Il est des nominations qui relèvent du symbole. Il en est d’autres, plus rares, qui s’imposent par la force des résultats. En accédant, voici un an jour pour jour, à la primature congolaise, Judith Suminwa Tuluka a cumulé les deux. Première femme à occuper la tête du gouvernement dans l’histoire tourmentée de la RDC, elle a surpris — non par son genre, mais par sa méthode : une gouvernance sobre, rigoureuse, et obstinément tournée vers les actes.
Dans un pays miné par les décombres de décennies d’improvisation politique, ce style tranche. Stabiliser la monnaie, maîtriser l’inflation, baisser le prix des carburants — autant de signaux concrets que l’État, ici, peut encore fonctionner. Le franc congolais, que l’on disait condamné aux tourbillons monétaires, retrouve une assise. L’inflation, qui rongeait chaque foyer, est contenue. La croissance, enfin, ne se résume plus aux seules extractions minières : le secteur tertiaire émerge lentement mais sûrement.
Loin du bavardage incantatoire, la cheffe du gouvernement a noué un rapport nouveau au réel. Il ne s’agit plus de rêver un Congo idéalisé, mais de le gérer, bloc par bloc. Dans un pays où l’on soupèse chaque promesse à l’aune de décennies de déceptions, cette approche du concret, presque technicienne, vaut bien des discours.
Même sur le front international, la République démocratique du Congo, souvent cantonnée au rôle de spectateur victime, a repris pied. Obtenir une résolution à Genève condamnant les incursions rwandaises, marginaliser Kigali au sein de la CEEAC, faire entendre sa voix au Conseil de sécurité — ce sont là les fruits d’une diplomatie instruite, patiente, et résolue.
Mais il serait vain de se satisfaire d’un bilan flatteur. À l’Est, la guerre n’a pas dit son dernier mot. À l’intérieur, l’insécurité foncière, les tensions sociales, l’indigence des services publics et l’épreuve des déplacés rappellent la fragilité congolaise. Mme Suminwa n’a pas transformé le pays — elle a démontré qu’il pouvait encore être gouverné.
Dans un État souvent qualifié de « failli », elle incarne l’idée que l’autorité publique n’est pas condamnée à l’impuissance. En RDC, c’est déjà une révolution.
Pitshou Mulumba