À l’heure où les arts se réinventent au rythme effréné des formats numériques et de la culture instantanée, le théâtre académique en République démocratique du Congo semble sombrer dans un silence préoccupant. Jean-Michel Kibushi Ndjate Wooto, intellectuel engagé et figure majeure des arts vivants africains, refuse cette érosion silencieuse. Dans un plaidoyer articulé autour de six axes stratégiques, il invite à une renaissance lucide et concertée de cet espace de pensée, de mémoire et de formation. Car abandonner le théâtre, prévient-il, c’est renoncer à un levier puissant de résilience culturelle, d’éducation critique et d’expression collective.
Dans une époque où les formes d’expression artistique se renouvellent sans cesse, le théâtre académique en République démocratique du Congo semble être relégué à la marge. Pourtant, il reste un espace fondamental de transmission culturelle, de réflexion critique et de formation artistique.
À travers un plaidoyer construit sur six axes prioritaires, Jean-Michel Kibushi Ndjate Wooto, Docteur en Art et Sciences, Chercheur au centre de recherche en Cinéma et Arts du Spectacle de la faculté de Lettres, Traduction & Communication (LTC) de l’Art de l’Université Libre de Bruxelles et professeur des Universités en RDC, propose un plan concret pour la redynamisation du théâtre.
1. Une scène en perte de vitalité
Dans ses analyses, ce chercheur originaire de la République démocratique du Congo affirme que le théâtre académique congolais, autrefois foyer d’effervescence intellectuelle et artistique, traverse une période de profonde léthargie. Les salles se vident, les curricula peinent à se renouveler, et les étudiants en arts du spectacle font face à des perspectives d’avenir de plus en plus étroites. Dans un monde dominé par les formats courts, les plateformes numériques et les performances instantanées, les formes classiques de théâtre perdent de leur attrait. Les jeunes talents se tournent majoritairement vers les arts urbains : – slam, stand-up, hip-hop, vidéo – qui offrent une visibilité plus rapide et une plus grande flexibilité d’expression. À cela s’ajoute le désintérêt quasi-généralisé des politiques culturelles pour ce secteur pourtant stratégique. Faute de vision globale et de soutien financier structurant, le théâtre académique reste en marge des priorités, perçu comme une pratique désuète.
2. Le théâtre académique : entre héritage et nécessité
Pourtant, souligne ce professeur, le théâtre académique est bien plus qu’une simple discipline artistique : il est un lieu de pensée, de langue, de mémoire et de conscience. Il a joué – et continue de jouer – un rôle déterminant dans la formation de générations d’élites culturelles et intellectuelles du pays. Lieu d’expérimentation artistique, mais aussi de dialogue avec les traditions orales, il permet de penser collectivement notre société, nos tensions, nos utopies. Il offre aux jeunes une possibilité d’expression structurée, d’appropriation du langage, et de construction identitaire dans un cadre rigoureux. Il estime qu'”Abandonner le théâtre académique, ce serait non seulement couper un canal précieux de transmission, mais aussi perdre un outil d’analyse critique et de résilience culturelle”.
3. Un plaidoyer pour une renaissance stratégique (2025–2030)
Face à ce constat, Jean-Michel Kibushi propose un plan ambitieux mais réaliste, étalé sur six ans, pour relancer le théâtre académique en RDC. Son plaidoyer repose sur six axes prioritaires suivants: -Modernisation des contenus pédagogiques : il propose d’intégrer les langages contemporains, croiser les disciplines, encourager l’interdisciplinarité;
-Réhabilitation et équipement des infrastructures: salles de répétition, espaces scéniques, matériel technique;
-Création de passerelles professionnelles à travers des stages, résidences, partenariats internationaux, festivals universitaires;
-Valorisation de la création étudiante : il soutient l’accompagnement de la production, diffusion et critique;
-Ancrage social et communautaire : faire du théâtre un outil d’expression citoyenne dans les quartiers, les écoles, les universités;
-Renforcement des capacités des enseignants et des encadreurs.
Pour l’ensemble de ces actions, il propose un budget de 200 000 USD sur six ans, soit moins de 35 000 USD par an, un investissement modeste au regard de l’impact culturel, éducatif et social attendu.
Il défend la vision de faire du théâtre académique un laboratoire vivant, formateur, connecté aux réalités sociales, et acteur du changement.
4. Une mobilisation à initier dès maintenant
Pour Jean-Michel Kibushi, “Cette renaissance ne peut se faire sans une volonté commune. Le plaidoyer appelle à une mobilisation immédiate de toutes les parties prenantes : État congolais, ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur, directions académiques, partenaires techniques et financiers, artistes, anciens étudiants…”
Il rappelle également que le théâtre, au-delà de sa fonction artistique, est un puissant outil de cohésion sociale et de reconstruction symbolique, notamment en direction de la jeunesse. En ces temps troublés, il peut redevenir un espace d’élévation, de rêve et de dialogue.
5. Une parole engagée
Ce plaidoyer est porté par Jean-Michel Kibushi, artiste, pédagogue, pionnier du cinéma d’animation africain, docteur en arts et sciences de l’art, et enseignant dans plusieurs institutions académiques.
Fort de son expérience et de son engagement pour les arts vivants en Afrique centrale, il met à disposition des institutions, des médias et des partenaires culturels l’ensemble du dossier complet, incluant des propositions opérationnelles, une évaluation budgétaire et un calendrier de mise en œuvre.
M.O.K