La motion de censure déposée par les députés insoumis, communistes et écologistes contre le gouvernement de François Bayrou n’a pas été adoptée, jeudi 16 janvier 2025. Ni le Rassemblement national (RN) ni le Parti socialiste (PS) ne l’ont votée, ces derniers après une ultime lettre d’engagements du Premier ministre.
Premier obstacle franchi par François Bayrou : la motion de censure déposée par les insoumis, les communistes et les écologistes n’a pas été adoptée. Trop peu pour faire tomber le gouvernement de François Bayrou : sur 575 députés, 131 l’ont votée, bien moins que la majorité absolue nécessaire pour renverser l’exécutif (289 sièges). C’est nettement en dessous de la fronde qui avait coûté sa place au LR (Les Républicains), Michel Barnier, ciblé en fin d’année dernière par 200 députés de plus (331) que le centriste.
Le Premier ministre résiste donc au premier couperet qui planait au-dessus de sa tête depuis sa nomination à Matignon, il y’a un gros mois. Mieux, alors que la gauche avait voté comme un seul homme contre son prédécesseur dès son discours de politique générale, le Nouveau front populaire (NFP) s’est cette fois largement divisé, puisque les socialistes ont décidé d’imiter les LR et le RN en laissant sa chance au chef du gouvernement, venant ainsi grossir les rangs des macronistes de Renaissance, des centristes du Mouvement démocrate (MoDem), et des philippistes du parti Horizons.
« NOUS AVONS CHOISI DE NE PAS PRATIQUER LA POLITIQUE DU PIRE »
C’est par la voix d’Olivier Faure que le Parti socialiste a annoncé ce changement de pied, lors d’une prise de parole à l’Assemblée nationale en milieu d’après-midi, jeudi 16 janvier2025. « Nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire parce qu’elle peut conduire à la pire des politiques : l’arrivée de l’extrême droite », a lancé à la tribune, le patron des socialistes, sous les vives interpellations de ses camarades mélenchonistes. « Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons », a-t-il expliqué, avant de lister la totalité des points qui ont motivé ses troupes à ne pas voter cette motion. Parmi lesquels, la création ou le maintien de 12 000 postes de personnels soignants, ou encore la non-suppression des 4000 postes dans l’éducation nationale. Et, surtout, l’ouverture d’une concertation entre les partenaires sociaux pour établir les pistes d’amélioration de la dernière réforme des retraites, en vue d’un potentiel correctif par la loi cet automne. Le conclave sur la réforme des retraites a été lancé, vendredi 17 janvier, par François Bayrou. Mieux, un prologue.
« Une illusion », a fulminé une députée LFI (La France insoumise), pendant qu’Antoine Léaument (député LFI) a accusé Olivier Faure d’ « Hidalgoïsation ». Si les mélenchonistes ricanaient et invectivaient vertement les socialistes, l’ensemble des bancs du PS -François Hollande compris – ovationnaient, débout, le chef de leur parti. Une fois n’est pas coutume, les quelques macronistes présents dans l’hémicycle l’applaudissaient également.
LETTRE DU PREMIER MINISTRE
Si les socialistes ont assumé d’aller au bras de fer avec leurs camarades, c’est, entre autres, grâce à la lettre envoyée dans la dernière ligne droite par François Bayrou aux patrons du parti à la rose. « Avoir ce courrier, c’est top », a confié à l’AFP un élu socialiste.
Dans sa missive, le Premier ministre s’engage notamment à revaloriser toutes les pensions de retraites, à annuler les mesures de déremboursement de certaines dépenses de santé, à abandonner la hausse de taxe sur l’électricité mais aussi, à hausser les taxes sur les transactions financières, à taxer le rachat d’actions, et à mettre en place une surtaxe provisoire sur l’imposition des grandes sociétés. Autant de gestes interprétés comme des mains tendues à la gauche par les socialistes, qui disent ne pas avoir « la négociation honteuse », contrairement aux Verts. « Une inflexion bien timide », a regretté par exemple Cyrielle Chatelain, la patronne des députés écologistes, à la tribune de l’Assemblée. « Pas le début du commencement d’une économie. Des dépenses supplémentaires. Des hausses d’impôts. L’abandon des trois jours de carence dans la fonction publique. Évidemment, les socialistes achètent », a critiqué quant à lui, sur X, l’ancien ministre macroniste, Guillaume Kasbarian.
« VOUS VOULEZ QUE L’AFFRONTEMENT SOIT LA LOI »
L’issue de la séance étant connue d’avance, peu de parlementaires du socle gouvernemental étaient venus soutenir le Premier ministre dans l’hémicycle. Quasiment vides, les bancs macronistes étaient à l’image de ceux des Républicains. Mais contrairement au chef de la Droite républicaine, Laurent Wauquiez, qui a fait l’effort, le patron des députés Renaissance (Ensemble pour la République), Gabriel Attal, n’a pas jugé utile d’assister à la prise de parole de François Bayrou. Intervention qui, faute de soutien dans ses rangs, a été sans cesse interrompue par les députés LFI, grondés par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. « Vous voulez que l’affrontement soit la loi », s’est agacé François Bayrou en regardant les mélenchonistes, après avoir déjà trouvé leur attitude « invivable » lors de sa déclaration de politique générale, mardi dernier. Alors, quand le chef du gouvernement vante « la pratique du dialogue et de la négociation », un député LFI a rétorqué : « On va vous virer. » Pronostic approuvé par plus de 7 Français sur 10, selon une étude Toluna Harris Interactive pour RTL, publiée jeudi 2 janvier, où une large majorité de sondés (75%), considèrent que François Bayrou ne passera pas l’été 2025 à Matignon. « Votre mandat est marqué par le sceau du chantage (…) Les raisons de vous censurer aujourd’hui sont nombreuses mais certains s’apprêtent à vous sauver », a martelé ainsi le chef de file Insoumis, Manuel Bompard.
UN PEU D’OXYGÈNE POUR LE GOUVERNEMENT BAYROU
Une tonalité similaire à celle du RN, bien que les troupes lepénistes aient préféré opter pour une neutralité bienveillante à ce stade. « Un mauvais sommeil dont on se réveille sans qu’il n’ait rien réparé », a fustigé le député RN du Nord, Sébastien Chenu, avant de dénoncer une « absence totale de cap, de vision, de courage et de solutions pour notre pays ». « Votre moteur, c’est l’inertie (…). Mais c’est sur vos actes que nous vous censurerons (…). Nous n’avons pas pris Michel Barnier en traître, nous ne vous prendrons pas davantage en traître », a-t-il ajouté, confirmant que le sursis accordé par son camp ne vaudrait pas blang-seing.
Pour l’heure, le gouvernement de François Bayrou obtient un peu d’oxygène, qui lui permet de souffler. Mais la bataille qui s’annonce ces prochaines semaines sera périlleuse pour l’exécutif au Palais Bourbon. Une complexité dont le Premier ministre s’était amusée lors de la présentation de sa feuille de route, le 14 janvier 2025. « Au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout », avait-il affirmé. Dans « l’Himalaya » de difficultés auquel il avait dit s’attendre à sa nomination, le Premier ministre vient de gravir une première étape. En attendant de s’attaquer à une ascension autrement plus difficile, avec les débats budgétaires à venir.
Robert Kongo, correspondant en France