Cela fait 8 ans jour pour jour, ce mercredi, que le chanteur Papa Wemba, de son vrai nom Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, fondateur et chef de l’orchestre Viva La Musica, est décédé. Aujourd’hui encore, la plaie est toujours béante et les mélomanes de la rumba congolaise restent inconsolables. Jamais ils avaient imaginé que leur idole partirait si tôt. « Un cauchemar ! », pour reprendre le terme de son ancien manager, Marie-Laure Yaone.
La nouvelle de la disparition de Papa Wemba, l’une des icônes de la musique congolaise, mort à Abidjan en Côte d’Ivoire, le 24 avril 2016, en pleine fête des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), avait suscité la consternation en République Démocratique du Congo (RDC) et dans le monde entier. Il avait 66 ans.
En effet, « Bokoul », comme d’aucuns aimaient l’appeler, faisait l’objet d’un véritable culte chez ses admirateurs. Il a créé une école de musique, un style, une mode, et a façonné des générations entières de musiciens africains dans sa façon de penser, de se comporter, voire de se vêtir. 8 ans après, la douleur reste profonde et sans remède, comme cette native de Matonge (Kalamu/Kinshasa-RDC), fan de Papa Wemba, Evelyne Diasivi, croisée à Paris, samedi dernier.
« Je pleure encore Papa Wemba, c’était un grand. Nous tous qui l’aimons avons le même sentiment ». Et d’ajouter, avec une voix tremblante d’émotion : « La musique congolaise est décimée. Jusqu’aujourd’hui, j’écoute ses chansons et je refuse de croire que vieux Bokoul n’est plus de ce monde ».
« Papa Wemba est un immortel de la musique congolaise, un grand chanteur que le Congo a perdu », a regretté le chanteur Dona Mobeti, fondateur du groupe Cavacha qui promet d’écrire une chanson pour rendre hommage à ce baobab de la musique congolaise.
Mêmes regrets et remords pour son ancien manager, Marie-Laure Yaone, que nous avons interviewé il y’a quelque temps. « Le 24 avril est une très mauvaise date, pour moi. Un cauchemar ! (…) Le choc a été terrible. J’ai collaboré avec Papa Wemba pendant 20 ans et je connaissais l’homme. Jamais, je ne pouvais imaginer le voir tomber, partir comme ça ! Mais hélas, il faut s’y faire et accepter l’évidence.
Et quand elle entend une de ses chansons dans les médias, à la radio ou à la télévision, par exemple, elle dit « bravo Papa ! », et de poursuivre en adressant un message à l’illustre disparu : « Il est difficile de t’oublier parce que tu as fait du bon travail. Ton nom et ton professionnalisme sont restés ». « Vous savez, nous dit-elle, il y’ a pas mal d’artistes qui sont tombés dans les oubliettes, au Congo, en Afrique et ailleurs. Dans un aéroport, dans un supermarché… lorsque j’entends l’une de ses chansons, je trouve ça formidable. Au début, je ne supportais pas et je m’éloignais pour pleurer. Certes, je pleurais parce qu’il nous manque, mais aussi je me disais qu’il est toujours là, à travers ses œuvres, et ça me comblait de joie ».
DE L’IDOLE À LA LÉGENDE
Papa Wemba, un être exceptionnel aux multiples facettes qui aura, par son aura et son charisme, marqué de son empreinte la musique congolaise. Ses chansons ont bercé des millions de personnes.
« Pauline », « M.T la vérité », « Chouchouna », « Amazone », « Liwa ya somo », « Bokulaka », « Ngambo moko », « Maria Valencia », « Ye te oh », « Poule de la mort », « En couleurs », « Maman », une chanson qui évoque un amour inconditionnel à sa mère disparue ou encore, la chanson « Esclave », une œuvre « mémoire », une musique « symbole » au cœur de la traite négrière avec son cortège de supplices, de larmes et de vies perdues. La liste est longue des chansons de Papa Wemba qui ont rythmé les cinquante dernières années de la rumba congolaise.
De l’orchestre Zaïko Langa Langa à Viva La Musica, en passant par Isifi, Yoka Lokole et Afrisa international, Papa Wemba, avec sa voix ténor particulière (héritée de sa mère, pleureuse professionnelle), est devenu la star adulée dans son pays, la RDC, par toutes les générations.
Si dans les années 80 et 90, il réussit l’exploit de percer en Europe, en Asie et en Amérique, où il se forge une solide réputation, c’est grâce à son talent et son professionnalisme que personne ne peut lui contester. Nul doute que Papa Wemba a largement contribué à faire connaître la musique congolaise à l’international. De l’idole, il est passé à la légende.
Chanteur (auteur-compositeur-interprète), le « Grand Mayas », (autre surnom de Papa Wemba), était aussi acteur. Il est apparu dans plusieurs films et documentaires, dont « La vie est belle » de Dieudonné Ngangura Mweze et Benoît Lamy.
VŒU EXAUCÉ
Papa Wemba est parti comme il l’a toujours souhaité…sur scène, devant ses fans. À l’instar de Molière. Son vœu a été exaucé.
La fête battait alors son plein à Anoumabo, un quartier populaire d’Abidjan, où a lieu tous les ans le Festival des musiques urbaines (Femua), quand le pire s’est produit.
Le « roi de la rumba congolaise », pour reprendre l’expression de la presse abidjanaise, qui était l’artiste le plus attendu de la soirée, entamait le troisième air de son concert quand tout à coup il s’effondre sur scène, le micro en main.
Malgré l’intervention des secours sur place et l’évacuation vers un centre hospitalier, il n’a pu être sauvé. Choc en RDC et dans le monde entier. Sa voix unique, l’une des plus grandes d’Afrique, ne résonnera plus !
Les artistes ne meurent jamais, dit-on. Papa Wemba, le « Nkuru », restera à jamais vivant pour la postérité, par ses œuvres.
« Je ne suis pas parti, je suis juste passé de l’autre côté, tu me retrouveras dans mes chansons, je suis toujours là », peut-on lire sur la pochette de son album posthume « Forever de génération en génération ».
« Ce n’est pas facile d’apprendre à vivre sans Papa Wemba parce que quand il aimait une personne, il lui faisait vraiment confiance. Et pas un jour ne passe sans qu’il l’appelle, même s’il n’y a pas grand-chose. Il était comme ça avec ses amis : Cornely Malongi, Riva Kalimasi (Dcd, ndlr), moi-même… Papa Wemba était présent dans notre vie. J’ai toujours en tête ses numéros de téléphone et lui aussi connaissait le mien par cœur », nous a confié Marie-Laure Yaone.
« ENTRETENIR LA FLAMME BOKOUL »
À l’occasion de la commémoration du 8ème anniversaire de la mort de Papa Wemba, « les Villageois de Molokaï » organisent une kermesse qui a commencé le 20 avril pour se terminer le 05 mai. L’évènement se déroule le long du couloir Papa Wemba (Madiakoko) à Matonge, dans la commune de Kalamu, à Kinshasa.
Le village Molokaï est en fait le regroupement de cinq avenues du quartier Matonge. Il est constitué des initiales des noms de ces artères : Masimanimba, Oshwe, Lokolama, Kanda-Kanda et Inzia.
Et pour enrichir cet évènement haut en couleurs, Marie-Laure Yaone a proposé aux jeunes du village Molokaï de passer des films et documentaires, et d’exposer des photos, peintures… pour assurer la conservation de la mémoire et des compétences artistiques de Papa Wemba. Ce, « pour entretenir la flamme Bokoul », dit-elle.
Né le 14 juin 1949 à Lubefu dans l’actuelle province du Sankuru (RDC), Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, dit Papa Wemba, un monument, un géant de la musique congolaise, laisse derrière lui une œuvre foisonnante, plus d’une cinquantaine d’albums réalisés entre 1970 et 2014. Repose en paix l’artiste.
Robert Kongo, correspondant en France