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2 octobre, 2025 - 07:25:46
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Ewanga sur Kamerhe : « Il devrait envisager de rendre rapidement le tablier » [Interview]

Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, se retrouve à nouveau sous le feu des critiques. Une commission spéciale examine les pétitions contre lui et quatre membres de son bureau. Jean Bertrand Ewanga, président du Front Citoyen pour la République (FPR) et ancien lieutenant de Kamerhe, juge cette crise révélatrice d’un choix personnel et d’une leçon que l’homme politique n’aurait pas tirée de son passé. Dans cet entretien exclusif, Ewanga revient sur le parcours de Kamerhe, ses décisions controversées et la nécessité pour lui de se confronter à sa conscience. Tout en dénonçant les spéculations sur un prétendu abandon par le chef de l’État, il rappelle que le FCR reste pleinement engagé aux côtés de Félix Tshisekedi. Entre équilibre des institutions, guerre à l’Est et actions sur le terrain, le parti veut affirmer sa présence et contribuer activement à la stabilité et au développement du pays.

Interview

Infos27 : Mise en place d’une commission spéciale pour examiner les pétitions contre le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Et il y a quatre autres membres de son bureau. Vous êtes un ancien parlementaire, vous avez passé beaucoup de temps à l’Assemblée nationale. Comment analysez-vous cette situation et est-ce une évidence que Vital Kamerhe, qui fait partie du présidium de l’Union sacrée, n’a plus le soutien de ses pairs ?

Jean Bertrand Ewanga : La situation de Vital Kamerhe peut, à un moment, devenir un véritable cauchemar. Je le dis en tant que l’un de ses premiers lieutenants, avec mon collègue Lubaya. Nous l’avons soutenu et avons même démissionné de l’Assemblée nationale pour appuyer Vital Kamerhe, sous le régime Kabila. Nous avions admiré son courage lorsqu’il a dit « niet » à l’arrivée de l’armée rwandaise dans notre pays pour la chasse des FDLR. La sympathie nationale était alors à son comble, car il incarnait le digne fils du pays. Nous l’avons accompagné à travers le pays pour faire passer son message. À cette époque, il avait démissionné dans des conditions difficiles. Bravo à lui.

Mais cette fois-ci, avec le président Félix Tshisekedi, ils ont aussi mené campagne dans le cadre de CACH. Et quelle a été notre surprise ! J’avais déjà rappelé que nous avions démissionné de l’Assemblé nationale, et moi-même, j’ai fait un an de prison à Makala pour défendre les idées de Vital Kamerhe, lorsque j’étais secrétaire général de l’UNC. Aujourd’hui, dans des circonstances presque similaires, Vital Kamerhe se retrouve à nouveau confronté à son destin.

Comment un homme aussi intelligent que lui, professeur d’université aujourd’hui, peut-il retomber dans le même piège ? Il y a là une question personnelle. Même nous, qui l’avons soutenu, nous nous interrogeons : qu’est-ce qui lui arrive ? Il a connu les conséquences, il a tiré des leçons. Pourquoi revenir dans le même piège ? C’est à lui seul de répondre.

Le chef de l’État, lui, a montré la grandeur de son esprit : il est tombé dans le trou, a été repêché, est devenu vice-Premier ministre, et nous avons applaudi. Il a repris le règne de l’Assemblée nationale. Mais pourquoi Vital Kamerhe accepte-t-il de retomber dans le même piège ? C’est une équation personnelle. Aujourd’hui, face à une pétition, c’est normal : c’est une prérogative des députés selon le règlement intérieur. Récemment, le chef de l’État a réuni les acteurs interinstitutionnels et les a appelés au calme. Mais il ne peut pas s’ingérer dans la gestion d’une institution.

Infos27 : C’est là toute la question. Certains accusent le chef de l’État de se tenir à l’écart. Est-ce une position logique dans une dynamique démocratique ?

Jean-Bertrand Ewanga : C’est une position logique. Le chef de l’État ne peut pas s’occuper de cette question, sinon ce serait une violation qui poserait de graves problèmes pour l’avenir de notre démocratie.

Infos27 : Donc, ce n’est pas un abandon de la part du chef de l’État ?

Jean-Bertrand Ewanga : Non, il n’y a pas d’abandon. Le chef a tout fait : il l’a sorti de Makala, il est devenu vice-Premier ministre, puis président de l’Assemblée avec l’appui des députés. Aujourd’hui, Vital Kamerhe doit s’assumer. Moi, je pense que face à son destin, et après tout ce qu’il a vécu avec le soutien de tous les Congolais, il devrait envisager de rendre rapidement le tablier, avant même que la commission ne tranche, s’il veut protéger ce qu’il lui reste. Car il est seul face à sa conscience et à son destin.

Tout ce qu’il a connu de difficile, a-t-il tiré les leçons ? Si oui, pourquoi retomber dans le même piège ? C’est la grande question. Nous voulons la paix dans le pays, pas de casse. À l’Est, la marmite bouillonne, nous sommes en guerre. Les députés nationaux ont les dossiers en main et sauront apprécier la situation. Vital Kamerhe doit aider pour que les choses avancent et il peut encore servir le pays autrement.

Infos27 : Faut-il craindre des fissures dans l’Union sacrée ?

Jean-Bertrand Ewanga : Personnellement, je n’en vois pas. Le combat mené par Vital Kamerhe a été un combat en solo. Ses déclarations et actes n’ont pas été concertés au niveau de l’Union sacrée. Il assume ses responsabilités. La plus grande priorité de l’Union sacrée reste de finir la guerre et de rassembler les Congolais pour le développement du pays.

Infos27 : Et qui pour remplacer Vital Kamerhe ?

Jean-Bertrand Ewanga : C’est pertinent. Il existe dans le pays, notamment au Kivu, de grandes personnalités capables d’assumer. Bahati Lukwebo, par exemple, a géré le Sénat avec maîtrise et brio. À l’Est, il y a d’autres figures, comme Julien Paluku, comme Bitakwira, etc. Il faut garder les équilibres fondamentaux : la primature à l’Ouest, le président pour toute la nation, et l’Est pour certaines institutions. Le Katanga n’est pas négligé avec le Sénat. Ces équilibres doivent être respectés.

Infos27 : Vous insistez sur la guerre à l’Est et votre parti a officiellement adhéré à l’Union sacrée. Le FCR est donc pleinement engagé auprès du chef de l’État.

Jean-Bertrand Ewanga : Ça ne peut pas être autrement. L’appel du chef de l’État, son engagement patriotique et sa vision pour le Congo nous ont profondément mobilisés. Nous sommes ses compagnons de lutte. Depuis la rue, nous avons œuvré à ses côtés, et je rappelle que j’ai été proche d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba. Nous sommes dans la continuité de cette lutte, et l’État nous donnera raison grâce aux exploits diplomatiques, économiques et sociaux. Il faut soutenir la vision du chef.

Infos27 : Quelle sera la marque du FCR sur le terrain ?

Jean-Bertrand Ewanga : L’Union sacrée, ce mastodonte politique, doit réparer son déficit d’actions sur le terrain. Nous devons marcher, chanter les victoires de nos forces armées, valoriser la reprise du trafic ferroviaire, le port en eaux profondes et la rocade, etc. Il ne suffit pas de se contenter des réseaux sociaux. L’Union sacrée doit montrer sa présence sur le terrain et affirmer sa propriété du pays pour aller de l’avant.

Propos recueillis par Pitshou Mulumba

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