Depuis l’accession de la République démocratique du Congo à l’indépendance jusqu’à nos jours, la culture du dialogue politique ou de la concertation nationale est devenue héréditaire et une tradition pour accorder les violons politiques discordants, car le dialogue est un mode de règlement pacifique des conflits. La République démocratique du Congo a connu plusieurs dialogues politiques ou concertations nationales sous les différents régimes politiques (Kasa Vubu, Mobutu, Joseph Kabila…) suite à la crise multidimensionnelle, notamment l’instabilité politique, le marasme socio-économique, et les conflits armés persistants de l’Est. Curieusement, ces dialogues ont amené la classe politique (la classe dirigeante et l’opposition) et les composantes de la société civile à converger vers le partage du pouvoir, équitable et équilibré, sans tenir compte de l’intérêt de la population et du développement durable du pays.
Peut-on continuer à dialoguer dans cette condition ?
Dans la mentalité de la classe politique congolaise, le dialogue est un moyen de survie ou de repositionnement politique. C’est ainsi que des transitions élastiques étaient au rendez-vous, permettant aux acteurs politiques d’incarner la bourgeoisie prédatrice à travers le gouvernement d’union nationale ou de cohésion nationale.
Il sied de souligner que l’organisation, sans succès, des dialogues politiques ou des concertations nationales a conduit à passer d’un dialogue politique à un autre, sans cohésion nationale. En réalité, les dialogues n’étaient qu’un replâtrage destiné aux dividendes politiques et parfois à la pérennisation au pouvoir. La conférence nationale souveraine était un dialogue par excellence, ayant été étouffé suite au débauchage. Le dialogue de Sun City (les seigneurs de guerre), le CENCO (dialogue de glissement) et tant d’autres ont rendu les acteurs politiques richissimes sans tenir compte du bien-être de la population. Aucun dialogue n’a porté la cohésion nationale, ni le premier dialogue de la conférence de Tananarive en mars 1961, ni la conférence de Coquilhatville en mai 1961, ni le conclave de Lovanium en juin et en août 1961, ni la conférence souveraine, ni le dialogue de Sun City, ni le dialogue du CENCO, et tant d’autres.
La cohésion nationale est une question de maturité politique et non de dialogue. Lorsque l’homme politique congolais manque de maturité politique, on organise le dialogue à nouveau, ce qui fait qu’aujourd’hui nous sommes dans un système ‘’avant le dialogue également après le dialogue’’. Il s’agit d’un cercle vicieux.
Le dialogue en soi n’est pas mauvais, mais dialoguer dans le seul objectif du partage du pouvoir devient préjudiciable à l’État de droit et à la démocratie. On peut dialoguer sans accéder au pouvoir.
Concernant l’agression rwandaise, le dialogue doit intervenir entre l’État congolais et l’État prédateur rwandais, qui est à l’origine de ces conflits armés, en créant le M23 et le M23 bis/AFC ainsi que d’autres mouvements politico-militaires (AFDL, RCD, CNDP). Pour camoufler ses forfaits, l’État rwandais et ses complices placent à la tête de ces mouvements politico-militaires quelques Congolais enclins à demander le dialogue, avec la finalité d’infiltrer les Rwandais dans l’armée congolaise et dans les institutions de l’État. Dialoguer dans cette condition, cela viole la souveraineté et rend le dialogue interminable.
L’idée du dialogue commençait à germer dans la mentalité de la classe politique congolaise et de la société civile, suite à l’agression rwandaise, pour accéder au pouvoir, comme à l’accoutumée. Cette thèse est contraire à la Constitution congolaise de 2006, car le seul moyen d’accéder au pouvoir, c’est par les élections. La République démocratique du Congo a pris la voie constitutionnelle d’organisation des élections pour accéder au pouvoir ; restons dans cette voie au lieu de plonger le pays dans des dialogues interminables pour des intérêts égoïstes et mesquins.
Les dialogues politiques ont semé le désarroi et le désespoir au peuple congolais, suite à l’immaturité politique des acteurs politiques congolais depuis l’indépendance jusqu’à nos jours (2025). Seul le président de la République doit rendre compte au peuple congolais.
En définitive, la cohésion nationale, la paix sociale, la sécurité, le redressement de l’économie et la stabilité politique ne viendront pas à travers le dialogue politique, mais plutôt par le respect de la Constitution et des droits fondamentaux des citoyens, la bonne gouvernance (la transparence de la gestion de la chose publique), la justice équitable et effectivement indépendante, la mise en place d’une armée dissuasive, républicaine et professionnelle, la transformation des convoitises étrangères en opportunités de développement, ainsi que le renforcement de la diplomatie développementaliste et militaire.
Le dialogue politique, lié à la survie ou au repositionnement politique, a montré ses limites en République démocratique du Congo ; suivons la voie des élections qui amène l’alternance au pouvoir.
Bettens Ntumba
Analyste politique