (World Bank, 2018). Le recours exclusif à la force, sans accompagnement de réformes socio-économiques, risque d’être perçu comme une solution cosmétique qui ne réglera pas le problème de manière durable.

La lutte contre la criminalité à Kinshasa doit aller au-delà de la simple répression. Une véritable stratégie de prévention doit être mise en place pour s’attaquer aux causes structurelles de la violence. Il est impératif de créer des opportunités d’emploi pour les jeunes, en particulier dans les quartiers périphériques de Kinshasa où la pauvreté est endémique. Cela passe par l’élargissement des programmes de formation professionnelle, la création de micro-entreprises, et l’incitation à l’entrepreneuriat local.

Le modèle du Kenya peut servir d’exemple. Le gouvernement kenyan a lancé des initiatives similaires pour lutter contre les groupes criminels organisés, en offrant des programmes d’emploi et d’insertion pour les jeunes marginalisés. Des partenariats public-privé ont été établis pour financer des projets d’entrepreneuriat, créant ainsi des alternatives à la criminalité pour les jeunes (Mwagiru, 2017). De même, en Afrique du Sud, des programmes comme le “Youth Employment Service (YES)” ont permis à des milliers de jeunes d’accéder à des emplois formels et d’éviter de sombrer dans la criminalité.

Un autre élément crucial pour la réussite des opérations de sécurité à Kinshasa est la réhabilitation des membres des gangs. Une fois démantelées, les bandes de Kuluna doivent être réintégrées dans la société à travers des programmes de réinsertion professionnelle et de réhabilitation sociale. Ces programmes devraient inclure des cours de formation, des sessions de conseil psychologique, ainsi que des opportunités de travail pour offrir aux jeunes criminels un futur loin de la violence.

Des exemples de réinsertion réussie existent dans des pays comme le Brésil, où des programmes de réhabilitation des ex-prisonniers et des membres de gangs ont montré leur efficacité. Le programme “Crescer” a permis à des milliers de jeunes Brésiliens, auparavant engagés dans la criminalité, de se réinsérer dans la société grâce à des programmes d’éducation et de formation professionnelle (UNODC, 2019).

Renforcer la coopération locale et la confiance citoyenne
La collaboration entre les forces de l’ordre, les autorités locales, et les communautés est essentielle pour renforcer l’efficacité des opérations de sécurité. À Kinshasa, une police communautaire mieux formée, plus proche des populations et disposant des outils nécessaires pour établir un climat de confiance avec la population, pourrait faire une différence. La coopération avec les leaders communautaires, les associations locales et les organisations de la société civile est indispensable pour garantir que les opérations de maintien de l’ordre ne deviennent pas un facteur de division, mais un levier pour la paix.

Le modèle du Sénégal est intéressant à cet égard. À Dakar, la police communautaire a mis en place un partenariat avec des acteurs communautaires pour lutter contre la délinquance et la violence urbaine. Cette approche a permis de réduire les tensions entre la population et la police tout en améliorant l’efficacité des interventions sécuritaires (Toure, 2021).

Face à l’agression rwandaise et à l’instabilité dans l’Est, quelle est votre position ? Quelles solutions durables proposez-vous ?

Face à l’agression continue du Rwanda et à l’instabilité permanente dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), il est impératif de prendre une position ferme, claire et sans ambiguïté. La RDC est un État souverain, et l’agression rwandaise ne doit pas être tolérée. Comme l’a souligné l’ex-président Laurent-Désiré Kabila, “la guerre doit revenir là d’où elle est partie” (Kabila, 2001), en faisant référence à l’ingérence extérieure qui menace la paix et la stabilité de notre pays. Le Rwanda, en soutenant des groupes armés et en déstabilisant nos régions frontalières, viole non seulement notre souveraineté mais menace également la paix dans toute la région des Grands Lacs.

Il est évident que malgré les efforts diplomatiques constants du gouvernement congolais sous la direction du président Félix Tshisekedi, le Rwanda persiste dans son comportement belliqueux. La bonne volonté de la RDC en matière de dialogue, de coopération et de recherche de solutions pacifiques semble être ignorée par Kigali, qui continue à alimenter le chaos dans l’Est du pays. Cela est inacceptable. Il est impératif de rétablir l’autorité de l’État congolais sur son propre territoire. Il est temps de faire face à cette agression par des actions concrètes et fermes.

À cet égard, la RDC doit renforcer sa posture militaire, moderniser ses capacités de défense, et s’assurer de la pleine opérationnalité de son armée pour défendre ses frontières. Le renforcement de l’armée nationale, y compris la mise en place de structures de défense adaptées aux menaces asymétriques, est une nécessité absolue. Il est également vital de renforcer la cohésion nationale, en rassemblant toutes les forces vives du pays dans une unité de défense nationale.

Néanmoins, il serait naïf de penser qu’une réponse uniquement militaire résoudra ce problème. Nous devons continuer à multiplier les efforts diplomatiques, tout en veillant à ce que la diplomatie ne soit pas utilisée comme un outil pour faire durer l’agression. Il est crucial d’engager des dialogues directs avec le Rwanda tout en impliquant la communauté internationale, en particulier les Nations Unies et l’Union Africaine, afin de mettre en place des sanctions ciblées contre les dirigeants rwandais qui sont responsables de cette instabilité.

Des initiatives similaires dans d’autres conflits ont montré que la pression diplomatique, associée à des sanctions économiques et politiques, peut jouer un rôle clé dans le changement de comportement d’un État agressif. La guerre au Darfour et l’intervention de l’ONU en Somalie illustrent comment une pression combinée de la diplomatie internationale et d’une résolution fermement ancrée dans les principes de souveraineté peut contraindre un pays à mettre fin à son agression (African Union, 2009). Par ailleurs, l’échec du dialogue avec le Rwanda ne devrait pas signifier une nouvelle concession, mais un renforcement de notre capacité de défense et un appel à la solidarité régionale.

À côté de l’aspect sécuritaire, il est impératif de comprendre que le développement économique de l’Est de la RDC constitue une réponse durable à cette crise. La pauvreté, le chômage, et l’absence d’opportunités créent un terreau fertile pour l’extrémisme et la violence. Ainsi, la création d’emplois locaux, la réhabilitation des infrastructures, et la promotion de projets agricoles durables doivent être intégrés dans toute stratégie à long terme pour désarmer les populations locales et offrir des alternatives à la violence. Les projets d’infrastructure dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des transports doivent permettre d’améliorer la qualité de vie des habitants tout en consolidant l’autorité de l’État.

Des exemples dans des pays comme le Ruanda (malgré son rôle controversé dans la région) montrent l’importance de la réconciliation sociale et du développement économique dans la pacification d’une région. Le programme de réconciliation sociale au Rwanda, après le génocide de 1994, montre qu’une société peut se reconstruire par des actions économiques et sociales tout en conciliant sécurité et développement (Thompson, 2017).

Quel est votre avis sur la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République ? Répond-elle aux aspirations du peuple ?

La réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République est sans aucun doute une occasion précieuse et incontournable pour répondre aux défis actuels de la République Démocratique du Congo (RDC). Il est indéniable que la Constitution actuelle présente de nombreuses lacunes qui entravent la mise en place d’une gouvernance efficace, inclusive et modernisée. Un tel processus de révision doit impérativement répondre aux aspirations profondes du peuple congolais. Cela passe par une représentation plus équilibrée de toutes les communautés, un renforcement de la décentralisation, et une séparation plus nette des pouvoirs, garantissant ainsi un contrôle et un équilibre optimal entre les différentes branches du pouvoir.

Il est essentiel que cette réforme ne soit pas perçue comme un processus imposé, mais qu’elle s’inscrive dans un cadre transparent et inclusif. Tous les acteurs de la société, qu’il s’agisse des partis politiques, de la société civile, des groupes de la diaspora et des citoyens en général, doivent être consultés afin de garantir une véritable participation démocratique. Un tel processus doit faire en sorte que chaque voix soit entendue et que chaque partie prenante puisse contribuer à l’élaboration des propositions soumises au Parlement, créant ainsi un climat de confiance et de consensus national.

Un des aspects les plus importants de cette réforme doit être la réduction des pouvoirs excessifs de l’exécutif et le renforcement des contre-pouvoirs, en particulier le rôle de l’Assemblée nationale et du système judiciaire. Ce rééquilibrage des pouvoirs est un pas nécessaire vers une démocratie plus robuste et plus fonctionnelle. Dans ce domaine, l’exemple de nombreux pays africains, comme le Ghana, où la révision constitutionnelle a permis de renforcer la séparation des pouvoirs et d’éviter l’accumulation excessive de pouvoir, montre qu’il est possible de renforcer la démocratie en redistribuant les responsabilités entre les différentes institutions de l’État.

En outre, cette réforme doit répondre aux préoccupations quotidiennes des Congolais, notamment l’accès équitable aux services de base tels que la santé, l’éducation, l’eau potable et le logement. Ces questions doivent être ancrées dans la nouvelle Constitution afin d’assurer un développement durable pour tous. Les changements constitutionnels devraient également intégrer des mesures pour lutter contre les inégalités sociales et économiques, en veillant à ce que chaque Congolais puisse jouir des mêmes opportunités, indépendamment de sa situation géographique ou de son statut social.

En résumé, la réforme constitutionnelle est une étape indispensable et salutaire pour la RDC. Elle constitue un levier essentiel pour une meilleure gouvernance, une justice sociale plus équitable et une stabilité politique durable. Cependant, cela ne sera possible que si le processus est transparent, inclusif et participatif, garantissant ainsi que les réformes répondent véritablement aux besoins et aux aspirations des Congolais. Une Constitution révisée, ajustée aux réalités du XXIe siècle, renforcera la cohésion nationale et offrira des solutions concrètes aux défis de gouvernance et de développement.

Que dire pour conclure ?

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude pour l’opportunité qui m’a été donnée de m’exprimer dans votre média. Ce fut un honneur de partager mes réflexions sur ce sujet capital pour l’avenir de notre pays. Aborder les enjeux de la réforme constitutionnelle, ainsi que les questions liées à la gouvernance, à l’inclusion sociale et au développement durable de la République Démocratique du Congo, est crucial pour construire un avenir prospère et équitable. Je suis convaincu que des discussions ouvertes et constructives comme celles-ci sont essentielles pour renforcer notre démocratie et guider notre pays vers la prospérité. Merci encore pour cette belle plateforme de dialogue et d’échange.

Propos recueillis par Pitshou Mulumba

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